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LA COLLINE AUX CIGALES
10 mai 2011

L’ombre est un lit d’aveux pour les promesses à venir.

femme_nueL’ignorance nous déracine de toutes raisons et laisse librement aller l’incision. La césure avec l’équivoque est un commencement, une porte ouverte vers ce qui reste dissimulé sous la voûte où les débris s’entassent.

On a toujours le choix… du plus exalté au plus désespéré. Notre existence corrobore à notre détermination à l’accepter. Ou à s’y soumettre. Ou à s’y refuser.

La longue marche existentielle nous contraint à souffrir, à détester, à rejeter, à prendre ce qui est. A force de croiser le soleil mes yeux oublis son ruissellement. A force de me heurter à l’éphémère et à la dureté, j’en finis par prendre d’autres chemins que je veux bien croire plus salvateurs. Hors, on ne s’échappe pas. Jamais. Ni de soi, ni de l’histoire que l’on a vécu. Il ne s’agit que d’une intensité plus ou moins violente, d’une huile brûlante remplaçant notre sang, et d’un coton adoucissant la cicatrice.

Je crois en la force de l’amour conjuguée à la puissance du rêve, et je préfère l’illusion constructive à la réalité désastreuse. Mon choix est purement métaphysique. J’adhère à l’absurde et me fabrique une audace. La vie toute entière est une perte. Un lacet défait, une cure de rébellions et de réactions. Que nous reste-t-il d’autre que de se rapprocher de l’humaine tragédie des gouffres pour y bâtir un nid d’émotions ?



Nos voix passent et repassent sur la flamme comme une viande mal cuite. Les mots emportent avec eux les sortilèges à moitié calcinés, et ils postillonnent parce qu’ils sont criés, hurlés même.

Mon cœur est une clé restée coincée dans la serrure du jour. Toute ma salive est enceinte de toi. L’ignorance m’est terre d’accueil, et terre d’asile. Je suis entré dans l’amour comme l’on entre en religion. Le cœur serré, l’attente émoustillée, la main moite. Mon ignorance était une croix portée sur l’épaule du chapitre des âmes pures. Mon chemin de prières devait me conduire à l’humilité et au pardon. Mais je n’ai pas trouvé la coupole de tes yeux, je n’ai pas saisi la main des Saints, je n’ai pas touché tes lèvres.

Mes racines brûlent la terre, brûlent le feu. Mon corps tout entier devient une pierre taillée comme celles érigées sur le site de Stonehenge*. Je suis de l’autre côté de la solitude, je suis à plat ventre sur l’énigme. A califourchon sur l’ignorance.

L’ignorance est à la mesure de ma renaissance. Mon incomplétude y retrouve sa grâce. Elle pallie à ma conscience et me procure la joie d’exister par d’autres moyens que la simple réalité matérielle de l’existence. 

On récite des lettres apprises par cœur, puis on invente des mots. Troubadours des gestes, nous fouillons la chair, nous entamons des chantiers et nous creusons nos corps pour trouver les mots qui s’enroulent à nos muscles. Comment pourrions-nous reconnaître dans la substance de la mémoire ce qui est plus vieux que nous-mêmes ?

Derrière les chiffons et les draps troués, un calendrier où chaque date est un héritage. Une succession dont on se sent étranger. Un goût d’acier et de vide se mélange à l’eau de la lumière. Toutes les directions nous ramènent au pays de l’enfance. Mes baisers sont des sucions goulues de lait et de farine. Mes sourires se plantent dans la nuit pour y faire gicler des mots et des sons. Le monde n’est pas fini, et son chemin ouvre l’horizon à partir de la mer qui ressasse ses buées. Et, moi, je t’aime pour faire durer.

La vérité sans illusions est une pierre au milieu de l’océan, une brûlure du présent jusqu’au commencement du monde. La parole fait tomber les mots sans espoir, le doute incruste ses syllabes à l’écho des aurores déglinguées. Des chemins nous font des signes, le périssable de l’instant nous attire. Le souvenir efface toutes les portes. Le cadre du tableau devient du marbre. La toile fige l’inexprimable avec des couleurs nées dans la bouillie de la terre. Et bizarrement moins nous nous pensons, plus nous nous délions dans l’autre. Nos peurs et nos cœurs n’entendent plus que le désir. Entre mon amour qui te parle et le silence que tu me renvoies, la vie danse haut, la vie prend la parole, et nous suffoquons face à terre. 



