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LA COLLINE AUX CIGALES
17 août 2011

Le mot qui ne vient pas.

Max_Klinger___Die_QuelleEt puis tu sais, il y a les mots qui ne viennent pas. L’engourdissement de la source, le levain en promesse d’oedèmes. L’angoisse qui cadenasse, la torpeur maligne des intentions terrassées dans leur spontanéité.

 

D’ailleurs. Tu aurais voulu dire… mais une autre fois. Le grouillement de tes gestes, le regard incurvé dans le sublimé, la ligne en éclat brillant sur les lignes roses de tes lèvres, tu aurais voulu dire… mais une autre fois. Le don de vie, l’amour qui s’offre, la magie des trèfles à bretelles, tu aurais voulu dire, mais une autre fois…

 

Fragile brandon que la confiance accorde aux hommes. Dans le rassemblement des lumières, la gratitude des ombres mélangées se replie dans la survivance de la solitude. L’ennui est un recours à la défense des spectacles sans jus. Dans l’isolement, tout ce qui surprend proclame nos incapacités dans le rétroviseur de soi et nous augmente des petits riens que l’indicible condamne de n’avoir su livrer.

 

Les mots qui ne viennent pas, et la vie malgré cela qui déborde. La nuit s’est perdue dans une promenade sans dénouement. Et, dans le tombeau des apparences, le réel s’angoisse des purgations improbables qu’il dénonce comme une imposture, comme un leurre de brouillons sans prises et sans conséquence.

 

Le mot, tel un prédicat innocent, un éclat soudain dans l’essaim des sens, dans ce qu’il nous faudrait appeler la ratissure, le renaclage, rompant avec l’amertume aphone, c’est l’outil que mon âme grabataire a trouvé pour communiquer avec toi. Un mot, une phrase, un parfum de voix dans l’immensité froide où retentissent seulement des sonorités indéchiffrables, des clapotis d’ébullitions, des serre-joints sans prises. Et, dans ce tout déplissé de l’univers vibrant, c’est le motus des cippes, c’est ma vie qui se transporte à la vie. C’est le blanc et le noir sur la palette bariolée des armures de vernis incolores. L’espace vide, considérable, se lève et nos existences minuscules, réduites au grain d’un souffle, volent et s’envolent comme des brisures, comme des fragments infimes de nos natures perdues, comme un bateau fantôme dérivant dans la brumaille sans connaître de frontières. Pourtant, mes mots ne souhaitent pas être des duperies, des attrape-nigauds. Ils sont résolus à tracer ce pont suspendu nous reliant, ce lien fragile et fébrile où nos solitudes les plus exiguës grattent à nos multiples émotions pour les rendre indispensables à appréhender le monde. A commencer par nous-mêmes.

 

Des mots comme des bouffées de victoires s’exultent à corps et à cris. Remontées de laves souterraines, invisibles tenancières des pirouettes ; ma gorge se charge d’un contenu qu’elle métamorphose en musique. Le son s’échappe de mes crevasses et traverse les âges. Il vient sonner l’appel, il vient déborder de l’encrier et puis il repart suffoquer, il repart dans des miasmes de poussières organiques, dans des brouillards de sulfure.

 

Dans l’appréhension fuyante et bredouillante se concocte une teneur, la teneur d’une imagesCAYI16WPimage convertie en chair et en os. Un entrelacs de formes colorées et variées qui probablement s’accolerait à la face apparente de la vie, si quelque chose ne le retenait. Cependant, je m’enroule et m’incurve dans le travers de cette transe et je déficelle ses ondes à sa face barbouillée. Je m’agenouille aux rages de l’imperceptible. Je me réfugie sous les cils des contrastes dissimulateurs, des résiliences atténuées. Là où, peut-être, le galvaudé ressasse des ombres se jouant du réel.

 

- Peut-être est-ce dans l’inapparent que naît le sens des choses.

