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LA COLLINE AUX CIGALES
18 décembre 2009

E - 025 - La marche d’ailes.

nu_pudique_medium

Je marche dans toi.

Tu as pris la forme du temps. Tu as pris la forme du cadran de la planète qui tourne doucement. Tu es devenue une durée alors même que tu fuyais toute éternité. L’éternité, disais-tu, n’a de mesure que pour l’instant où l’on s’y accroche.

Tu files dans le silence comme ce cri venu de nulle part. Tu t’effiles comme cette pelote de fil d’acier qui se déroule un peu partout, s’emmêlant et faisant trébucher les pas qui se prennent dedans. Tu t’enfiles dans le chat de l’aiguille qui doit venir piquer les heures pour les coudre aux histoires qui se vivent.

Je marche dans toi.

A cette heure sans présence, dans ce lieu imprévu des mémoires ferreuses, croulant sous la rouille ocre et durcie, je marche dans toi. Un pied puis l’autre…

J’avance comme une frégate navigue à la découverte d’autres terres, d’autres espaces pourvus de richesses vivantes, de sèves occultes et de sucs vertigineux.

Je m’accouche de mes laves sournoises et de mes peaux déchirées comme des paravents usés par les tempêtes et les intempéries naturelles. Me voici au centre de partout, au milieu de nulle part, dans tes déserts de fortune, dans tes sables aux limons remplis de mémoires, au cœur des ivraies les plus redoutables, sur la route dépeuplée des disputes d’avec le temps. J’y suis. Le trou vide d’une absence, oubliée par les corps et toutes les matières, dans la faille profonde inoculée des temps immémoriaux.

Il est une heure sans heure, immobile et paraissant figée. Il est un instant sans frontière, ouvert à l’immensité devenue un point minuscule rassemblant jusqu’au paradoxe en une seule tache. L’encre s’ancre en sa rondeur. Le tout comme une infime inscription de ce qui ne se retient pas, de ce qui ne se saisit pas. L’impalpable mesure des choses et des êtres. La lumière millimétrée des rythmes qui nous ont été impulsés par la magie des origines ; celles dont nous sommes envahis sans les connaître, sans les savoir.

Je marche dans toi.

Au fil des lèvres de la naissance du jour, dans la goutte de sang où se recompose dans la permanence la créativité des tourbillons qui grimpent jusqu’aux sommets qu’aveugles nous ne pouvons voir. Nos paupières ne sont pas de marbre.

Ailleurs que dans la lassitude, ailleurs que dans le soupir, dans un autre lieu et un autre toi qui n’a pas d’issue mais qui en construit sans cesse. Avant le saisissable, avant ce que l’œil perçoit, avant toute chose qui se nomme. Dans la faille souveraine des magmas en ébullitions, là où le brouillard n’a que l’odeur du fœtus des fumées et des gaz qui dans l’hyménée produisent des réactions aussi brutales que la vie. Là où le rire est si violent qu’il déchire les ventres pour que naissent le blanc de la lumière sans chaîne. Sans retenues. Sans attaches de début où à la fin.

Dans ce lieu étrange perdu tout au fond des mémoires, où l’absence n’a plus d’effet, où le silence tapisse l’immobile présence des foudres du désir comme pour parfumer les parois de l’infini de sa mansuétude à nous protéger des bruits qui nous pénétreraient comme des poisons.

Et puis, derrière cette porte cadenassée, derrière le brouhaha des rumeurs qui courent comme des daims craignant le chasseur, là où s’évertue la paix à bâtir le calme comme celui d’une méditation introspective, dans cette mer déchainée que les éléments chahutent et culbutent comme les enfants dans la cour de récréation improvisant une bagarre devenue un jeu : L’ombre pèse lourd, elle donne à la distance un poids qui n’est pas sienne. Elle noie la légèreté de nos effluves qui parcourent les ondes comme des voyageurs nomades, exilés pour toujours.

Une de ces journées sans tain, calme et reposée comme un coucher de soleil alité sur l’horizon orangé. Un jour renoncé et renonçant parmi tous les autres, un jour sans adieu, devenu intemporel. Une fine brise tiède qui caresse les joues dodues d’un paysage inanimé, dans une étendue figée, où rien ne semble vivre vraiment. Pas même le souffle d’une poussière.

Je marche dans toi.

Ce que l’on aime nous régénère. Dans la transcendance inéluctable, l’émotion se masque, s’agrippe, s’écorne, s’enfuie et reviens comme une lame fine qui découpe la part insoutenable de nos combats à défaire des nœuds et à murer nos peurs dans des labyrinthes providentiels que nos audaces savent quelquefois déterrer.

Tu voudrais m’emmener plus loin, vers cette fin qui rejoint le début, vers le risque cru qui nous trouve nu à chaque rencontre. Ma vie, ou plutôt son théâtre, voudrait aussi se délester des couleurs qui l’assombrissent et porter ses pas comme une pluie fine pénètre la litière de tes chairs. Mais, sens-tu, aussi cette voilure, ce léger tissu qui nous oblige à ne pas sortir de nous ?

Je marche dans moi au plus prés de tes pas, au plus proche des bruits de ton corps, dans la permanence des sensations qui me portent à croire que ce que je sens est ce que je vis. La marche se fait avec des ailes. Je marche dans moi comme une ombre s’approche de toi. Nous nous touchons comme deux murmures, par défaut.

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Commentaires
F
Juste un frôlement léger ici... et l'envol n'est que plus coloré encore...<br /> Merci à vous
L
Même si mon com n'est pas validé...<br /> "...Ailleurs que dans la lassitude, ailleurs que dans le soupir, dans un autre lieu et un autre toi... Qui n’a pas d’issue mais qui en construit sans cesse...." J'emporte cette phrase avec moi qui m'inspire beaucoup.
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