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LA COLLINE AUX CIGALES
31 janvier 2010

Les mots d’amour sont-ils que des mots, ou des preuves concrètes et pragmatiques ?

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Dire.

Tes questions me tournent l’esprit. Je ne sais pas vraiment ce que je dois répondre, mais surtout à qui je fournis une réponse : à toi qui me lis avec attention ou bien à moi qui cherche à resserrer le sens d’une idée qui m’échappe en grande part.

Il faut se mettre d’accord avec la lumière. L’abat-jour ne sait pas ce qu’il cache. Un langage animé de sa vie propre est une part de soi qui s’évade pour ne plus appartenir à personne. Il est tôt fait de penser que la parole disculpe les mots gorgés d’émotions pour s’adonner aux imperceptibles caresses que la frange du langage recouvre de ses dires à l’emporte pièce. Depuis le temps que l’ombre de moi-même marche à mes cotés, ne me serait-il point possible que de m’immiscer dans ces recoins de gris où se tait l’ôtre-je ?

Sans lui, le désert ne ressemble qu’à du sable sans âme et la solitude demeure un ennui qui ruine toute idée d’oasis.

Sans le vouloir les mots en disent plus qu’ils ne savent eux-mêmes. Tant d’insipide se glisse dans certains. Tant de miracles en accaparent d’autres.

Celui qui alarme a la faculté d’hisser le verbe aux confins des peurs, celui qui apaise à la prétention d’adoucir et celui qui incrimine se voudrait de porter l’estocade.

C’est au porteur de mot qu’il convient de s’intéresser. Il m’arrive de parodier, d’utiliser les couvercles pour que mon langage n’emporte pas avec lui le plus inconscient de ses dires, mais le plus souvent, il reste le maître mot de mes pensées les plus intimes.

La parole est aussi vivante que les légumes de mon potager. Comme lui, elle est sensible aux saisons, aux turbulences, à l’assoiffement, aux pluies de grêles. L’idée de rassembler ses mots avant de dire me fait penser aux rassemblements qui fusionnent, qui associent ce que je suis et ce que je vis sur un seul tempo, un seul rythme. Troubles faits, parfois, ils agrandissent aussi mon désarroi par les autos reflets qu’ils ne manquent pas de projeter dans le champs du hors de moi qui me transite pour s’écouler en pâture aux oreilles des autres. Les autres ne seraient-ils pas d’ailleurs seulement l’entendu ? Et de leur perçu ne nous témoigneraient-ils point leur sympathie ou leur désapprobation ?

Mille mots en un, laisse à chacun l’opportunité d’en ressentir seulement ce qui correspond à son juste, à sa vérité personnelle et intime, et d’en réagir à souhait, à sa convenance. Palabres de serpentins, le mot reste quoiqu’il en soit, une fête. Il est une grange de possible de la même façon que le silence est source d’hypothèses.

De ce que je suis rien n‘est quelque chose. Et je me réjoui de cette alternative dans laquelle je me frotte à l’inépuisable. Tout a la forme que je lui donne. Ainsi une voyelle peut être ronde ou rectiligne selon que je porte le son à mon image ou à mon exigence.

J’admets qu’il est des mots et des voix turbulentes qui dépassent par leurs tumultes mes propres sons, pis encore, qui les étouffent, les ceinturent, les emprisonnent.

Mais rien, jamais, n’anéanti ma petite voix du dedans.

Mes résistances sont l’antidote de mes renoncements. Je me résiste autant à moi-même qu’à tous les intrus qui voudraient s’accaparer mes fragilités pour introduire en moi une force qui me serait étrangère. J’emprunte les mots qui me viennent comme pour m’en débarrasser.

Le mot qui me délecte le plus est bien sûr celui du fantasme. L’imaginaire sait puiser et soulever les sucs de mon être restés sur le sol comme des dépôts de poussière pour en faire une pluie d’étincelles brillantes. L’organementiel a une saveur si fine que je dois altérer le mouvement afin d’en percevoir toute l’ondée chaude des embruns du tendre.

