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LA COLLINE AUX CIGALES
4 avril 2011

C’est l’heure de la catapulte.

FRANOI_1

Mon rêve est fécondé de hasard ; des milliers de petits œufs prêts à éclore jonchent de toutes parts. Fortuitement le liant et le lié s’assemblent. L’amour a gravé sur son front l’ignorance du hasard au fer rouge. L’inattendu s’illumine au loin dans l’obscur, et vient nous rejoindre soudainement comme un flash éclairant une partie de nos visages.

L’amour connaît bien les masques d’Aphrodite, de Vénus et d’Artémis d’Ephèse. De toute manière, il était là avant nous. Il produisait déjà son lait de jouvence avant que nous l’ayons goûté. Il éclairait les terres inconnues sur lesquelles il conduisait les cœurs. Et, il ne nous laissera aucune chance de lui échapper.

Nos yeux sont des suées, nos bouches des flûtes de pan, nos ventres des calices et des hosties, nos cœurs défient l’indifférence et l’abstinence. L’épiderme de l’aube sait déjà le chant du coq qui est dans le sang du monde. Nous sommes immergés par cette respiration qui s’enchevêtre à la notre. Sur nos tempes s’imprime le pouls de cette influence mortelle de l’amour. Et toujours, nos matières sont à la dérive entre l’être et l’oubli.  

Immatures cordeliers nous façonnons les nœuds mal faits et trop lourds qui nous conduiront aux fonds de nos mers. Et nous mourons de chaque nouveau départ qui s’incruste sur le précédent. L’amour est une meule où s’affûte la passion qui nous poignarde.

A nouveau, l’heure est blanche comme une farine qui attend tes mains et l’eau pour se gorger, pour gonfler, pour s’emballer dans la course aux gourmandises délictueuses.

 

Ce que tu ne savais pas, ce que tu n’as pas su, ce qui est advenu, tout cela tu l'as comblé sans le prévoir. 

Parce que ton acte incisif est celui d'une liberté retrouvée.

Parce que ta mort volontaire a laissé derrière toi les rochers qui limitent la mer et le ciel découpé en mille fragments. 

Parce que nos vies puisent et s’épuisent dans l’irrationalité, dans la permanence de l’inconcevable.

 

Tu as brisé la nuit au cœur du noir où nous te savions lumineuse. Te voilà maintenant dans cette autre face du monde où sans doute l’absurdité n’est plus de mise. Te voilà arrivée où les constellations sont perchoirs sans fil aux dissonances parfaites, des traits truculents d’ignorance et de fatalité prohibée. Dans cet espace où tout s’accorde, se fédère et se regroupe comme le font les hirondelles en automne avant de quitter la saison des engelures qui recouvrent d’inerties insoutenables toutes les saisons vécues.  

 

C’est probablement dans la consolation que je m’éprouve le plus. Consoler est un verbe triste, un conglomérat d’excipients aqueux servant à déguiser. Il indique ou confirme une action réconfortante pour la digression, l’écartement, l’écartèlement.

 

La soumission à la dissolution est terrible. Se départir et concéder… Voilà l’auréole du cri spectral, voilà la brisure invisible où s’achève une part de soi. Cet éparpillement suivant la césure caverneuse m’a demandé maintes nuits cabossées, maintes nausées existentielles, avant que je puisse relier à nouveau mon langage à ta pensée. Ce qui crie en moi désormais, pulvérise la cacophonie de cet émiettement. Ta disparition n’est plus cette dépersonnalisation atomique ressentie jusqu’à lors. Tu as retrouvé toute ta place dans la cohésion de mes gènes. Je ne t’en veux plus de ce que je suis. Au contraire, tu cours avec moi dans l’espace infini de l’éblouissement. Ta mort est utile à mon silence. Plus rien n’altère le partage. La vie déborde sous nos paupières. Par toi je deviens. Par toi, je comble mes souliers de la terre perdue. Nous n’avons plus besoin de la poussière de la nuit pour grimer nos visages. Nos chemins se maintiennent par-delà l’exigu des ténèbres dans une parole nue.

