Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LA COLLINE AUX CIGALES
20 février 2012

Le murmure des allumettes.

Femme_fatale_I_ka5_vMon cœur s’entoure des anneaux de Saturne, le feu enserre le vent de tous les souffles. Par ici, tous les recueillements s’enlisent dans les flammes. La mémoire est absurde : elle se défait comme une catin qui vend ses charmes. Ton visage est une braise encore tiède. Mes mots sont un repas froid. Mon sang s’échoue sur les lèvres entrouvertes d’une parole étrangère. C’est l’ingérence des brûlures de la première aube. Le tout premier jour devait être une parole liquide, une parole incandescente. Une parole caustique enfourchant toutes les langues.

Et, mon murmure est composé d’allumettes. Une bougie sans cire reste éveillée dans le noir, dans la dureté du noir total. Même la nuit ne résiste pas. Elle s’enfuit ou s’évapore.

Aimer n’est pas un choix, j’en suis convaincu, c’est un secours. Aimer ouvre des portes sur nos regards blessés. Aimer nous encombre des soleils imaginaires que nous aurions voulus droits, hauts et éclatants. Aimer est la parole de l’instant qui suffoque le présent. T’aimer, c’est vivre d’excipients dans le terrassement de mon propre volcan.

Toi aussi, tu l’as connu ce jour qui monte dans son fracas de clartés insolentes. Ce même bleu qui fait trembler les lustres et les lanternes sales sur l’horizon crasseux. Tu la connais cette bave d’écume grise qui envahit soudainement les allées blanches. Roturière accablante nichée dans le sombre du regard. Je te parle de ces aubes fraîches où le soleil s’oublie. Je te dis à voix haute les mots restés recroquevillés sous la peau des permanences viles et pleines de bourres crottées. Ces mots abrupts et inflexibles comme des piquets alignés le long des champs pour que rien n’y pénètre, pour que rien ne s’en évade. Tu n’as rien dit. Tu es partie sans les cracher. Tu as sans doute préféré couper court à toute forme d’expression. Tu as choisi l’acte plutôt que les méandres ondulés qui jalonnent les espérances mourantes.

Si tu avais su exprimer autrement la colère, sans doute aurais-tu préservée la vie. Mais la parole ne t’a pas offert les mots qui soulagent. La révolte était trop grande et l’injustice vécue comme insoutenable. Ce n’était plus le monde qui ne te convenait pas, mais toi-même. Du plus loin que je me souvienne, tu as toujours considéré l’existence comme inappropriée à la joie plénière. Et, cette imperfection outrepassait ton seuil de tolérance.  

Toute une panoplie d’hypocrisie et de faux-semblant bousculait tes chairs dans le silence étouffant des déserts où se mesure l’urgence. Rien n’aurait pu contenir la boue infinie qui immerge nos langues au fond du puits noir. Les voix se seraient défaites des ombres pour lâcher leurs mascarades aux courroux des intimités violées.

L’absence n’est rien lorsqu’elle a pris la forme d’un autre désir. Rien ne demeure intact. Toutes les batailles engendrent des effets secondaires. Tant d’autres lieux appellent, tant d’autres voix résonnent dans cet ailleurs qui nous dépasse et nous ensevelit.

Il n’existe pas de regrets assez nourris pour qu’ils nous hissent aux cimes pointant au-dessus de notre seule existence. Il n’y a qu’une fatalité morbide clapotant les siècles de désespérance. Renoncer serait un encouragement à se soustraire aux forces plus violentes que l’amour. L’hiver approche et les heures vont devenir des mottes pleines de froidure. Nos crânes enfumés servent d’amulettes au désastre. Mais, tu es devenue la tentation suprême. Alors, je te retiens dans mon souffle. Je te préserve malgré le gel séparateur dressé comme un mur de verre. Comment ne pourrais-je pas te suivre ? L’attirance est savoureuse, douce et légère. Rien ne me retient vraiment. Alors, je me risque toujours à cet instant où tu embaumes l’air.

A mon tour, si je savais pleinement déverrouiller mes lèvres, il me faudrait plonger plus loin que mes cris condamnés à l’exil. Peut-être, arriverais-je ainsi à ciseler tous les sourires anciens qui remontent comme des rots chargés de rouille. Non, il n’y a pas d’heure, il n’est pas de temps pour que les mains déliées ne se replient sur la poitrine du jour. Chaque mot se recroqueville sur les commissures desséchées de l’espoir. Il n’y a pas de temps pour mourir ivre de nostalgie. Il n’y a que le murmure de l’absence plié sur le coin de mes yeux.

Souvent, j’ai convoité des haltes douces, des alcôves de répit, des parenthèses renfermant et protégeant la quiétude. J’ai battu le vent pour qu’il grimpe plus haut. J’ai disputé l’éclaircie aux sombres marasmes des angoisses. Aux pentes abruptes des falaises, l’adieu est devenu ce caillou qui roule dans la poussière blanche. Certains soirs de pleine lune, je le vois glisser de la pente du souvenir. Il roule puis il sombre dans le tournis des siphons qui avalent tout l’océan d’une seule goulée.

Une présence demeure dans le vide concret. Le temps pioche dans ses stocks, puis s’abat comme tombe une hache. Nous sommes à la limite. D’un côté, l’effondrement des heures, et de l’autre l’espace limité de soi. Nous sommes dans la parenthèse, dans l’oubli façonné par la raison tranchant la frontière. Le temps est cette valse fugace, ce tango aux pas légers fourmillant d’ombres. Les heures sont des méningites, des atrophies ostentatoires où flambent nos mouvements. Partout dans la respiration du monde, j’entends parler des voix. La tienne parmi la meute. La tienne écartée de la foule, plantée dans le noir comme une lanterne douce.

Où que tu sois, je sais que tu te souviens de moi. Parce qu’au fond du silence brille l’expression nue, le langage des ondes qui perpétue le souffle de l’humanité. L’absence s’érodera. La chute perdurera. Et puis, un matin, on se lèvera comme une mort se réveille de l’oubli. On embrassera les premiers rayons du soleil, on soulèvera les draps, on avalera un café, et l’on repartira dans la nuit avec une étoile sur l’épaule. L’absence muscle l’air que je respire. Nos souffles ont connu le partage. A présent, ils dévissent l’air qui a déjà servi.

 

Publicité
Commentaires
S
Ici, crépite le feu dans l'âtre de l'ombre.
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 207 326
LA COLLINE AUX CIGALES
Publicité