Seules nos enfances sont dans la proximité où chacun guette l’autre plus que soi-même. Nos bouches appellent et nos craintes s’essoufflent par la curiosité plus grande. Le rire reconnaît la promesse des mots et l’illusion des actes. L’audace triche l’immobilité et trompe le temps qui se défait dans nos mains. Nos épuisettes retiennent les grumeaux du souffle qui se dépose ici. Ici même, le face à face déloge le mensonge qui se cache derrière les rideaux. Nous avions deviné que ces draps de velours tiède ne recouvraient pas de fenêtre. Nos cœurs des cerceaux, nos têtes des triangles, notre rencontre coincée dans l’absolu des lendemains où nos peaux se cherchent, où nos voix sont debout sur le rebord de nos âmes.

Au détour d’un chemin le monde donne un nom au vent qui nous pousse. Ton sourire dans mes yeux le masque n’a plus de visage. Nos ventres se vident de l’oubli, et je lis dans la distance de tes lèvres l’effroyable nudité où l’instant s’accroît pour devenir l’éternité des poudres explosives.  

C’est la vie qui recule. Pas nous. C’est l’audace silencieuse de nos enfances qui occupe le frisson comme du sable jeté sous nos paupières.

Toi, mon eau plate, mon lac serein, ma sève douce engloutissant mes dérives et mes folies. Toi, comme un branchage où l’ombre est un lit d’aveux pour les promesses à venir.

Reste à se libérer de l’erreur. A débroussailler l’illusion de sa vision arrangeante où s’achève le monde désiré. Le temps augmente l’erreur de parallaxe qui dévie les sens de leurs courbes naturelles.

La tristesse que nous avons connue m’a submergée, mais elle a, du même coup, enseveli la médiocrité de mon existence.

Mon amour est chaussé dans un deuil permanent. Toujours quelque chose cesse d’exister, là où, mon cœur me conduit. Les rêves de possibles sont davantage meurtriers que mes déroutes. Fossoyeurs des faiblesses qui retournent mon chaos à l’envers de sa peau, à l’intimité du petit garçon couché dans mon ventre. 

*(Monument mégalithique érigé entre -2800 et -1100 qui signifie « les pierres suspendues »)

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Commentaires
B
C'est l'heure où Breton annonce : « Le surréalisme est à l'ordre du jour et Desnos est son prophète. »<br /> Merci, Renaud, pour cette citation.<br /> <br /> virtu : <br /> Lorsque l’illusion adhère à la part de soi cachée, il est possible d’y découvrir une réalité ignorée. Il doit bien y avoir un moment où leurs liens d’oppositions s’effacent au profil d’une reconnaissance supérieure.<br /> <br /> Sedna :<br /> « En effet: des chars chargés d'animaux de bois doré, de mâts et de toiles bariolées, au grand galop de vingt chevaux de cirque tachetés et les enfants, et les hommes, sur leurs bêtes les plus étonnantes; - vingt véhicule, bossés, pavoisés et fleuris comme des Carrosses anciens ou de Contes, pleins d'enfants attifés pour une pastorale suburbaine. - Même des cercueils sous leur dais de nuit dressant les panaches d'ébène, filant au trot des grandes juments bleues et noires. » Rimbaud, les illuminations.
S
Les chevaux de l'ombre trainent mon carosse vers les ornières de mon enfance et chaque fenêtre ouverte est comme un rai de lumière. Effarouché par l'allure folle, un volet se referme, puis un autre.. jusqu'à ce que l' ombre devienne l 'ombre de moi-même.
V
"J’adhère à l’absurde et me fabrique une audace"<br /> .Quand sa main cesse de l'écrire c'est son existence qui se fond dans le rêve d'une vie à construire d'illusions.<br /> Bien à vous B
R
Ombre parmi les ombres<br /> j'ai tellement rêvé de toi<br /> j'ai tellement marché, tellement prié<br /> tellement aimé ton ombre<br /> qu'il ne me reste plus rien de toi<br /> Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres<br /> d'être cent fois plus ombre que l'ombre<br /> d'être l'ombre qui viendra et reviendra<br /> dans ta vie ensoleillée<br /> <br /> Robert Desnos
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