Un radeau sur tes flancs.
Tes yeux sont des aubes nouvelles dévoilant un couloir pour le langage des erreurs passées. Tes paupières comme des jupes plissées recouvrent le désespoir des solitudes veuves de leur ennui. Et tes pensées marchent à l’aveugle sur le verglas des absences éternelles.
Je te conserve dans la poitrine de mes rêves, sans savoir qui de l’un ou de l’autre préservera l’authentique pudeur des jours heureux. Nos vies intérieures brisent la mort, brise la vie, jumelles de sang terrées dans nos abîmes. Quelque part dans le branchage soyeux des micocouliers nos cœurs sont des nids que rien ne protège. Notre amour est un radeau lancé à la recherche de l’autre en nous-mêmes. Il ne sait pas remonter les courants de ce fleuve vigoureux qui nous emporte.
La vie qui croise la mort sait qu’elles sont pareilles. Deux droites parallèles supposent puis tracent des perspectives où la craie s’efface. Immobiles pantins, invisibles amants, chevauchant l’inusable fantôme qui comble le réel. Nous dévoilons à l’autre la face tourmentée de nos visages sculptés dans la pierre.
Noé a transporté pour nous le déluge d’un temps écoulé en une nouvelle demeure. Des torrents d’éternité s’entrechoquent au néant, et sur nos bouches crissent des paroles inédites. Des abysses inconnus chantent encore aux rythmes des vagues qui ourlent dans nos corps. Et nos peurs s’inondent dans le recueillement des nuages vêtus du blanc immaculé des mémoires du monde. Le temps élague tout, et la durée s’effondre sur la vérité de l’instant.