L’insaturée est cette grammaire qui te susurre à l’oreille le mot inaudible que tu comprends de cœur sans jamais l’avoir entendu. Oublies de te venger du vocable de tes inspirations, laisses venir cette fontaine d’adverbes qui agrémentent la boucle de tes mots, là, juste là, où l’adjectif se replie.

Il faut se mettre d’accord avec la lumière pour en trouver l’équivalence. L’ombre ne se tarit pas, elle accompagne la vacuité.

cgfa_hopper17Il n’est pas de plus grande conversation que celle qui s’accomplit dans le silence. Moi et moi, nous sommes dans un bavardage silencieux incessant parce que nous avons tant à nous dire de nos éclats qu’il ne nous est pas concevable de prendre congés l’un de l’autre. Nos rendez-vous sont permanents et nous nous confrontons irrémédiablement à notre terreau afin de nous parfaire. Nous parfaire d’on ne sait quoi si ce n’est de l’atténuation d’une insatisfaction rituelle et quasi incoercible. Mais nous nous accomplissons avec cette hargne frénétique et constante et sans cesse renouvelée à acquérir un mieux, un plus, un exponentiel, une ouverture, une amplitude.   

Certains sont assommés par une vie qu’ils trouvent plate et sans odeur, la mienne est vaste à l’infini et élastique comme une bretelle. Expérience vivante, je déambule partout où la vie de moi peut s’immiscer et je m’apprends, et je me construis à l’aide d’atomes d’étonnement et de surprise.

Cependant.

Mon ôtre-je se pare de toutes les contradictions, de tous les oxymores et m’éprouve de ses réflexions morales dont ma nature profonde se fou et se contre fou. Embourbé dans une fange grumeleuse de moi-même, des bottes de géant n’y suffisent et l’immersion se prononce de mes terres mouvantes comme celles qui bordent dangereusement les marais.

Faire en sorte que la vie m’aime est une idée saugrenue. Pourtant ne dit-on pas qu’il faut être deux pour que l’amour s’attise et s’enflamme ?

J’ai dans l’idée du moment que j’aime la vie par nécessité et que cette dernière n’accepte pas de me contenir de mes vides intarissables. Bêcheuse, elle me dédaigne, me regarde de haut avec distance, et moi je la méprise de ses attitudes à vouloir donner des leçons. Petite prétentieuse qui sait tout, qui connaît tout, elle m’agace prodigieusement de ses comportements à prétendre enseigner, instruire de ses capacités à composer puis conjuguer l’existence.

Vivants, elle et moi, nous sommes fâchés et nous nous boudons régulièrement. Et si elle a le dernier mot dans le réel, mes rêves la dépassent, la contournent, la détournent de telle manière que nous nous jointons quelquefois, seulement de nos consentis à nous supporter mutuellement.

Sans doute ne suis-je pour elle, qu’une molécule insaturée et incontrôlable de mes excès et de mes tentatives à lui échapper d’une certaine façon.

Elle et moi, nous ne parlons pas toujours la même langue. Particulièrement lorsque la carence est devenue palpable et que mon audace me fait faux bonds à articuler le ressenti qui embrase mon intérieur et que la concrétisation de l’acte libérateur que cela pourrait faire naître à l’extérieur se voit contrariée. Moment d’écartèlement s’il en est, le choix dans l’attente, dans l’expectative non résolue me désarticule et la douleur me fait me replier comme se rétracte une étoile de mer qu’une main aurait touchée par mégarde. Retenu de moi-même, la libération semble inaccessible jusqu’à l’orée de mon fondement. Seul le débordement de la gangue du profond pourrait encore par son tremblement m’injecter hors de moi, hors de mes barrières. Un peu comme une lave grouillante que le volcan aurait retenu trop longuement prisonnière. Et les bouffées sulfurent, et les soupirs accréditent l’exaspération de ne pas progresser, de faire du sur-place. Statique, il me faut alors redevenir bohémien, nomade parmi les nomades pour parcourir mon monde du dedans. C’est au gré des chemins d’aventures et de hasard butinant chaque flaque que mes pluies torrentielles et existentielles ont laissé là après l’orage miraculeux que le tourment a fomenté par mansuétude à ma nature d’être humain, qu’il m’est offert de me réapproprier ma nudité, celle qu’enfant je savais être mienne et qui me donnait le sentiment d’être à ma place.