 

Tu es là, à la dérobée, papillonnante et frémissante à mon désir de vérité, et cependant je te compose du choc de toutes les décharges qui me traversent. Dans ce récépissé de fusillades permanentes où les balles sont des projectiles que les mots fustigent comme des lance-pierres tenus dans les mains d’une adolescence révoltée. Parce que notre enfance commune siffle sur les parois de ma mémoire. Tantôt comme des étourneaux joueurs, tantôt comme des coups de rasoirs sanglants. Nos paroles sont des larmes d’eau salée : celles sauvées des mers, celles démunies de nos actes délaissés à l’outre-tombe de l’inaccompli. Nous allons, je le crois, chercher dans la mort, dans l’épuisement définitif. Nous y piochons. Nous délogeons l’immobile paralysé dans nos illusions. Nous extirpons de l’inconnu des matières non identifiées auxquelles il nous faut confier nos parts sensibles afin de moudre nos patenôtres à la promesse du monde. Nous tramons la parole du jaillissement à nos effondrements. Nos mots sont le délabrement reconstitué du fatras, dans la manducation indélébile, dans le masticage de notre permanence. Et nous sommes devenus son muscle. Son poumon artificiel. Sa sarbacane empoisonnée et sa surenchère la plus audacieuse, la plus folle.

 

Mon désir est une faim, et ma parole est née dans le feu, c'est-à-dire dans l’air brûlant de mes chaudières à fabriquer les teintures qui ornent le dire. Insatiables, le roulis des flammes exécute leurs danses. Intarissable, cette en-vie tue la précédente. Le mot ajoute au monde sa carrure et sa vitalité à vouloir le posséder. Te dire ma conviction : mon opinion est comme inutile et vaine. Claustré et reclus aux extrémités de mes fondations, l’isolement de notre histoire s’angoisse de la présence du calme tonitruant et j’ai réinventé le langage pour sortir de cette terreur. Parce que te parler d’amour c’est barboter avec la jouissance extrême qui déambule aux bords de mes gouffres. Parce que chaque ravin renferme mes consentis sous les mâchoires de la peur.

 

Ces lambeaux de mémoires étalés en charpies se sont transformés en d’inoubliables peaux d’arlequins désarticulés. Amnésiques paroles d’un autre temps. Retrouvailles taguées sur nos adieux poncés comme des pierres précieuses à jamais décaties, inachevées de leur astiquage, de leur brillance.

 

Notre histoire encombrée de voix nues, débordantes d’étreintes anciennes, éparpillées par les mille vents muets qui se tissent puis se brodent à des anecdotes à moitié oubliées, défaites de leurs paroles pathétiques, émues. Etourdies.

 

Heures emmêlées d’incontournables rengaines, couvées dans la poitrine du plausible et de la résurrection d’images restées trop longuement figées. Postées à l’inertie. Un courrier bercé par les vagues, une bouteille à la mer qu’on aurait jetée par désespoir, flottant à la consternation d’un appel et d’une plainte. Une réclamation jamais satisfaite. Une déchirure déchue. Un pont de soupirs.

 

Et puis, tes yeux qui s’entendent… Et puis, tes mains se décroisent, et puis, tes lèvres impuissantes à délivrer le message vaincu. Heures précaires courtisées au chagrin… tu t’es disloquée dans la véhémence et la défilade… tu t’es inclinée en glissant dans une aventure solitaire, dans un parcours où plus personne ne peut te suivre, telle une Eurydice et son adieu fatal. Mais, je suis venu recoudre ma vie dans ta mort. De tes doigts, des lignes de tes mains je m’écris d’une encre tienne. Nos patiences sont crucifiées sur nos langues, comme des repentis inavoués. A l’horizon égaré, ta brèche luit des commentaires que tu ne feras jamais. Dans l’enclave inhabitée, je me fuis de ton départ et tente d’aboutir en un lieu inaccessible à la vie. Au chevet de ton fantôme, mon présent malade grime l’entente complice comme si nous étions deux.

 

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Commentaires
S
Sans le mot, il y a encore tes mots, en suspension entre terre et ciel..
L
Sans commentaire. Lire tes mots et, ressentir. Juste ressentir...
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