À l’heure camphrée.
Une pluie d’obscurité défend la masse inconnue.
Des lampes alignées comme des broches se reflètent sur l’asphalte mouillé. Les mots mesurent le désarroi des pentes. Le vertige attire vers le bas.
Ton ardeur répond aux ressorts des heures de tourmente, des heures
qui moulinent tes lèvres perdues au fond de tes mains.
Remous interne.
La transparence aveugle. L’air qui n’est pas respiré se déchiquette. Des lambeaux de poussières accompagnent ce qui se soulève. La pulsion jaillit de la terre.
Un jet d’émotions arrose les pierres de la montagne qu’il faudra gravir.
Derrière la montagne, des lueurs se résorbent dans l’horizon.
Quelque chose sollicite. Des cimes improbables guettent nos lenteurs.
Des heures immobiles et entières renouvellent le désastre premier. Le Déluge imprévu fermente à l’intérieur des cicatrices que porte le jour.
Impuissants. Nous sommes voués à l’éclatement des bourgeons. Nos peaux élastiques s’étirent jusqu’à ne pouvoir plus rien contenir.
Le parfum de l’aurore croise celui de la nuit de givre.
Les mots s’abîment sur les pointes jaillissantes avant d’aimanter le blanc de la page. L’insatisfaction salutaire rend habitable la parole.
Ce qui est décisif ne dure qu’une seconde.
Nous ingérons les heures qui s’abattent sur nos chairs. La clairière du tendre est saccagée. L’heure coule aussi vite que de l’eau.
Les caniveaux se gorgent des pluies qui desserrent le ciel. L’égout est prompt à la noyade.
Tu m’attaches à la pierre et comme elle, j’affleure à la terre. Les ressorts de l’espoir font racine.
Partout des volets font mur au vent. Un éclair blanc résonne dans le vide.
Nous sommes sur le départ et la ligne colle à nos chaussures. Nous partirons déchaussés. Nous lèverons le pied comme une bouche qui siffle.
L’heure est comptée pour renvoyer à l’horloge la misère de sa course.
Le silence ressemble à des coups de marteaux. Le vide bourdonne son écho. Nous remplissons nos mains pour être moins légers.
Aucun sursis pour l’insatisfaction qui claque dans la chair. Le fracas remonte jusqu’au soleil. Bras et langues liés, nous nous purgeons aux baisers qui s’enlisent dans notre faim.
Notre temps est du camphre sur la cornée qui précède le regard.
Un voile gras ne redoute pas l’assèchement, et nos voix s’incrustent à nos langues.
Le sursis diffère l’air devenu une toile d’araignée. Nous respirons les cailloux logés dans nos ventres. Puis, nous recrachons le tremblement de nos gouffres où la parole prend forme.
L’heure n’a rien à dire. Nos langues sont les poumons du désir.
L’eau file plus vite que la parole. Pourtant nous sommes des torrents, des cascades de ciel sur les branches des arbres immobiles. Pourtant nous coulons de l’ombre vers la clarté. Pourtant nous sommes des gouttes de vent sur l’horizon de nos lèvres.
Tout ce qu’il ne faut pas faire s’écoule. Nos mains restent croisées, et nous livrons bataille à notre vérité. L’épais se délaye sous l’ombre de nos pas. La vérité s’essaye comme un tricot neuf. Les manches sont toujours trop courtes.
Nos souffles s’encroûtent à la parole.
Les mots racontent ce que l’esprit traduit.
Un silence fracasse la pensée.
Nous sommes troués.
Imbus de nos fragments passés à la passoire.
Les mots se tamisent des sens qui infusent et qui influent.
Tout afflue ici à la langue prisonnière de la gorge sanguine.
Je te tiens dans la voix comme une clarté sans sommeil. Mon cœur est un bidon d’essence de lavande. Des milliers d’abeilles le butinent. Sans elles, pas de miel. Sans elles, pas de polymérisation.
Toute la clameur d’une ruche repose sur ton front.
J’entends tes ailes battre les syllabes. Une douceur terrifiante s’abat sur les fentes entrouvertes de l’éparpillement. Je cligne les cils et tu m’ouvres à la transparence de la lumière.