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LA COLLINE AUX CIGALES
24 décembre 2011

Se départir et concéder.

ange2Mon rêve est fécondé de hasard ; des milliers de petits œufs prêts à éclore jonchent de toutes parts. Parfois, le liant et le lié s’assemblent. L’amour a gravé sur son front l’ignorance du hasard au fer rouge. Joie et malchance s’illuminent au loin dans l’obscur. Et puis, soudain, un jet d’étincelles bondissantes éclaire l’obscurité où tu t’étais replié.  

L’amour connaît bien les masques d’Aphrodite, de Vénus et d’Artémis d’Ephèse. Il était là avant nous. Il produisait déjà son lait de jouvence avant que nous l’ayons goûté. Il éclairait les terres inconnues sur lesquelles les cœurs dérivent. Et j’en suis convaincu, il ne nous laissera aucune chance de lui échapper. Il nous tenaille et nous séquestre par ses douceurs incontournables

Nos yeux sont des suées, nos bouches des flûtes de pan, nos ventres des calices et des hosties, nos cœurs défient l’indifférence et l’abstinence. L’épiderme de l’aube sait déjà le chant du coq qui est dans le sang du monde. Nous sommes immergés par cette respiration qui s’enchevêtre à la nôtre. Sur nos tempes s’imprime le pouls de cette influence mortelle de l’amour. Et toujours, nos matières sont à la dérive entre l’être et l’oubli. 

Immatures cordeliers, nous façonnons les nœuds mal faits et trop lourds qui nous conduiront aux fonds de nos mers. Et nous mourons de chaque nouveau départ qui s’incruste sur le précédent. L’amour est une meule où s’affûte la passion qui nous poignarde.

A nouveau, l’heure est blanche comme une farine qui attend tes mains et l’eau pour se gorger, pour gonfler, pour s’emballer dans la course aux gourmandises délictueuses.

 Ce que tu ne savais pas et ce qui est advenu, tout cela tu l'as comblé sans le prévoir. 

Parce que ton acte incisif est celui d'une liberté retrouvée.

Parce que ta mort volontaire a laissé derrière toi les rochers qui limitent la mer et le ciel découpé en mille fragments. 

Parce que nos vies puisent et s’épuisent dans l’irrationalité, dans la permanence de l’inconcevable.

Tu as brisé la nuit au cœur du noir où nous te savions lumineuse. Te voilà maintenant dans cette autre face du monde où sans doute l’absurdité n’est plus de mise. Te voilà arrivée où les constellations sont des perchoirs sans fil aux dissonances parfaites. Toutes les étoiles sont des traits truculents d’ignorance et de fatalité prohibée. Te voilà suspendue au fil de l’accord parfait, à la ficelle tendue entre les pierres pour faire un croche-patte aux cœurs qui dérivent. Tu es sur cette ligne d’envol que les hirondelles occupent à chaque automne avant de quitter la saison des engelures. Ici, vois-tu, ma conscience est recouverte par l’inertie insoutenable de toutes les saisons vécues. Tes ailes enterrent ma voix.

C’est probablement dans la consolation que je m’éprouve le plus. Consoler est un verbe triste, un conglomérat d’excipients aqueux servant à déguiser. Il indique ou confirme une action réconfortante pour la digression, l’écartement, l’écartèlement.

La soumission à la dissolution est terrible. Se départir et concéder… Voilà l’auréole du cri spectral, voilà la brisure invisible où s’achève une part de soi. Cet éparpillement suivant la césure caverneuse m’a demandé maintes nuits cabossées, maintes nausées existentielles, avant que je puisse relier à nouveau mon langage à ta pensée. Désormais ce qui crie en moi pulvérise la cacophonie de cet émiettement. A présent, ta disparition n’est plus cette dépersonnalisation atomique ressentie jusqu’à lors. Tu as retrouvé toute ta place dans la cohésion de mes gènes. Je ne t’en veux plus de ce que je suis. Au contraire, tu cours avec moi dans l’espace infini de l’éblouissement. Ta mort est utile à mon silence. Plus rien n’altère le partage. La vie déborde sous nos paupières. Par toi je deviens. Par toi, je comble mes souliers de la terre perdue. Nous n’avons plus besoin de la poussière de la nuit pour grimer nos visages. Nos chemins se maintiennent par-delà l’exigu des ténèbres dans une parole nue.

Tu marches sur les talons de nos langues. Des chaumes éventés récoltent la poussière solaire. Le temps dans un tête-à-tête où tout bascule discute par-dessus la rambarde du métronome. Tous les adieux tranchent le vent, découpent l’air et arrachent le souffle aux voix qui s’éternisent. Ton rire s’expose à la rougeur du ciel qui vieillit. Tes mains s’alignent hors de l’ennui que ton volume complète. Des courbes auréolées pigmentent les angles droits devenus des coins trop étroits pour la mémoire. Un trait puis un autre. Des milliers de traits se chevauchent et s’interfèrent dans le plein milieu de notre cercle. Nos cœurs greffés l’un à l’autre s’étourdissent. Les rideaux sont tirés et la lumière est sur pause. Une épuisette laisse filer du bleu et du jaune. Il s’agit bien de ce peu que j’ai vu vibrer dehors, au petit matin, lorsque l’Angélus résonne d’un bruit d’aile comme celui de l’oiseau quittant son nid. 

Et puis, un laissez-moi qui se lamente. Un laissez-moi grincheux. Une coupe vide, un ciseau oxydé. Un balcon où chantent des perruches. Des livres aux pages brûlées.

Il faut laisser le poids de la mer s’en retourner à l’épicentre du toit du monde. La nuit renvoie le soleil. Le soleil renvoie la nuit. Ici, le silence gémit et revient en boucle comme un refrain. Lâchez ma main, la porte s’ouvre et une pie espiègle s’envole.



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Commentaires
B
Comme le dit la chanson, « L’un part, l’autre reste. » Le port est bien vide. Puisse les mots concéder à l’écriture le pouvoir d’une semi absence. Merci Virtu.
V
Une pensée émue à l'inspiratrice qui dans son envol a conquis la liberté et donné des ailes à la plume restée au port.<br /> Bien à vous
B
Merci de ton passage Luno, et joyeux Noël.
L
Je viens de lire les quatre derniers articles, ce que j'en retiens, richesse d'émotion dans la richesse de votre écriture.
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