« Je ne ressens pas la peur sauf celle de cette stabilité qui n’est qu’encroûtement, surfaçage d’un intérieur vertigineux et grouillant de demandes. », m’as-tu dit. Alors, peut-être, est-il tant d’assermenter le désarroi des âmes pour en propulser une complaisance rieuse, pour en cueillir les rameaux rabougris après de longues conversations ostentatoires sur l’existence même. Etre nu de soi, pauvre de sa seule peau, n’est-ce point refuser de se falsifier pour s’agrandir de l’autre qui nous rempli ?

Pas un mot de plus. Je ne dirais rien de mon histoire. Ma vie est une colline perdue où seules les Bartavelles nichent encore à l’abris du Mistral… L’étau a saisi cet agglomérat de superpositions et mes couches d’air se compactent sous l’effort de la presse. Les tranches de vie sont une miche durcie prête à l’emploi du pain perdu que faisait jadis ma mère pour se débarrasser de ces restes encombrant la panière.

Celle qui aurait pu être a disparu dans les chenaux de l’invisible qui ne s’est pas révélé. Il me faudrait croire à ce qui n’est plus pour lui insuffler encore un peu de vie et le courage me manque. Chaque ombre absorbe le peu de clarté présente. Et je n’irais pas chercher dans l’oubli la peine répandue. Il est trop tard.

Scruter ses propres confidences n’ajoute rien aux délits consumés. Et je ne sais me résumer dans le vague torchon que mon fantôme accompagne de sa main pour essuyer mes vitres. L’amour de moi ne se trouvera que dans lui-même. S’il doit.

Etonnante, cette vie qui m’entoure et dont je ne suis pas entièrement. Etranger à mes forfaitures mon regard s’accomplit seulement de la faim qui l’habite. Une sensation d’isolement gravite mes alentours comme si mes semblables étaient une sous exposition en noir et blanc au paysage que burinent mes échos. Les reflets sont des transparences impalpables qui ne sollicitent que mon attention. Et je lèche mes ondes comme un chien attendri le fait de sa langue râpeuse sur la main de son maître.

J’aurais voulu te savoir mais tu ne dis rien, repliée dans un mutisme insonore, tu ne laisse rien échapper. Chaque fois que je viens vers toi pour te questionner de ce qui semble t’inonder d’amertume ou d’angoisses griffeuses, tu t’éloignes comme le font les vagues qui transportent des troncs d’arbres laissés aux incertitudes des flots et des courants. Chaque fois que mon élan va vers toi, tu m’imposes le repli. Et c’est dans le silence égotique que je me lamente de tes troubles tant ils interfèrent sur ce que je suis.

Par relents incontrôlables, j’ai toujours cette sensation que de ne rien être de moi. J’aurais pu tout aussi bien m’oublier dans la lassitude, mais au contraire un possible abandon me régénère de pulsions vives et c’est en criant « à l’abordage » que je m’élance vers toi. C’est le découragement qui accentue cet indéfinissable sentiment que de n’être tout entier que l’expression d’un vide. Je me survie.

L’autre soir, je suis venu au creux de ta nuit, aux abords de ton lit et tu m’as répudié comme si je venais te solliciter de quelque chose que tu n’aurais pu donner. Comme si tu te trouvais assaillie de je ne sais quel tyran conquérant, tu m’as ignoré et rejeté. Je n’étais pourtant venu que pour te border puis assouvir mes yeux de ta présence et pour sentir mon cœur de prés. Au lieu de ça, j’ai dû, une fois de plus, me recueillir dans l’immensité de mes ténèbres et accepter une fois de plus de m’enfoncer dans le noir de mes compulsions à me soumettre aux larmes sèches du désespoir.

