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LA COLLINE AUX CIGALES
23 octobre 2010

Plus que la survivance, la surprise de l’incipit.

Nu_au_bord_de_l_eau

Je ne sais toujours pas les raisons qui activent, encore à ce jour, mon gouvernail vers un idéal d’indépendance qui t’englobe. Je ne sais pas, non plus, ce qui arbitre la loyauté et la fidélité à nous survivre les uns les autres. L’enfance succédant à la mort, ou inversement. Que m’importe les causes, elles sont trop nombreuses. Que m’importe l’alignement des pierres tombales et les allées qui se croisent à n’en plus finir, à se perdre dans un dédale de silence poisseux. Ma conscience de vivre n’est pas plus élevée que celle de te survivre. On n’en finit pas de mourir, autrement que de revivre par l’intermédiaire des vivants qui nous déterrent par leurs pensées, leur affection, leur amour. Tu n’es plus là, et pourtant, tu occupes mes lames d’horizon comme une comédie juteuse qui n’aurait jamais dû avoir lieu, comme une réalité fracassante destituant tes ombres pour les faire renaître dans la flamboyance déterminée à ne pas te perdre complètement, entièrement. Tu es encore là par le sentiment toujours actif qui t’anime et te réanime. Malgré tout. Malgré moi.

- Va-t-en Satan, t’es mort !… (Reviens vite, ne va pas trop loin…) Interjection que nous formulions enfant lorsque nous faisions, en jouant, un pistolet de nos doigts : « T’es mort ! T’es plus là ! ». Et puis, je me souviens, la comédie d’être continuait son chemin, le rêve prenant à mains ouvertes la suite de nos illusions et de nos supercheries. A nous couper la vie par instant, par pur jeu, par délicatesse à nous concevoir dans l’indéterminé convenable de nos désirs et de nos satisfactions immédiates, nous dupions volontairement le poids d’un réel exténuant de son expérience lascive.

Tu vois, tu n’as pas fini d’être vivante. Ici et maintenant, je t’imagine encore de tes sourires, de tes plaintes murmurées, de tes manifestations à exister. Parce que tu es enterrée sous ma peau. Parce que je suis ton plus grand cimetière.

Nos galères flottent plus hauts que sur le simple et banal océan de nos besoins, et de nos assujettissements. Elles voguent de cœur en cœur, d’amour en amour, jusqu’au précipice définitif de l’oubli.

On ne pourra pas savoir qui du feu ou de la flamme a le plus d’importance, de créativité, et de salut.

La mort n’a rien pris, n’a rien ôter. Tout mon être disponible t’a rejoint depuis toujours. Davantage, même, puisque je suis survenu dans ta jeune vie, à l’âge où tu barbotais encore dans les scories d’une enfance déjà flétrie par la difficulté à admettre qu’il puisse exister une parole plus haute et plus décapante que nos misérables onctions à comparaître entre le monde et soi, entre le monde gourmand de la nature et nous petits humains censés la représenter dans sa forme la plus élevée.

L’oeuvre de la raison humaine ne peut pas raconter la mort sans la faire intercéder en faveur du néant. De l’accoutrer d’une pensée affirmative, scientifique, corroborant que tout ce qui est empiriquement inanimé est donc sans vie. Or, la vie, elle-même, est un essai de la mort. Un essai contrarié du réel qui occulte insidieusement le rêve et l’imaginaire. La méditation ne sait avoir de démonstration pour traduire les possibilités abstraites, théoriques, métaphysiques. La conviction l’emporte sur l’approche inconcevable de l’inavoué du changement perpétuel, de la modification permanente de la vie puisée dans la mort, épuisée d’elle-même.

Le transitoire comme guide entre les frontières du vide.

Chaque jour est l’entame d’une survivance nouvelle. Nous délogeons inlassablement nos passés que nous éclairons comme des torches dans une cave et que nous éteignons sitôt la visite terminée. Et chaque fois nous déménageons quelque chose. Nous réactivons une image, un parfum, une sensation que nous avions laissée en jachère. Temps immense et temps rétréci sont de même nature. L’éternité est devenir. Nous compulsons l’instant pour aguerrir nos projections sur le futur. Et, nous redevenons du temps ancien dans une navette incessante. Nous continuons à couler jusqu’aux rives de la mort qui broie nos existences dans l’héritage du monde pour lui offrir au cœur de sa marche rayonnante, le pas éphémère de la précarité.

Nous serons autre, d’un ailleurs qui n’appartient à rien. Parce que nous sommes des chairs composées d’autres que nous-mêmes, nous poursuivrons la déchéance dans son désastre fulminant et resplendissant. Le héros de soi sature devant le dérisoire. Nous périrons dans l’innovation. Dans la création fabuleuse de l’indéfini qui abreuve l’infini d’une satiété troublante et géniale. Nos fêtes sont des improvisations. Nous nous subjuguons d’abord, et nous nous annulerons ensuite dans l’éclat qui nous conduit aux foudres intimes de toutes choses. Pareil au même qui nous illumine et nous désacralise de la lueur blanche.

Le fond substantiel de l’être n’est pas lié à l’absolu, mais à la matière du rien où fleurissent des bulbes et des bulles d’existence vierge. Se consacrer à autrui, c’est s’aimer de toutes ses forces. C’est s’expatrier dans la cause des souffrances de l’autre pour déjouer les siennes. Nous ne sommes pas réels, ni de nos amours, ni de nos désespoirs, mais de nos famines et de nos discernements de disettes. Le réel fossilisé retourne à la création qui n’a su s’injecter à l’immédiat du présent.

Certains vivent sans s’en apercevoir… Nous, nous mourons ensemble, nos mains croisées sur nos prières. Parce que c’est en refusant de quitter l’attachement porté à ceux que nous aimons, que nous incubons les microbes de l’éternité relative. Mais, on ne vient à bout de rien. Jamais.

Je me suis déjà quitté de tant de choses... mais, la mort n’est pas la meurtrière que l’on croit ! Elle n’est que supposition de nos craintes et de nos effrois. L’adhésion à la vie ne tue pas la mort. Elle la recule, elle la roule comme une pâte blanche que le jaune de l’œuf n’a pas encore converti en mélasse de soleil.

Néanmoins, si nous désirons assister à notre propre mort, il nous faudra, de toute façon, rester vivant le plus longtemps possible. L’amour ne se donne pas, il nous emporte à l’acte intime de soi pour nous faire devenir.


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