Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LA COLLINE AUX CIGALES
15 février 2012

Je suis en route.

torsion2Il fait définitivement nuit dans le jour. Nous sommes des petits Poucet parsemant de cailloux blancs sur nos chemins d'existence. Mais, tout disparaît et tout s’efface. Il ne reste que soi et ce qui est perdu. Il y a quelque chose de superflu dans l’utile. Ta vie a servi ta mort jusqu’à venir briller dans ma nuit comme une lame éclairée par une tornade d’étincelles. Un sabre renvoyant la lumière éblouissante. Et te voir encore, c’est perdre la vue. 

Aveugle comme Œdipe, les mains sur la poitrine des heures lourdes, je tends mes bras vers toi. Tu le sais, je n’ai pas d’autres lieux à explorer que la providence. Cette esquisse peinte dans les grottes, ce chemin insolite qui reconduit aux racines des pierres.

Mon chemin se fragmente et se dissout là où tu n’es pas. J’ai posé mes pieds sur le tapis de tes cendres. Ma route est peuplée d’hésitations, de maladresses et d’inquiétudes. Mais, je m’abandonne à toi comme à un cœur d’ivresse fatale. Les rayons d’autres feux provoquent la confusion. La joie de t’avoir en moi ne m’impose pas le sourire sur d’autres lèvres. Tu es le contrepoids aux grisailles de l’hiver, aux mornes soirées d’ennui. 

Mais, je suis en route bien avant que tu ne le saches. J’avance en moi-même comme un rouleau compresseur.

Le monde se refait dans nos yeux. Notre histoire regagne sa maison. Chaque histoire a un lieu qui lui est propre. Et comme si tout retrouvait sa place, elle revient baigner à sa source. Nous sautons à travers le temps. Une toile rayée d’ombres s’est déchirée. Bien sûr, il reste d’innombrables promenades, mais nous avons précipité la nostalgie sous l’avalanche des dégels circonstanciels. La vie a fleuri par deçà. Plus aucune ombre ne trébuche dans notre jardin. Et puis, nous avons appris à nous blottir dans la marge. A l’écart des ciels d’hiver qui encombrent les histoires d’amour défuntes. Tous les soleils ne fondent plus la matière inanimée. Nous logeons une saison transversale. Quelques hématomes démangent encore un peu nos peaux d’enfant, mais la pelure a dilué la couche de croûte qui nous tenait enfermé en nous-mêmes. Le présent est devenu un temps immobile. Le futur ouvre sa porte mais il ne peut transporter avec lui que cette urne invisible du souvenir tel que je le fais exister encore.

Je suis né en fin d’été, à la saison où la nature quitte sa peau bronzée pour se dévêtir des rêves qui berçaient l’illusoire plénitude de l’éternité chaleureuse. Je suis né de la rencontre du ciel et de la terre, dans un paysage où tout se prépare à la fixité de l’hiver rigoureux. Une simple circonstance organisée du hasard. Une incartade excentrique, une dérive de la vie qui s’introduit dans la nuit, s’immisce dans les ténèbres pour y accoucher de son lait blanc. J’ai longtemps flotté sur des eaux usées avant de concevoir l’énigme comme une délivrance providentielle. J’ai du alors croire que la lumière était un geste. Un geste salvateur. Une réminiscence lavée par la foudre. J’ai dû croire que la clarté était droite comme un piquet, croire que sa verticalité rigoureuse n’éclairait que le dessus de la tête. Mais, le corps, cet entêté à vivre, m’a bien vite informé de ses besoins et de ses exigences. Tout s’est très vite organisé pour la survie. Etre léger était plus qu’un espoir fondu dans la masse. Et puis, il a fallu se relever, il faut toujours se relever. Debout la sensation de lourdeur est encore plus massacrante. Et si, je cherche encore à toucher les étoiles de mes lèvres, c’est bien parce que je supporte difficilement cet atterrement obligatoire. 

Toi, bien sûr, tu es venue au monde à la fin de l’hiver, à l’heure où tout se prépare à foisonner. A l’heure où les futurs bourgeons se contractent dans leur sève nourricière. A l’heure où la nuit s’éteint pour donner lieu à la pétarade de lumière et de couleurs. A l’heure où l’attente est une promesse.

Tu vois, nous ne pouvons nous affranchir des saisons. Chacune d’elle a ses secrets et ses mystères. Nos yeux sont des étamines que le vent transporte. Ils fécondent dans le souffle de l’évidence silencieuse. Nous ne pouvons voir le miracle qui s’organise à l’intérieur. Nos yeux sont aveugles à la bonté du monde et nous nous culbutons à chaque joie qui nous vient.

Il nous faut consentir au tremblement si nous espérons atteindre la solidité du rocher qui nous attend sur la berge. Nous sommes fragiles de nos cœurs battants. Vulnérables.

L’émotion qui se murmure dans le lit de nos rencontres est une attente dénudée. La nuit attelée aux mirages de l’amour livre à nos cœurs étouffés ses rives inondées du croassement des étoiles.

A un certain moment on sait que l’on est une particule de la joie du monde. A un autre, on sait qu’il nous faut rassembler toute l’énergie dont nous disposons pour nous maintenir dans la main de l’autre. Pour nous qui venons du gouffre où la lumière naît du désespoir de la nuit, Il n’y a pas d’offrande, il n’y a pas de don, autres que nous-mêmes.

Crois-tu que l’on puisse t’atteindre simplement avec quelques bribes d’émerveillements ? Il y a dans l’amour un savoir qui nous précède. Et les attirances sont inscrites au canif sur les écorces d’arbres. Nous sommes incontestablement grimés sur toutes les façades du jour. Même les rigueurs frigides de l’oubli n’ont pu effacer nos deux prénoms. Des milliers d’Odile et de Bruno vivent dans d’autres corps, dans d’autres forêts.

Il m’arrive de penser à cette mort lointaine, à toutes les planètes qui peuplent le ciel sans que j’en connaisse leur existence. Je pense à ce qu’il peut y avoir d’inconcevable, à la lumière qui meurt avant de nous parvenir. Aux pluies d’étoiles qui s’écoulent sur des lunes restées à jamais dans l’obscurité de l’univers.

Une rose des vents sur des chemins écartés. Il faut survivre aux pas du fantôme qui hante ma mémoire. J’ai ramassé toutes les nuits en une seule. Perlée de bleu et d’écarlate, je t’enjambe. Art sacré du plaisir, le vif de la lumière est dans mes veines. Nos vies éboulées dans la cicatrice, je pense à la mort comme on pourrait imaginer une résistance plantée dans le ventre des refuges incertains.

Et puis, je t’imagine partie et perdue, comme une sorte de pluie sur la vitre du temps, et les gouttes que je vois ruisseler doucement me sont intouchables, me sont inaccessibles. La mort, pourtant, il me semble la connaître. Je crois la savoir au fond de ma gorge et sur le bord de mes hanches. Chaque frontière est bordée de terriers. Buissons inhabitables, je suis menotté dans le silence blafard où parviennent les échos du bruit du monde qui gronde comme le couvercle d’une casserole en ébullition. Je ne m’isole plus, c’est l’estomac de la lumière qui me digère.

Publicité
Commentaires
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 207 341
LA COLLINE AUX CIGALES
Publicité