Tu sais, un jour, je te quitterais de ne plus pouvoir.

De mes accidents, je me suis survécu seulement dans l’espoir heureux d’accompagner mon cœur aux pinacles de ses désirs. J’ai cru dur comme fer qu’il me fallait m’emparer de la vie pour l’habiter partout où elle crépitait. Ignare de mes complaisances à me loger dans le confort de certitudes qui faisaient de moi qu’un être de convictions morales ignorant la servitude des embruns de l’âme. Mon âmométrie n’indiquant alors aucun rocher à mon océan plat de nulle turbulence autre que celles des saisons. Je me suis agrippé aux toiles que ma chair arrachée laissait suspendue à l’éternité que je croyais définitive. L’illusion laisse un peu de temps avant d’incarner une toute autre amplitude. En serrant les dents, j’ai tenté d’instaurer de la souplesse aux rectitudes sévères du réel. Il sait si bien contracter les gestes du cœur, que l’effort nécessaire est presque un placebo pour la raison. Dans les décombres, mon corps a su crier son incompréhension et m’a rappelé aux contingences boursouflées des vérités qui lui sont familières. Le rire est devenu alors le seul unisson tangible qui me relie aux manifestations de l’incicatrisable. Le seul capable à cette heure de détruire la brisure et d’endolorir l’absence d’une partie de moi.

Alors je veux rire de cette conjoncture vivante et pénétrante jusqu’aux terres d’absolu. Je veux autrement me destiner à lui sans l’envahir de ce qui m’échappe. Je veux pouvoir m’y asseoir comme le font l’été venu les gens âgés le soir devant leur porte.

Le rire clair d’un enfant, le rire d’une équivoque absurde, le rire de l’acceptation… je veux rire autant que l’éclat de mes fêlures l’autorise. Rire pour ne pas mourir de l’entendement assourdissant des tamtams qui emplissent le miroir de mes songes. Un fou rire incoercible chassant l’autre face, ne laissant de la lumière que pour le fou.

Mourir de rire pour crever l’adversité qui répugne à sortir à visage découvert. Rire à cœur découvert.

Non décidemment, je ne dirais rien de mon histoire. Lieu de dépeuplement et de tremblements où les cicatrices sont des ruelles qui conduisent l’eau de mes pluies vers l’aboutissement de mes finitudes, à l’extrémité de mes terres virtuelles.

DSC09666J’irais voir dans ta peau s’ils s’y cachent tes secrets. J’irais voir dans tes secrets si la cruche déborde… Je prendrais le temps de me glisser dans tes vertiges à l’heure où les consentis frissonnent de ce qui ne se mesure pas. J’irais voir dans ta chair si la colombe des espoirs tangibles s’envole vers des cieux plus légers.

Je n’attends rien puisque je t’attends. Je ne veux rien puisque tu es dans le paroxysme de mes dédoublements. Je ne veux pas te garder, garde t’on la mer autrement qu’en la mirant du haut d’un phare ?

L’amour qui m’envoie ses brassées de vagues irrégulières, n’est pas dans la possession. Il ouvre le cœur comme le font les coquillages au fond de soi. Je ne veux même pas maîtriser l’onde qui s’évade de l’écume. Juste être là de mon vivant à moi et m’enivrer de ce délestage où les bouées ressemblent bien plus à des étoiles filantes qu’à des mats de fortune. Tu es l’offrande et je suis la bise qui la caresse. La vérité est ingrate lorsqu’elle s’interpelle de l’abîme. La peur la foudroie et le jour se diminue des ses contorsions à vouloir. J’irais voir par delà tes enceintes, dans l’espace frais des moments heureux si d’aventure le son de toi accoste mes rives d’infortune. La suture c’est ton fil d’air qui conjugue l’imprévu au cimes des craintes de coton.

