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Sans ivresse, le temps parait une faux à défriche, une vraie lame de rasoir sarclant le duvet à peine touchable d’un souvenir moelleux. Nous tenions pourtant entre nos mains un vécu inscrit à la charte de nos humanités. Mais, voici un destin trichant la couverture de nos espoirs.
Sans doute ce levain est-il inscrit dans l’heure tourbillonnante. Celle qui n’a pas de langue pour dire, ni pour bouffer la farine du sablier. Sans doute, sommes-nous trop lourds pour que nos rêves de carences refoulées bâtissent des mausolées de promesses. Derrière nous, les histoires défigurées retrouvent difficilement les visages croisés dans le parcours et puis derrière s’embronche et ressemble à devant qui ne sait plus où donner de la tête. Ainsi, il nous faut l’impératif à naître, à recommencer à naître. De chaque instant. De chaque mutation vers ailleurs… Vers l’abandon de nous-mêmes. Là où tout refleurit… un jour, une fois. Tous les jours, chaque fois.
Sans le goût du monde dans la bouche, nos vies plaident pour des urnes
vides. Sans nos intonations velues les mots s’empâtent, le devenir se grippe,
l’avant gît dans des catacombes fermées à double tour. Et à la surface de
l’immédiat, l’air ne sait plus s’occuper que de lui-même. Sous chaque buisson,
chaque bosquet, une étreinte est restée couchée dans l’attente de son
anéantissement ou de son pardon. Et puis, une chaîne de mots crénelés comme des
remparts fortifiés encercle l’emparement des ombres restées agenouillées dans
l’attente. Ne rien exiger de l’audace crève tous les plafonds. Sans ivresse,
c’est le blafard des muselières qui chantent à la face des providences une
mélodie sans portée et sans notes.