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LA COLLINE AUX CIGALES
25 avril 2011

Tu n’es plus là.

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Il faut reprendre souffle. Des milliers d’heures vacantes sont restées dans la brume. Nos gestes sont maintenant des faucilles. Nos regards penchés vers le bas scrutent silencieusement le sol où sont tombés nos étoiles. Le mouvement sarcle encore les vestiges de la mémoire. Des amas d’oubli sont à la dérive. L’éloignement définitif rend coupable l’existence qui n’a pas su relever la tête. La séparation endigue l’étendue ancienne devenue une lande nostalgique. Nos pieds et nos cœurs s’embourbent à demeurer statiques. L’immobilité refroidit nos corps de misère. A ne plus bouger nos mains se sont tendues, désespérées. Le goût des marguerites chiffonne nos gosiers. La tourbe envahissante recouvre peu à peu nos tendresses laisser pour compte.

 

Ecrire s’atrophie du manque. Ecrire parjure l’hypocrisie du temps qui semble nous conduire à des renaissances factices, à des remords reconfigurés pour apaiser nos souvenirs. Nos solitudes portent le nom de l’autre coincé au travers de nos gorges. Et puis, les mots s’activent à nous éventrer davantage. Ils nous vident comme de vieux sacs remplis d’écume sèche et d’algues pourrissantes.

 

J’ai beau me forcer, je ne me souviens pas du son de ta voix. Elle est si lointaine. Tu me parles encore et c’est avec ma voix que je t’interprète. Notre chalutier est resté arrimé dans un port invisible, et nous le peuplons de nos fantômes. L’embarcadère grince chaque nuit dans nos rêves dissipés. Le frottement du bois et l’ondulation douce de l’eau laissent s’échapper des bruits qui paraissent venir du fond des cales. Le port est inhabité. Même les poissons et les mollusques sont partis. Seul le bateau laisse supposer une vie antérieure. L’air est humide et se colle au front. Les yeux nous offrent un spectacle de désolation. La notre plus que toute autre. Nous sommes pourtant dans un lieu qui ne nous appartient plus. Nous sommes une image collée sur le miroir. Nous sommes étrangers à nos investigations.  

 

Nos voix se sont défaites dans la grande nuit qui monte. J’aurai voulu me délester, mais le chagrin pèse un âne mort. Il est un tombeau où demeure confinées les larmes qui le remplisse. C’est maintenant le sarcophage d’une autre vie. Quelque chose de nous se refuse à le quitter. La meule et l’étau broient le noir que nous habitons. Nos peaux sont des écorces polies incrustées au mât écroulé sur la proue.

 

Nos cœurs moites ajoutent à la scène des clairs obscurs où se cache la déchirure. Ce vieux navire devient le dépôt flottant de nos ignorances. Je l’entends chanter chaque jour de solitude dans mes veines sombres.        

Mes mots sont rentrés dans ma bouche comme une catastrophe. Ma main les écrit sans trembler, pourtant ils vacillent et font s’écrouler le monde qui m’entoure. Je ferme les yeux et sous mes paupières un peu lourdes naissent des paysages extirpés des ténèbres. Des papillons jouent prés d’un tronc échoué sur la plage déserte. Des mouettes crissent sur le ciel devenu une ardoise. Un chien errant cherche un repas possible.

Tu n’es plus là.