De la corde tendue entre nos lèvres à paroles, un appel jaillit des désordres que provoque l’attirance d’un réel cousu aux fantômes de nos destins. Comme une fièvre cotonneuse qui contraint les sens à leurs plus simples expressions, l’armistice se présente telle une dévastation qui s’efforce d’établir un équilibre entre la souplesse cliqueteuse des regrets inopérant et l’enchevêtrement des tic tac grimaçant la variabilité des lignes du temps outillées à dénouer, renouer, assembler en combinaison neuves, pour rompre l’approche de l’approbation. Se perdent les mots dans les hauteurs du ciel où malgré tout ils essaient de garder l’équilibre. Temporairement le contact se résout dans l’éphémère de toutes les expressions. Réunir l’éparpillement des formes dispersées de ce transitoire qui consacre l’instabilité devient une prouesse où l’insensé se rit de l’absurde pour provoquer la rixe des épidermes revêtus de leurs contresens. Logée dans la révulsion des peaux grince et gémit l’air qui les effeuille : la logique chute et la porte se ferme.

Le chaos profite de l’espace inoccupé pour bercer la chrysalide des craintes futures. Seule la danse des papillons ausculte les souffles des rires perdus pour ramener aux lèvres gercées d’acrimonies ubuesques le sourire réconciliateur.

Caches donc tes épaulettes musclées de tes acceptations aux prémices des joies tonitruantes, tais aussi tes émergences avides de gourmandises imparfaites. Et laisses venir la précaution des paupières qui se ferment et agites ton cœur comme savent le faire les merles aux nuits de lunes écaillées. La parodie se termine où la fine lamelle du tendre sait rejoindre la douceur des émotions qui s’épousent dans le silence là où le cœur à cœur se pique d’un trèfle à quatre feuilles.

Ce ne sont point les mots qui portent l’acte mais le désir. Vouloir est l’anticipation de ce à quoi l’on se destine. Savoir résulte de la conscience éprouvée de l’éveil qui nous régit et vivre tout entier ne se limite pas à exister autrement qu’en vivant. A tendre vers soi toute chose en étant la passerelle des lumières, nous naviguons sur le spectre inintelligible des couleurs pour se mélanger avec celles de l’attirance afin d’inventer les coloris qui nous conviennent.

Le mot de l’attente disloque l’expectative à se concevoir si l’acte ne corrobore. Dans Amour, il y a toi et l’autre au-delà des pluriels. La réponse à tes questions est dans le silence qui couvre l’horizon de tes brouhahas à te concevoir pour ce à quoi tu t’imagines.

Une vie toute entière qui n’aurait pas pour mort son devenir le plus absolu et le plus revendicatif, s’étoufferait de ses pulsions à se déterminer dans le temps autrement que par l’innovation perpétuelle du mouvement. On aime pour ne pas être dissident dans l’île qu’on habite. On aime pour ne pas rivaliser avec soi-même de l’étendue qui ne se mesure pas. On aime comme l’on respire, boit et mange, pour ne pas mourir.

Est injuste tout ce qui nous conduit à être à l’envers de soi-même. Cependant, c’est en faisant le poirier que ce qui nous semblait un équilibre est remis en cause. L’envers est un autrement de l’endroit d’où le vertige inspire la dépossession de l’acquis qui paraissait définitif. Le cercle roule comme un cerceau dont le centre ne change pas contrairement à la position qu’on y occupe. Le juste et l’injuste n’y font qu’un.

Amender où obéir… seule la transgression poursuit le chemin. On ne se persuade pas de l’impossible, on le contourne pour estimer notre résistance à l’épreuve et s’enorgueillir de notre cohérence raisonnée, celle qui supplante notre nature première et qui nous fait croire à une supériorité.

Il faudrait recueillir les soupirs restés au fond de nos mers, tisser les algues de nos amalgames et boire cette tresse insoumise à la liqueur de nos sels abandonnés à la jachère de nos renoncements. La solitude me serait moins insaturée et moins seule de ces pages blanches.

