Il y a l’engourdissement.
Tu es partie sans rien dire. Tu es partie comme s’en vont les roulottes gitanes sous un ciel étoilé. Tu m’as laissé dans cette maison souterraine où s’éteint la lumière. Mais, je ne peux marcher plus longtemps dans mes larmes froides. Un océan de givre bleu attend la ravine où s’entaillent les roches pour y achever la résistance qui me vieillit. Il n’y a pas de terme pour dire ce qui se transforme. Le rêve opalescent prolonge la sublimation, déborde les images, foisonne de formes, et cultive le parfum du désir partout où il a échoué. L’inabouti trouve ici sa deuxième chance. Son ultime possible afin de franchir l’espace invisible qui nous repousse et s’acharne à brouiller nos ondes. Nous pesons le poids de nos rêves. Dés lors la matière se troque pour devenir poème. De simples tirades pouponnées dans l’envol des fascinations.
Le jour se vide. Au bout de la jetée il y a un peu de ta clarté. Derrière cette lueur, il y a l’engourdissement où crève ton absence. Et plus loin encore, il y a un cri. Une odeur d’électricité comme après un gros orage claquant la foudre. Le ciel est si bas qu’il ressemble à une couverture. Notre cordon courbe la niche entre le temps et la promesse. Nous habitons le leurre comme une navette voyage de la réalité à la mer d’étoiles qui occupe notre obstination. Nous germons doucement dans la mare de l’engouement sauvage. Un pied posé sur le mirage de l’océan, les lèvres collées à nos joues respectives et le cœur unique et rassemblé coule dans le saignement indigné.
La violence se transforme en douceur. Nous sommes invincibles. Là-bas, tout au fond du couloir, deux rochers parlent de durée. Inlassables flots où le crépitement des fêlures élargit le sol que nos pieds ne touchent plus.