Résistance.

Nos cœurs greffés l’un à l’autre s’étourdissent. Les rideaux sont tirés et la lumière est sur pause. Une épuisette laisse filer du bleu et du jaune. Il s’agit bien de cette ripaille d’opulence flétrie que j’ai vu vibrer dehors, au petit matin. Un rai lumineux sous la porte, l’aube est pieds nus. La nuit chancelle doucement. Nos poumons sont restés cloués aux étoiles. Les mots se retrouvent peu à peu. Nos corps ne peuvent se résoudre à l’obstacle des heures fugueuses. Une fois encore, la pudeur résonne d’un bruit d’ailes comme un Angélus s’envole aux marais du temps.   

Des bêtes sauvages se fondent dans la brume épaisse. Le paysage humide colle des heures brèves à la peau. Le regard est criblé d’apostrophes. Quelques moutons pâturent l’herbe qui se réveille. L’air mouillé dégringole sur ma langue. Des mots en goguette au fond de la gorge cherchent la rade, mais les courants du songe les délogent avant même qu’ils n’aient pu s’associer.

Mon grimoire est dans ce lieu d’existence atemporel. Ecrire, c’est voir. Ecrire, c’est dire ce que l’on a vu, senti, entendu. Dans cette forêt de charabia iconoclaste où l’homme concret cherche à déchiffrer et à comprendre, il peut exister une poésie, un espace où chaque mot est une fusée jaillissante du silence. Et, j’aime que la pensée puisse être envahie d’ogives interstellaires bousculant et objectant la signification des choses installées. J’aime l’idée de l’éclaboussure des grains de sable sur nos déserts assermentés. J’aime cette inondation de vérité indicible, cet air frais venu par-delà les routes d’épices. Ainsi, du safran inocule le sang à la parole. Ainsi, du poivre torréfie nos gorges et nos ablutions verbales rincent les mots savamment tenus au bout de nos langues.

J’éteins le feu qui heurte la lumière. Des pépites d’air s’enfoncent dans la mer. Ton cœur tinte dans ma poche.