Ma vie dans la vie est cette goutte transparente où je vois mes propres déambulations. Rien ne transpire davantage que cette fine bulle d’eau que la pluie vient transcender. Mes orages sont les torchons de mes désespoirs à imaginer ce que l’éclair peut illuminer de mes ruines. Dans les lambris de rêve demeure toujours le sens caché de la violence de mes révoltes les plus insoutenables.

Il faudrait sortir des enclaves des mémoires pour écrire la poussière des mots. Il faudrait sortir des étaux de brouillards pour se livrer à l’écume du dire avec l’ivresse des tourbillons des vagues qui n’ont pas d’autre postulat que de s’éterniser de leurs roulis à caresser les sables qui bordent nos corps de débris aux lunes baveuses. Il faudrait revêtir l’habit de nos lumières à conjurer nos ombres et nos traces de réel pour dissiper nos sottises humaines à vouloir coûte que coûte déchirer l’imminence de nos fabulations à découdre le sens de nos capacités à mourir de ce qu’on vit.

Murmurer des mots plus beaux que le silence

Pour que la présence soit plus belle que la solitude.

J’ai oublié de me taire. Je savais la parole inaudible des terrassements et des vacuités qui occupent les intervalles de ce qui est dit par la voix et de ce qui est entendu, reçu par l’autre. Je savais que la parole n’atteint que nos carences à combler, comme un mortier bouche un trou. Je savais la farce de l’écoute qui n’entend que ce qu’elle est capable de s’affirmer comme une vérité ou une réalité plausible. Je savais cette mascarade soutenue que les mots transportent de nos ressemblances et de nos vraisemblances. Et pourtant, j’ai oublié de me taire.

On ne retient de l’autre parole que ce qu’on veut bien en retenir. Rien ne se dit tout se jacte d’innombrables mimiques, de sons et de parfums. La compréhension juste est bestiale. Le rire nous sauve de nos cousins à quatre pattes. Et encore lorsque je dis « nous sauve », le verbe est fourbe. Car combien en nous de transparences animales nous trahissent de nos origines antédiluviennes. La parole emprisonne le tintinnabulement de mon dedans par tous les sacrifices qu’elle a du accomplir pour se normaliser et se sociabiliser. La parole n’est qu’un chèque que nous établissons pour que l’autre nous reçoive de nos débris en prélèvement pour d’autres comptes.

Combien sommes-nous attentifs aux regards de ceux qui nous parlent, aux attitudes, aux comportements, aux facéties multiples qui accompagnent toutes nos phrases, pour savoir que la parole n’est qu’un outil léger et imparfait véhiculant la partie polie des mots que nos ressentis voudraient exclamer plus abondamment. Combien sommes-nous à vouloir dire l’onctuosité de notre dedans et n’y parvenant pas et à utiliser la parole dans sa rhétorique la plus dense et la plus folle. Ou au contraire à ne dire que peu de mots pour limiter les dégâts de nos impossibles traducteurs.

Lorsque tout est dit, rien n’est dit. Le mot n’est qu’un accompagnateur de cocagne qui stigmatise pour apporter une bribe de compréhension de l’autre. Ne nous est-il point arrivé à chacun de nous faire aussi bien comprendre par le langage des signes dans un pays étranger dont nous ne parlions pas la langue ? Bien sûr que oui, pour ce qui est de l’essentiel du besoin.

Dans ce cas devrais-je supposer que l’essentiel se suffit de cette communication incomplète de ce que je voudrais témoigner ?

Tes mots me sont pansements aux brûlures des miens qui s’enflamment à te dire. Tes mots je les entends d’un rien de moi qui les accapare de ton invisible voix. Tes mots possèdent l’affirmation de mes inepties à te recevoir autrement que telle que la ride souffle sur les plis de tes griseries à te fourvoyer au-delà de tes rêves. Tes mots c’est le chant de mes rivières qui s’écoulent de tes parfums à saupoudrer le fluide de moi qui nage aux profondeurs. Tes mots se gravent sur mes gestes, gramophone de caresses répondant aux tiennent. Tes mots remplacent l’étendu de mes impossibles par des pistes d’atterrissages à l’aéromoi caché sous les herbes. Tes mots sont des coups de canons dont les salves s’amusent à faire des trous dans mes tranchées déjà incrustées d’interminables pluies au creux des plaines de mes veines qui s’inondent de chacune de tes pulsions.   

