Et, je veux arroser la vie qui pousse de la mort.
Il faut que la mort de ceux qu’on aime, nous soit traduite par la volonté désespérée de vivre encore plus entièrement. Je m’applique à accueillir ton départ comme un cadeau d’existence, et non comme un fardeau. Cette mort a fait renaître en moi l’ardeur, elle a ressuscité l’audace et l’ambition de vivre la tête haute et le cœur léger. Je ne considère pas vivre pour deux, mais vivre deux fois plus intensément.
Sidéré, je suis sidéré. Tu es partie, et j’en senti comme quelque chose qui se soulevait en moi. Comme un ballon de couleur qui s’envolait. Comme une brise se dérobant de ma peau.
La seule épreuve, c’est la mort de l’ange qui est en soi. Cette flammèche intérieure, sensible à l’air, émotive et délicate. L’instinct la maintient éclairée le plus possible. L’amour la rallume !
Tes reins sont des à-peu-près indéfinissables. Tu cambres et je ne sais pas la droiture de tes inspirations. Tu m’échappes comme je m’échappe du jour qui dicte mon pas. Ce chemin inconnu qui va devant. Laisse-moi m’agenouiller, un peu. Je dois renouer avec la terre. Je dois me conduire comme si j’étais maître des ombres qui m’entourent, comme si j’étais propulsé dans le nuage obscur qui se dirige vers toi. Des yeux qui ne sont pas miens regardent la route. On ne sait jamais où l’on va. On s’enrôle aux pas qui nous conduisent, pensant toujours que c’est la bonne route. Ce n’est que cela. C’est la sensation d’être là, maître du chemin. Tu vas et tu vires, pourtant. L’échappatoire, c’est dans l’ombre du visage que l’on croit voir. C’est le mirage.
Etre ce que l’on va dire, au moment où l’on va le dire, toute l’emphase est là. La réalité est une poésie discursive. Le vrai n’a d’incidence que sur ce qui est touché. Le senti n’a de goût perforant que si la framboise que l’on mange est sauvage. Je suis assommé, mais vivant.
Et, je veux arroser la vie qui pousse de la mort.