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Commentaires
B
Maïté/Aliénor :<br /> Merci de vos yeux et de votre passage.
M
5 mots de la fin qui nous happent comme des serres au terme d'un long développement de l'absence qui prend ses aises en nous.La couleur froide occulte la transparence mais cela donne lieu à de belles vagues de mots salvatrices en vous.<br /> Je communie.<br /> Et je vous remercie de m'avoir mise en lien.<br /> Vous découvrir dans votre expression me va comme un gant. Je vais de ce pas, vous mettre en lien pour aussi
B
Comment ne pas être ravi, étourdi, émerveillé, par de pareils commentaires ?<br /> Comment ne pas en éprouver de la satisfaction ? Hé oui, l’ego aime à goûter à ses frémissements !<br /> Mais plus qu’un simple partage ce qui est encore plus merveilleux dans l’écriture, c’est d’être un sublime outil d’effacement. <br /> L’écriture m’apprend à mieux me lire du dedans. C’est l’expression éphémère qui trouve une place dans l’immobilité d’une feuille blanche. C’est construire à partir du réel une voix qui peut épouser toutes les voix. Ecrire c’est sortir de soi une encre encore fraîche et lui accorder la lourde tache d’effacer la terreur conservée dans sa mémoire, dans sa peau et dans sa conscience. Ecrire c’est la rencontre de soi, du monde et du silence.<br /> Comme l’évoque Cioran : « Tout s’use. Ce que l’on considère comme une substance essentielle, une fois écrite, elle compte moins. »<br /> <br /> <br /> Sedna : Dans une autre éternité, celle-ci immédiate comptera comme une naissance.<br /> <br /> If : Oui, c’est estomaquant. C’est à couper le souffle. Ne plus savoir l’intonation de la voix d’un être cher parti il y a longtemps, c’est un peu comme si le navire avait rompu avec ses chaînes d’amarrage et qu’il soit à la dérive dans une pensée recroquevillée sur elle-même.<br /> <br /> anne : Un rêve qui éclate est une belle expression. Il est des choses dont on ne guérit pas, et c’est tant mieux. Nos solitudes sont, peut-être, le fond de commerce de nos existences.<br /> <br /> arielle : Une voix qui habite les veines de la tourmente. Mais aussi, une réactualisation du son qui occupe la profondeur.<br /> <br /> Nath : L’universalité du ressenti de la déchirure nous offre au-delà d’un rapprochement in extenso, un retour à soi. Nous n’apprivoisons jamais mieux la douleur qui nous traverse qu’en la mesurant aux autres. Tes commentaires sont toujours un don de toi, et j’en suis touché. <br /> <br /> <br /> Merci à chacune de vos yeux. Merci de vos ressentis et de vos partages. Je ne sais si cela me soulage, mais cela m’aide à conserver vivant une part de moi-même enterrée quelque part dans les rayures du manteau de l’amour.
N
Bonjour B.<br /> Oui, poésie à l'intensité brillante, voire brûlante...<br /> <br /> Je viens ici, comme je suis ...c'est à dire par moments très silencieuse, écoutant les dialogues qui naissent sur ton blog, souriant à certaines réflexions, et toujours nourrissant la mienne...il m'est besoin souvent de faire silence pour laisser l'écriture, en l'occurence ici-même la tienne et celle de ceux et celles qui te répondent, venir se poser aux pans de ma mémoire.<br /> <br /> Cette phrase : "J’ai beau me forcer, je ne me souviens pas du son de ta voix. Elle est si lointaine. Tu me parles encore et c’est avec ma voix que je t’interprète."...celle-ci m'a plongée dans de profondes inquiètudes...elle est vraie, simple et terrible de vérité...d'un visage, on n'oublie rien, d'une silhouette non plus, parfois ils réapparaissent au détour d'un rêve, à ces endroits où le temps et l'espace sont entortillés...<br /> Elle est vraie, la voix s'estompe alors qu'on voudrait la souvenir, la garder en notre sein longtemps et nous n'y arrivons pas, alors qu'on se souvient des paroles, alors que la voix est bien ce qui ne peut tromper sur une personne...<br /> <br /> Ton écriture est belle B.<br /> Le mot "beau" est tout sauf synonyme de lisse en ce qui me concerne...mais synonyme de vie...avec tout ce qu'elle comporte , sans rien en oublier.<br /> <br /> Alors<br /> Je te lis, avec un mélange d'admiration, d'inquiètude et de calme...les yeux attentifs à chaque remous.<br /> <br /> Belle journée B.<br /> Nath
S
Elle est encore un peu la, en témoignent tous ces beaux textes à sa mémoire.
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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