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LA COLLINE AUX CIGALES
3 janvier 2012

Traversons les miroirs.

dreyfus08_10_08_4Nos vies sont des révélations de l’infini et nous ne pouvons concevoir cette effrayante réalité. Que tout s’arrête et nous nous ramifierons au silence. Une goutte d’eau claire ruisselle de la mémoire de cette aveuglante clarté où fermente l’aube nue. Rien n’aboutit nulle part, tout semble être un voyage d’un bout à l’autre de la parole en l’air. Je suis greffé à ta voix comme une poussière se colle à l’humidité de mes lèvres. La durée est un mensonge, il n’y a qu’un seul temps, celui qui nous secoue comme des feuilles au bout des branches. Notre berceau est cette musique du vent qui siffle dans nos entrailles.

Nos cœurs se recousent dans la poitrine de l’autre. Nos salives se diluent comme une fonte de neige qui n’aurait pas encore connu la fluidité de l’eau. Comme des cheveux emmêlés qui n’auraient jamais connu le peigne. 

Nos charpentes embuées sont les reflets du cyprès qui couche ses hautes branches dans le ciel. Nous sommes des greniers perpétrés dans le bois et le masticage des heures de miel, de sel et d’égratignures. Tu avais juste dix-sept ans et le désir était un glissement. Tu en avais dix de plus et c’est toi qui glissais. Comme d’habitude, tu étais la surprise. Comme tous les jours qui passent, tu as glissé jusqu’au bout de la pente. Têtue et obstinée à rouler jusqu’au fin fond du noir. Sûre de toi comme le sont les mots lorsqu’ils s’enferment dans le tombeau des bouches cousues. Convaincue que la rengaine des heures n’avaient plus rien à te dire, plus rien à t’apprendre qui ne soit autre qu’une paix heureuse à partager.

Les boucles de tes cheveux noirs batifolaient au-dessus des pyramides. Le sable de nos déserts recouvrait déjà la solitude comme un voile de fumée où la détresse cachait ses secrets au fond de l’oubli. Car, rappelle-toi, nous nous sommes oubliés. Nous nous sommes empilés sur les miroirs, et nous grattions les pigments de rouille avec les lames de nos cœurs. Quelle était belle la vie lorsque nous avions la sensation de nous accoupler par nos prières ! Tu vois, la joie est un pays qui ne s’habite pas. Une terre capricieuse pour les fleurs fragiles. Elle ne se touche que nue et avec délicatesse, elle ne s’apprivoise pas. Nous lui sommes néanmoins dévoués et c’est elle qui nous mène à la lumière de son sacrement. Nos sourires dorment à l’intérieur des forêts noires. Nous y tintons comme des cloches perdues au fond de nos destins ensorcelés à la tragédie du monde des hommes. Nous sommes pareil à ce village resté intact sous les eaux du lac artificiel où le beffroi se fait toujours entendre.

Je ne peux rien revendiquer à l’attente ; t’attendre encore n’a de réalité que lorsque je persiste à te peindre aux couleurs de mon inspiration. L’amour avant de porter une vérité, transcende l’être, dévie son devenir, trouble la limpidité des sources. Le calme provisoire s’atrophie dans le dépôt des limons et la moindre secousse provoque à nouveau l’épaisse bourbe de son lit d’apitoiement. L’impatience flotte dans la respiration. Nous volons comme du plomb devenu mousse d’écume. Nous créons pour ne pas disparaître. Et je t’écris pour te rejoindre dans le flot aérien des commérages futiles et des ragots frivoles. L’écriture commémore l’événement inscrit dans nos fibres, elle ouvre le sémaphore sous la dictée de nos sens, elle boit à la lie qui nous traverse.

Dans ce ratissage des mémoires, ma langue est un porte drapeaux, mes lèvres sont le fleuron fiévreux des envolées sémantiques. Nos significations sont sculptées à la traverse des ponts morcelés par les gouttes de sel des durées éclatées. Elles sont des fleurs sauvages essuyant les bourrasques du vide. Elles perpétuent les formes de ton corps que le désir remonte à la surface des heures inachevées.

FelpacherCampapseViens avec moi ! Allons piétiner les épouvantails du manque et de la carence. Traversons les miroirs comme des étincelles provoquent la nuit dans son sommeil carcéral. Sous le brassard du temps, il nous faut extraire les heures vierges qui dérivent vers cette armoire d’imaginaire. Buvons ensemble les ombres du cachot où se cachent nos premières bouffées d’existence. Il nous faut coûte que coûte réorganiser l’insolite de la matière.

Nos sphères sont des lunes pointées résistant aux dilatations de l’exil. Au bout de nos vies, nous entrons dans la mesure inconnue de nos soifs. Il nous faudrait inventer la halte avant le désencombrement, la pause qui offre le répit avant que tout s’effondre. Les gouffres ne se purgent pas. Tout est trop profond, trop immense. Je regrette déjà le goût des fruits et l’odeur de la terre. Nos puits de misère absorbent les méandres et les roches pointues. L’heure se compte sur la pointe des falaises. Déjà, des traces nouvelles posent leurs empreintes sur le vide. Allons vite ! Fuyons les marques derrière nous. Gageons que la plus grande poésie du monde est lovée dans le silence. Achevons enfin le chemin de notre gorge de chair où notre sang s’enfuit.

Où que soit ton perchoir, mon désir dévore ton ombre plongée dans la vase séculaire. Je transpire la profondeur de nos vendanges tardives comme une métaphore renvoie l’écho de ta silhouette. Fasciné par les images palpitantes. Au point de les croire plus inextinguibles que le réel, plus vivantes que le breuvage du soleil. Je suis imbriqué aux pieds de ta fluorescence et la lueur parle de toi.

Toute la vie est une course poursuite de nos élans et de nos actes. Et si la mort ne venait pas mettre un terme à nos amertumes d’être, à nos excroissances délictueuses, l’existence serait un cadeau empoisonné, une parodie de la souffrance, des blessures sans espoirs.

C’est à la fascination de l’impossible que nous devons les forages les plus inhabitables. L’utopie est la nécessité ultime de tout raisonnement, de tous les lieux improvisés, de toutes les aires fécondes. Elle déroge à la condescendance des courtoisies morales. L’illusion fantasque dessine devant nous la part ensevelie de nos demeures provisoires et de nos surenchères.

 

 

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Commentaires
B
Salut Ouille. Bon retour. Merci de me lire depuis… si longtemps. Ton commentaire est très élogieux, alors que mon écriture est seulement ce qui traverse ma chair. Plus que le compliment, les yeux qui acceptent de s’attarder un peu sur mon récit, voilà qui me ravi.
B
de retour. <br /> <br /> y en a des choses à lire. contente d'avoir eu un peu de temps pour le faire. <br /> <br /> "Gageons que la plus grande poésie du monde est lovée dans le silence."<br /> <br /> c'est clair. tant pour les silences auxquels je viens d'assister que pour les miens. <br /> <br /> pourtant sans vouloir te complimenter, j'avoue que la plus grande poésie du monde a cette chance de vivre dans tes mots. <br /> <br /> merci de ces récits. <br /> <br /> bonne année, B.
B
Merci Sedna de ces compliments. Mais, restons modeste, je ne fais qu’écrire, dire et raconter.
S
De belles envolées où se retrouvent l'absence, le manque, l'amour et cette communion d'ombres et de lumières. Tu es un artiste, un esthète des mots.
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