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Joie et détresse accompagnent nos vies. Il nous appartient de ne pas nous défaire de notre rivière intérieure si nous souhaitons ne pas être trop brimés, castrés, par nos manques et nos insatisfactions. La carence est une lame à décharner l’utopie. A nourrir le réel d’une appréciation désastreuse, déliquescente et soumise.
Savoir s'abandonner à l’exactitude ne veut pas dire la vivre seulement comme un poison. Il y a tant d’espaces inassouvis que cela serait notre perte. Or, habiter ses lagunes et ses landes nous ouvre aux autres et à leurs mondes sans lesquels nous ne sommes rien. L’introspectif n’a d’intérêt que si notre attention vers l’extérieur de soi persiste à nous animer. Si elle contribue à l’appropriation d’un ensemble de faits et de situations omniprésentes.
Chaque exploitation d’une part de soi-même est forcément une sanction pour celles restées dans la besace de l’attente non décortiquée. L’introspection ne souffre pas la distance invisible qui nous sépare de la réalité de l’acte. Il n’existe pas de vérité « absolue » de soi, ailleurs que dans les manuels d’école. Se regarder de l’intérieur c’est s’affranchir de la permanence dans le provisoire de l’interprétation. Perpétuel fugitif de l’apparence que j’adopte, il me faut encore aller jusqu’au dépassement si je souhaite te rejoindre.
... les projets sont faits pour nous conduire au devant de nous-mêmes, qu'importe s'ils sont des échecs ou des réussites ; ils suscitent en nous nos chairs à construire le monde.
La vie est ce court chemin qui s’arrête dans le brusque et le soudain. La mort exprime l’étau qui resserre la liberté d’être jusqu’à ne plus obéir qu’à l’instinct premier d’une larme qui se noie dans le soleil. Jusqu’à renoncer à la vitalité qui précédemment donnait corps à cette vulnérable enveloppe de verre au travers de laquelle nous nous regardions. Parviendrons-nous à ne pas émailler nos faïences fragiles ? Connaîtrons-nous, une fois, une seule fois, la conscience qu’il y a à aimer par delà nos propres existences ?