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LA COLLINE AUX CIGALES
11 décembre 2009

E - 023 - Guérir, c’est où ?

Nu_fond_rose_medium

On ne peut pas être nés de la dent du temps. Toi et moi, nos mâchoires ne sont plus faites pour broyer, mais pour s’enrober de nos salives et mâchonner le mot avant de l’éructer comme une promesse sans défis.

L’altercation avec nos heures n’ont plus rien de temporel si ce n’est ce présent à foison qui crache goulument des cendres et des germes avec le même enthousiasme, avec la même promptitude.

Que pouvons-nous désirer en dehors du toujours ? Ce toujours sans yeux ni oreilles qui perpétue l’infini lui-même. Ce toujours incrusté à l’immédiat qui regorge d’antérieur et d’anticipations. Ce toujours resté immaculé alors qu’il est vieux de siècles et de siècles emmêlés.

Le silence frôle la paix. L’accolades des non-dits n’ont rien avoir avec ce lieu de calme et d’apaisement dédié à l’axiome des contenus qui n’ont rien à dire, là où tout se dévoile comme une réalité double, une fourche du temps, une litière vidée d’échos et de leurs nonchalances.

Nos rires sont des tartes, des tartarinades, des lumières jaillissantes de ces antres sans mots.

Là, sur la pause paillasse inaccessible du temps, là sur les battements de cils des ombres floutées, à l’étroit praticable des heures où joue la symphonie des pendules qui mesurent ce qui s’en va comme des feuilles froissées jetées au panier. Là, à la cognure des failles et des abimes labyrinthiques. Des feuilles de sang engorgées de misères surveillées du mirador des cadences insoutenables de la précipitation d’être. Le trop vite s’accélère, claque le fouet et mes pieds s’attachent au sol comme deux plombs trop lourds. La fatigue est toujours à l’heure du temps. Ni elle le précède, ni elle le projette. Inéluctable à l’envie, au désir de poursuivre toujours plus loin, toujours plus haut. La fatigue va jusqu’à l’épuisement chercher le goût de la lassitude, du fer et de l’acier qui laisse leurs traces au fond de nos gosiers comme une nappe métallique imprègne nos salives les jours de fièvre.

Nul refuge, nul abri, tout s’en va tout se quitte, et je reste là comme un piquet, cramponné au déluge qui martèle à l’espoir toutes nos résonnances. Tout s’en va, me quitte et je fais de la rétention d’amour à me gonfler comme une baleine que le temps aura du mal à emporter. Je m’accroche au vide ventre à terre, ventre sur la mort et je crie ma vie tenue à deux mains comme un nourrisson bercé par la mélodie du meilleur et du pire réunifiés dans le chant du temps. La mort se tend comme le fil d’un arc, cherchant l’objet qui fera office de flèche, de pique, de crève-vie. Le trajet des cœurs est sans limite à l’étendue du possible. Ta ronde et tes courbes sont faites pour défier les projectiles comme pour enfanter les mélopées des sirènes qui me happent comme un aimant.

Du désespoir nous n’avons que les mots, pour supplice la parole et pour tout dire toutes les flammes du soleil n’y suffisent pas. Bouche sèche et gercée par l’aridité de la conscience lucide qui voit sa propre mort derrière le rideau de l’illusion. Il n’y a d’autre choix que de fuir. S’échapper, sortir de la poubelle et enfiler les mots dans la crédence qui résiste au feu. Faire un brûlant collier virtuel des perles que nos rêves produisent comme des crépitements de fougues bouillonnantes.

En moi le sel des secondes qui traversent l’éternité. En moi, le trop plein et le trop vide, tout à la fois, le dérisoire comme une respiration s’exalte, comme la vibration des secrets endormis qui surgissent, comme une transmutation du réel pour clore.

L’écriture est une opération sans suture. L’encre perdure où la vie s’efface.

Du tragique envahissant la moindre prière, le moindre interstice, le plus infime espace est châtré. Nous traversons ensemble cette aire mutilée par toutes les générations. Nos raisons flirtent avec la conciliation des heures et nos émotions livrent au temps la révolte des chairs à vifs qui se heurtent à la fatalité. D’un destin sans nom, d’une émanation impalpable et pourtant bien présente à toute continuité. Nos seules garanties résident dans les errements de nos consciences à flottiller avec nos libre-arbitres et des hurlements de nos déterminations à ne vouloir consentir pleinement à ce qui nous échappe. Parce que nos mains lorsqu’elles sont des cœurs n’ont pas faculté au saisissement. Parce que nos fils en vérité ne sont que des lumières sans diodes et que rien ne saurait influer à l’électrique contenu de nos agissements. Pas même la clarté souveraine qui habite nos regards empreints de douceur et de tendres firmaments.

Que savons-nous du jaillissement de nos foudres ? De quelle pluie est faîte mon feu ? De quel ordre du monde s’agit-il ?

Nous n’habitons aucune vengeance, aucune rédemption, aucune fourberie. Nos déserts sont d’anciennes plages, d’anciennes mers. Et nos radeaux de fortunes sont ces coquillages que l’on trouve encore en grattant le sable. Nos désirs ne savent pas dire les angoisses qui les ont nourries. Nos vouloirs cheminent le maintenant-tout-de-suite sans se soucier des poudres millénaires qui poursuivent leurs routes à travers nous. Nous avons cette faculté miraculeuse que d’être nuages, étoiles et mers et terres tout à la fois. Nos cœurs sont des araignées de mer baignant sous des profondeurs immémoriales et increusables. Nos baisers des vagues de cent mètres, nos ouates sont les vertiges incongrus et impromptus de nos tâtonnements à nous deviner malgré les fragmentations qui nous dispersent.

La perte ne perd rien. Le quitté non plus. Tout est encore là dans cet autrement qui nous résigne à composer, à accepter. Faire avec est alors se recomposer comme un embryon se greffe à un autre embryon pour que la vie soit ce temps intouchable et définitif. Le seul drame serait de ne pas l’oublier. Si oublier était guérir.

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Commentaires
A
Ecrire pour ne pas oublier de vouloir vivre .
S
Confier à l'oubli les notes éparses des accords parfaits...
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