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LA COLLINE AUX CIGALES
10 mars 2011

A chaque goutte, une lueur nouvelle.

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Ici, une halte, ici une pause… Qu’avons-nous dit que nos existences ont révélées ? Qu’avons-nous découvert de nos partages et de nos infortunes qui ne soient qu’une vague confuse, une huile bouillante jetée à la face des désirs impossibles ? Nous avons chaviré dans l’emmurement de nos ports. Nous y avons coulé comme des bulles d’air s’engouffrent dans une profondeur infinie. Qui sommes-nous vraiment outre l’interprétation de nos sens vulnérables et fragiles ?

Quelle morale s’est donc glissée au désir d’aboutir, malgré les tisons d’espoir fanés par des défaites stériles ?

Bien sûr, nous aurions pu nous résumer autrement et nous suffire d’une formulation toute faite : « Ni subir, ni nuire, ni périr ». Juste lovés à la représentation de l’échange heureux ! Mais, dans cette parole soupape, le verbe devient vite une conjugaison des anti-phrases, de l’insoluble, de l’indu, et de l’inconciliable.

L’unité d’une chose avec elle-même c’est quand tout s’arrête à l’inconcevable morosité de l’inertie et que le mouvement persiste dans sa chute. Peut-être apprenons-nous ici que nos vraies tombes sont nos jugements.

 

Parmi ce qui m’occupe, des visages où les rires prennent feu, où la tendresse et la peur se sont portées, emportées, puis délivrées de leurs rentes. Durant les quatre saisons qui se succèdent inexorablement, l’été accoste l’automne dans la musique des meules de pierre broyant les feuilles mortes et l’hiver, un instant figé dans la glace intemporelle, dépose son ciel bas et blanchâtre sur un printemps que tu ne verras pas. A la venue du soir, d’une autre lueur décadente, d’un autre parfum de lumière diaphane et translucide, la transparence irradiée de ton corps allégé de tous griefs. Des milliers d’années de vie sont apparues visibles au toucher des yeux, et déchiffrables de leurs densités à émouvoir. 

 

Il faisait noir, il faisait pluie, il faisait assemblages de grondements. Partout où se trouve la vie, il y a une part de rêve, une part d'imaginaire abandonnée, une part de ronce et une part d’échappement.

Nos corps sont nos refuges. Nos âmes sont nos refuges. Nos mains et nos lèvres sont nos refuges, et nos cœurs persistent à l’offrande de nos volontés que le vide nettoie. Que reste-t-il vraiment de tout cela ?

 

Ta silhouette, par instant, s’absente. Un squelette invisible l’emporte d’un geste. Te voici de l’autre côté des ombres, de l’autre côté du temps. Nos infortunes qui s’emboîtent, qui s’égrènent, qui s’ajustent aux prisons où jadis nous préparions nos évasions comme la candeur se sarcle et s’extorque d’une raison par trop geôlière, trop empressée à réduire l’échauffement des brûlures.

 

Trop serait de penser la vie sans la prévaloir de la mort d’où l’on vient. Comme une cartouche d’encre vidée, l’existence se démarque du feu qui l’a conçu. Ma vie crépite du noir de la nuit où le blanc vient exploser pour finir sa course.

Au bord de cet accroissement mouillé et saucé de nos haleines, à l’illimité de la mort, dans la masse de l’eau, dans l’ardeur d’une vague qui s’enroule avant de s’écraser comme épuisée de son roulis, et puis à l’écume de blanc d’œuf, et puis aux courants de hâte, aux ondulations tuméfiées comme une peau soulevée, et puis à l’étendue bleue contenue par des frontières de sable et de rochers. Que devient le monde où les yeux ne savent pas voir ? Que devient la réalité, là où aucune émotion ne sait plus puiser son frisson ?

Ce n’est pas d’aller vers toi qui me rapproche. Ce n’est pas à cueillir ton visage à chaque aube nouvelle qui m’offre de te toucher. Ce n’est pas le breuvage qui réconcilie la soif à la sécheresse des gorges. Ce n’est pas l’ennui qui libère le temps de ses occupations. Ce n’est pas le manque et la carence qui tuent les chemins de promesses.

Les souvenirs sont toujours trop lourds à porter. Le miracle d’un chant d’oiseau au petit matin, perdu dans la broussaille des branchages abondants, c’est qu’il parle aux branches, à l’air, au ciel, aux hommes. C’est qu’il parle de cette voix altière et musicale qui lui échappe comme plus puissante et plus irrésistible que lui-même. C’est qu’il manifeste ce qui se vit en lui sans rompre avec sa solitude, sans savoir ce qui lui fait ouvrir le bec. Et, souvent dans la naissance du jour, sa musique s’enchevêtre à d’autres musiques solitaires, à d’autres bruits vivants qui s’ajoutent, se complètent, se ramifient. Le jour naît dans la fraîcheur légère des bruits innocents, dans la main que tend le soleil aux ombres, dans le silence où s’accueille la légèreté des aubades comme une ardoise reçoit la craie afin que les signes et les mots deviennent à leur tour musique, chant et symphonie.

