Et solitaire, je me transforme...
La tendresse n’était pas encore défaite… La caresse, du bout des doigts, escortant le prolongement du sommeil, guidant le parfum des peaux à la virgule du soupir, reconduisant l’affliction couchée à l’extrémité du noir.
L’aube aux tempes du jour… Et le silence sur la pointe des pieds balbutiait un murmure doux comme une fontaine clapotant au loin, un soir d’été, calme, où la chaleur pèse sur les murs. L’heure chancelle. L’instant moelleux et sans forme apparente est propice aux sutures qui pommadent toutes cicatrices. La nuit va bientôt mourir et le cœur engourdi prend racine dans le frêle retentissement des échos nocturnes restés suspendus aux voiles des brumes épaisses. A l’interstice des rêves pas tout à fait terminés, pas tout à fait oubliés, l’histoire de soi dépossédée de toute détermination s’exclame néanmoins dans une ballade sans chemin.
L’heure s’en va au loin poser le temps qui lui est trop lourd, puis revient le visage allégé des petits riens qui jamais ne se perdent.
Parce qu’une lune s’est glissée dans le halo des promesses sans exigences, parce qu’une main docile comme un matin venu de nulle part s’accroche à mes paupières seulement entrouvertes, parce que le jour naissant s’étire sur la cornée toujours neuve des tentatives à illustrer et à rendre palpable les possibilités d’existence, je sens l’aube qui me pénètre et coule dans mon sang.
A cette heure de l’extrême où la nuit termine de postillonner son brouillard de baves noires et où le jour n’a pas encore dévoilé son ampleur, j’habite ce lieu sans encombre où la vie ressemble à s’y méprendre aux berceaux des échouages. Mes yeux, comme des fenêtres imaginaires, s’écarquillent des futailles qui les animent. Ils se repeuplent à chaque réveil du souvenir réconcilié avec les bannissements clandestins ; avec les opprimantes des rumeurs qui veillent le râblé du noir indigeste. Et solitaire, je me transforme des respirations que la rosée infeste, pourvoie et brandie comme une flamme défaite du lampion qui la portait.