 

Tu marches sur les talons de nos langues. Des chaumes éventés récoltent la poussière solaire. Le ciel discute dans un tête-à-tête où tout bascule. Ton rire nu sur l’oreiller de la montagne. Tes mains alignées dans les champs. Une ligne droite déviée de sa course naturelle. Un trait puis un autre. Des milliers de traits comme un gribouillage illisible. Une partition désenclavée, déverrouillée de la rouille du temps. Puis, une chute. Encore. Poitrine prisonnière. Mains attachées. Cœurs greffés aux horloges de feu. Et, personne pour détacher. Pour libérer. Etouffement au bout de la nuit. Un vase clos, l’embouchure à l’envers.

Les rideaux tirés, la lumière sur pause. La dentelle du souvenir, un rien posé sur le rocher. Et puis, un laissez-moi qui se lamente. Un laissez-moi grincheux. Une coupe vide, un ciseau oxydé. Un balcon où chantent des perruches. Des livres aux pages brûlées.

Il faut laisser le poids de la mer s’en retourner à l’épicentre du toit du monde. La nuit renvoie le soleil. Le soleil renvoie la nuit. Ici, le silence gémit et revient en boucle comme un refrain.

 

Toute une puissance enfermée dans une détermination, tout un amour clavé sur l’appentis des ombres. Regarde avec moi :

C’est l’heure de la catapulte, c’est l’heure de l’invasion, c’est l’heure de la naissance qui se meurt pour donner vie à une autre vie, à une autre identité, à un autre leurre.

 

Où est l’absence de l’être après sa mort ?

Où est la palpitation du souffle et du brasier ?

Où est le devenir du cri de la lumière ?

Tu t’appuies à l’ombre depuis trop longtemps. La vague du jour recouvre l’histoire. L’insurmontable désir de poursuivre se perd dans les images. Un ciel, des branches et des oiseaux s’enlacent. Des bruits de voitures et de portes qui claquent. Un lieu, une chambre, un jardin, un paysage. Un lit où reposent les draps pesant plus qu’un corps. Une vie peuplée de pensées et de rêves. Le brasier qui a connu le sommeil s’effondre doucement dans l’oubli. La mutation imperceptible de l’heure qui se rachète de la souffrance qu’elle a connue. Et si l’heure est mesurée, l’angoisse meurtrière est sans limites de tailles. Nous sommes les otages. Prisonniers de nous-mêmes.

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Commentaires
S
Le cri de la lumière s'abreuve à la source de nos mots et le brasier ne s'éteint pas sous ton souffle.
B
Merci virtu.<br /> Un artiste est avant tout un créateur. Qu’importe qu’il est une prise de conscience. Son jet est subliminal ou pas, mais il féconde la vie.
V
et du même Cioran "chaque homme est son propre mendiant" " un artiste est un homme qui sait tout sans s'en rendre compte. Un philosophe? un homme qui ne sait rien mais qui s'en rend compte" (sourire)<br /> Merci B pour ces beaux textes déposés.
B
Nulle leçon nulle part.<br /> Vivre n'appelle à aucune connaissance certaine.<br /> Aucun présuposé, aucune définition comprend un tout.<br /> " Vivre c'est composer. Tout homme qui ne meurt pas de faim est suspect."<br /> Carnets - Emil Michel Cioran
J
Une bonne connaissance de la nature humaine permet d'éviter l'amalgame entre ce qui est écrit et la personne qui l'écrit, soit la confusion entre l'écriture et l'écrivant. Une expression n'a jamais défini personne. Elle n'est jamais qu'une expression mais ne résume pas tout. Le reste est à découvrir en d'autres lieux, dans les multiples facettes qui constituent l'existence d'un être. Ce qui fait résonnance en nous doit d'abord nous interroger sur nous-mêmes.<br /> Tout comme ce qui nous enferme. Rien ne va de soi dans la simplicité. Tout y est encodé. Par nos histoires de vie, par nos prismes d'être. A nous de bien les connaître.
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