Enfin c’est à l’ombre de tes paroles que les poubelles du ciel débordent d’étranges postiches simplistes de l’infinitésimal de ce que je souhaitais dire.

J’ai oublié de me taire.

Lorsque la parole se fait poème, le mot ne court plus, il s’assoit au bord de l’âme pour chanter les étoiles et dire le miel de sa lune. Fais donc danser tes mots que je puisse rire au cœur de mes éclats à t’accueillir.

Je t’ai dit du bout du mot ce qui est du bout de moi. Prends mon silence complémentaire pour l’irraison de ma trace à te dire. Ne vois-tu donc point poindre la musique rythmée de mon balancier à t’évoquer la danse de mes heures ?

Je t’ai dit du bout du mot, ma parole la plus extrême, celle qui porte pour moi la couleur de mes respirations à t’aborder.

Tu sais bien entendre aux coins de ma conversation, la douleur de mes sucs à se répandre. C’est la force de l’imaginaire qui officie cette asyndète paratactique.

Je t’ai dit cet invisible tissu qui couvre la plèvre de mon tourment à t’exister. Mon cœur n’est qu’une poussière de lune au ciel des désarrois de ce qui tait la vie.

A la fourche du jour, à l’argot du temps, j’irais chercher ta langue ignorée dans le brouillard de tes poussières. Je fouillerais le malentendu de tes évidences qui suintent encore dans le noir de tes silences. De cette entente creuse de confiance, j’irais grappiller le verbe de tes insignifiances pour le décortiquer de ses contraintes à te dire. J’airais juste là, où est resté résigné l’infinitésimal de tes innocences cachetées aux mystères de tes découvrances.

Malgré le refus des ombres, le mot a un geste qui lui est propre et qui le rendedward_hopper_summer_interior reconnaissable à tes muettes stérilités pour s’approprier la parole engageante au discernement qui tente de dire l’inexprimable de ta langueur à te repentir du mouvement qui t’extirpe à tes grottes humides.

C’est dans le spectre de tes obscurités que je te reconnais le mieux. La mansuétude de l’ignorance décuple les bribes de l’ultime de tes expressions neutralisées par tes feutrines où la rébellion est inopérante de ses piques et dément l’écriture de tes gestes à t’émouvoir.

Il faudra, je le sais, mettre à la disposition du néant toute sa forfaiture. Je projette tant de toi ce que mes yeux veulent saisir comme une réalité indestructible que toute ma dépendance en détermine mon rapport au monde. Il faut irréductiblement être infidèle à soi pour mieux se détacher de l’emprise des consciences à se mouvoir.

Ce qui nous emporte au-delà nous dépasse toujours.

Je voudrais m’oublier dans le don de soi pour dégripper l’étau qui nous réduit à l’étroitesse de ce que l’on voit afin d’accorder à l’invisible sa part de réalité.

La parole intime crache son flot d’inadaptations au réel non saturé de contradictions. Prétendre le jour n’immunise pas de la nuit. La surface de l’océan plonge dans la rétine des regards introspectifs et laisse supposer des profondeurs dont seuls les coquillages mesurent le fond.

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Commentaires
F
Comme j'ai plaisir à venir lire ici. Ce que je lis me parle au plus profond, m'éclaire, me conforte, me touche.<br /> Est-ce toi qui écris tout cela ? Cette analyse est magnifique.<br /> Merci
B
à choisir, vaut il mieux se taire ou trop en dire ... l'abondance étouffe parfois les évidences.
V
Les maux de l'attente. L'attente des mots et oublier de se taire quand souffler n'est pas jouer...jouer avec les mots dans un face à face avec soi-même dans le flot des turbullences de nos profondeurs.
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