 

La mort est toujours de l’autre côté de la barrière, dans l’autre face, dans l’invisible. Elle est là, inscrite à la vie depuis sa naissance. Elle borde nos langueurs et nos mirages, elle fusionne au précaire de l’existence, elle pourchasse l’agitation de ses mouvements incoercibles, elle querelle la présence immédiate de ses apories défectueuses, elle occupe le vide qui s’ignore encore. Elle s’écoule secrète et pénétrante comme une nuit calme recouvre de son halo de plumes la présence disparue. Elle absorbe la défaite. Toutes les défaites.

Dans ce filandreux espace d’absences, l’éparpillement et le pullulement s’effritent comme un vieux tronc d’arbre à l’écorce moisie. L’être disparaît au profit d’interminables jets de frimas, là où l’air se cristallise. Et se perdre ici, comme hameçonnés au tranchant des miroirs, nous condamne aux cisèlements des éclats de mémoire dont les reflets acérés sont incisifs et percutants.

La défaite c’est la vie toute entière. Particulièrement, celle qui se découd à chaque mouvement, à chaque goutte de lueur nouvelle, dans son entière participation à féconder l’ahurissement de l’absurdité. Nous sommes des mots que la mémoire réinvente chaque fois. Des souffles de sons perdus, des notes de musique tombées de leur partition.

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Commentaires
B
Jo : Oui, sans doute. Encore que...<br /> Le désespoir est probablement la façon la plus humaine d’appréhender. N’en demeure pas moins la jubilation comme centre d’intérêt !<br /> N’en déplaise aux pessimistes et aux cyniques, l’avenir détient dans sa projection toutes les raisons de rêver… à du meilleur.<br /> Et, il est toujours bon de pouvoir se réchauffer.<br /> Est-ce bien le monde qui est absurde ?
J
Lorsque l'absurdité ahurissante du monde vous tombe sur le coin de la figure, il est déjà trop tard...<br /> Les penseurs ont toujours eu un nette tendance au pessimisme réaliste.<br /> Et si le désespoir était le pendant de la lucidité ? Et si le génie était le pendant du désespoir ?<br /> Samuel Beckett, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Paul Auster... Pour ne citer qu'eux.
B
"Que devient le monde où les yeux ne savent pas voir ? Que devient la réalité, là où aucune émotion ne sait plus puiser son frisson ?"<br /> dans la réalité je ne croise que ça<br /> ça donne des yeux morts, ça donne des hurlements de souffrance, ça donne de l'horreur. <br /> continue ton taff d'écriture, je m'en vais continuer celui dans la réalité. <br /> je ne croise que cela et autant entre gens qui ont des ordinateurs et qui savent s'en servir et qui aiment la lecture ça peut se refiler comme ça, d'un coup de mots écrits anonymement, autant pour tous ceux que je croise, aucun de ces mots ne sert à quoi que ce soit, les ordinateurs sont vains, autant que les livres, et c'est dans le coeur, dans le geste et l'accompagnement que petit à petit, l'horreur s'amoindrit, passe au fur et à mesure qu'elle s'exprime, et que la vie revient non des mots, jamais, en cinq pas une fois sur aucun, ni de la musique, en cinq ans, pas une fois sur aucun, mais de la réalité d'une oreille réelle avec un coeur réel et un esprit réel, et un accompagnement physique avec un attachement d'amitié réelle. <br /> <br /> j'en veux à mort aux mots, j'en veux à mort au virtuel de ne relier en rien de rien de rien de rien de rien les gens que je croise et de ne leur apporter aucun soutien. <br /> <br /> pour moi toute seule, n'arrête jaamis d'écrire
B
Par évidence nous luttons tous. J’aime néanmoins me rappeler ce qu’écrit Alexandre Jollien lorsqu’il dit à peu près ceci : <br /> La vie est une lutte permanente, et il me plait de l’imaginer tel un combat joyeux.<br /> Bien à toi, Sedna.
S
J'aime beaucoup le passage sur la naissance du jour et comme si celui-ci s'épuisait très vite,voila que tu nous dis que la défaite est la vie entière. J'essaie souvent de recoller les notes sur la partition que m'a donné le destin. Il est vrai que c'est un exercice difficile mais ce combat est ma raison d'être. Je lutte contre la défaite et parfois, j'y arrive.
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