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LA COLLINE AUX CIGALES
19 février 2012

Sous l’avalanche.

eberl_francois_zdenek_maurice_nu_assis_au_canape_1591439_500_500_1591439Le monde se refait dans nos yeux. Notre histoire regagne sa maison. Chaque histoire a un lieu qui lui est propre. Et comme si tout retrouvait sa place, elle revient baigner à sa source. Nous sautons à travers le temps. Une toile rayée d’ombres s’est déchirée. Bien sûr, il reste d’innombrables promenades, mais nous avons précipité la nostalgie sous l’avalanche des dégels circonstanciels. La vie a fleuri par deçà. Plus aucune ombre ne trébuche dans notre jardin. Et puis, nous avons appris à nous blottir dans la marge. A l’écart des ciels d’hiver qui encombrent les histoires d’amour défuntes. Tous les soleils ne fondent plus la matière inanimée. Nous logeons une saison transversale. Quelques hématomes démangent encore un peu nos peaux d’enfant, mais la pelure a dilué la couche de croûte qui nous tenait enfermé en nous-mêmes. Le présent est devenu un temps immobile. Le futur ouvre sa porte mais il ne peut transporter avec lui que cette urne invisible du souvenir tel que je le fais exister encore.

Je suis né en fin d’été, à la saison où la nature quitte sa peau bronzée pour se dévêtir des rêves qui berçaient l’illusoire plénitude de l’éternité chaleureuse. Je suis né de la rencontre du ciel et de la terre, dans un paysage où tout se prépare à la fixité de l’hiver rigoureux. Une simple circonstance organisée du hasard. Une incartade excentrique, une dérive de la vie qui s’introduit dans la nuit, s’immisce dans les ténèbres pour y accoucher de son lait blanc. J’ai longtemps flotté sur des eaux usées avant de concevoir l’énigme comme une délivrance providentielle. J’ai dû croire alors que la lumière était un geste, une simple posture de blanc alignée devant la crypte où niche le vertige. Une réminiscence lavée par la foudre. J’ai dû supposer la clarté droite comme un piquet, et croire que sa rigoureuse verticalité n’éclairait que le dessus de la tête. Mais, le corps, cet entêté à vivre, m’a bien vite informé de ses besoins et de ses exigences. Tout s’est très vite organisé pour la survie. Etre léger était plus qu’un espoir fondu dans la masse. Et puis, il a fallu se relever, il faut toujours se relever. Debout, la sensation de lourdeur est encore plus massacrante. Et si, je me maintiens malgré tout dans un frisson aérien, c’est dans l’ardent espoir que mes lèvres touchent les étoiles. Convaincu que le baiser des astres me délivrera de cet atterrement insupportable.      

Toi, bien sûr, tu es venue au monde à la fin de l’hiver, à l’heure où tout se prépare à foisonner. A l’heure où les futurs bourgeons se contractent dans leur sève nourricière, et où la nuit s’éteint pour donner lieu à la pétarade de lumière et de couleurs. Tu es née de cette promesse vivace que transporte la salive ensemencée de grâce.  

Tu vois, nous ne pouvons nous affranchir des saisons. Chacune d’elle a ses secrets et ses mystères. Nos yeux sont des étamines que le vent transporte. Ils fécondent dans le souffle de l’évidence silencieuse. Nous ne pouvons voir le miracle qui s’organise à l’intérieur. Nos yeux sont aveugles à la bonté du monde et nous nous culbutons à chaque joie qui vient.

Il nous faut consentir au tremblement si nous espérons atteindre la solidité du rocher qui nous attend sur la berge. Nous sommes fragiles de nos cœurs battants. Vulnérables.

L’émotion qui se murmure dans le lit de nos rencontres est une attente dénudée. La nuit attelée aux mirages de l’amour livre à nos cœurs étouffés ses rives inondées du croassement des étoiles.

Parfois, on a conscience d’être une particule de la joie du monde. D’autres fois, on sait qu’il nous faut rassembler toute l’énergie dont nous disposons pour nous maintenir dans la main de l’autre. Des signes séculaires brandissent leurs étendards malgré le vent rageur. Le feu est un gouffre où la lumière attend qu’on vienne la prendre.

Crois-tu que l’on puisse t’atteindre simplement avec quelques bribes d’émerveillements ? Il y a dans l’amour un savoir qui nous précède. Et les attirances sont inscrites au canif sur les écorces d’arbres. Nous sommes incontestablement grimés sur toutes les façades du jour. Même les rigueurs frigides de l’oubli n’ont pu effacer nos deux prénoms. Des milliers d’Odile et de Bruno vivent dans d’autres corps, dans d’autres forêts.

Parfois, il m’arrive de penser à cette mort lointaine, à toutes les planètes qui peuplent le ciel sans que j’en connaisse leur existence. Je pense à ce qu’il peut y avoir d’inconcevable, à la lumière qui meurt avant de nous parvenir. Aux pluies d’étoiles qui s’écoulent sur des lunes restées à jamais dans l’obscurité de l’univers.

Une rose des vents sur des chemins écartés. Il faut survivre aux pas du fantôme qui hante ma mémoire. J’ai ramassé toutes les nuits en une seule. Perlée de bleu et d’écarlate, je t’enjambe. Art sacré du plaisir, le vif de la lumière est dans mes veines. Nos vies éboulées dans la cicatrice, je pense à la mort comme on pourrait imaginer une résistance plantée dans le ventre des refuges incertains. Même les ombres font du bruit.

Et puis, je t’imagine partie et perdue, comme une sorte de pluie sur la vitrine du temps, et les gouttes que je vois ruisseler doucement me sont intouchables, me sont inaccessibles. Quoique la mort, vois-tu, il me semble la connaître. Je crois la savoir au fond de ma gorge et sur le bord de mes hanches. Chaque frontière est bordée de terriers et de loges profondes inexplorées. Et, il est m’est arrivé de me cogner à ces buissons inhabitables qu’aucun bruit ne traverse. Il n’ y a rien à atteindre, hormis l’indélébile encre de chine qui vient à notre rencontre. La lumière est repliée dans un fossile impénétrable. J’y ai perçu une matière si dense et si compacte que ce que nous considérions comme innombrable c’est rassemblé en un seul étonnement. Depuis, je ne m’isole plus, c’est l’estomac de la lumière qui me digère.

Ce qui remue à l’intérieur des fibres vivantes fait tanguer l’alentour. L’isolement trouve la paix seulement dedans. Les cataplasmes fondent un peu. La chair les absorbe.

Faire le vide. Extirper, décrasser. Tondre l’idée à sa plus simple expression : Oui et Non. Des bateaux chargés à bloc s’empressent de mettre les voiles. Une émotion est née à voir partir les autres. Le vide dans son happement violent avalera jusqu’à la façade du jour. Débridera la torsion des volets qui m’empêche de te voir. L’ombre assiège la lumière partout où elle résiste. Il faut s’abandonner à la rivière qui court. Et laisser faire les arbres qui accompagnent l’eau jusqu’au ciel.

 

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