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LA COLLINE AUX CIGALES
2 novembre 2009

E - 002 - Refuge.

Marina_Abramovic_thomas_lips__the_star_Je vois le jour chiner et creuser dans l’épaisseur de tes hésitations. Je le vois et je le sens, équarrissant la pudeur que tu lui as consacrée. Il vient charmer jusqu’à tes plaintes afin que tu lui accordes tes faveurs. Il vient séduire tes doutes comme un agitateur intemporel. T’obligeant à effacer les pannes qui te retenaient engourdie dans le sommeil bruineux de tes maux et de tes querelles.

Toujours ce trop loin qui pousse au bout du monde. Toujours cette emphase et cet enthousiasme qui prodiguent leurs effets de lances et de javelots poignardant l’immédiat.

Toujours des mots comme des codes aux enjeux occultes repliant réalité et illusion dans une même couverture. Des mots trop humains pour ne pas chavirer dans le chaos invisible du vivant comme des troncs d’arbres alourdis de sel. Comme des troncs d’arbres gravés d’histoires à coups de couteaux.

Une vague idée flotte sur les lèvres en attente. C’est la solitude brute qui occupe le leurre. Tout est incomplet, du verbe à la parole. Les phrases sont des lignes qui se noient dans l’océan de nos bavardages. Le verbe s’ensable et disparaît comme un coquillage, pour ne rien laisser voir de ce qui se trame. Pour conserver. Pour transformer sans déduire. Pour déduire sans réduire.

C’est l’écorce qui s’encanaille des sèves montantes. La candeur plonge dans le soleil où l’enfance rebondit avec ces accents de grimoires illisibles.

Tes lèvres sont devenues le cercueil vivant des aurores qui se lèvent pour chercher à boire. Une buée sur le pouls de la brûlure. Muettes.

Tu as pris ton envol comme les papillons épousent de leurs ailes légères la brise souple des courants de l’air qui ondine sur les douces tempes d’une aube épurée, légère et silencieuse. Sans le savoir tu as encore confiée au jour tes espoirs et tu te plies aux présages qu’il pourrait te signifier. Le jour clapote et c’est dans sa vase que tu piétines comme une armée désorganisée tente une progression par temps de pluie.

Hier n’a pas été de tout repos. Toi qui as battu en retraite, tu t’étais juré de ne plus acquiescer aux promesses trompeuses que ta confiance porte aux heures blanches. A ces serments nus de tout fard qui déplient leurs voilures comme des navires en partance vers de nouveaux horizons, de nouvelles terres. 

Ce que j’ai laissé en toi, c’est ma chair. Ce qui reste de toi, en moi, c’est ton absence, alourdie de ton silence comme un vide porte la nonchalance.

L’amour le plus beau est celui qui en donne. Il laisse les traces de l’apocalypse sur les plis de chaque main repliée, de chaque regard alangui.

Le silence est dans sa croute. La parole est aux pinacles de l’exploration. Le taire est dans la prouesse de ce qui voudrait s’échapper. L’échappatoire ressemble aux failles intérieures, à ces cheminées par lesquelles s’évadent des fumées comme des signes, des métaphores de l’inexpliqué.

Comme si rien n’avait existé, comme si le présent absorbait toute la lumière.

Dans le bouillon du jour qui cherche à naître, une odeur de feu colle à la langue. Le désir se lubrifie aux instances des peut-être. Il ravive cette folle volonté à unifier les rêves aux flagrances d’un réel obstiné à prendre les devants du possible.

Tu as pourtant archivé dans ta chair les douleurs cuisantes des échecs sur le fil saillant des rigueurs. Tu sais l’empreinte des mémoires qui te maintiennent comme une ancre au fond des océans. Mais, ce bouillonnement qui parcourt tes fibres, il ne peut se résoudre à un quelconque renoncement. Il fait chavirer tes forteresses tendres et tes remparts cimentés de rectitudes. Il défie le temps et te défie toi-même lorsque tu te blottis dans le contre-jour des attentes prolongées et impatientes. Ce désir ardent comme une braise sans cesse animée, c’est ta vie. C’est ce royaume de parfums fragiles que tu habites. C’est ce poème de sang mêlé aux visages du cœur des hommes. C’est ce qui te fait sortir de la mort pour tenter d’apprivoiser le bonheur déchiré des siècles de chimères.

Tu t’es dressée aux cimes de tes peurs et de tes rancunes. Et glisse comme une luge ce qui est resté tapie trop longuement sur le sol de tes désespoirs. Aussi haut qu’il t’est possible, aussi désespérément qu’une lettre jamais postée, aussi droite qu’un trajet d’éclair, debout comme un arbre de prouesses et de vœux, dans un face-à-face avec tes rêves les plus audacieux. Tu expies. Tu ressuscites.

Tu prends dans ta main tous les oublis fracassés aux tenailles des destins d’étaux d’acier et tu déloges le poids du marbre qui écrase l’amour pour lui offrir le risque du dénuement des os et des gestes. Nos corps s’épongent des morts agglutinées dans nos entrailles macabres. Nos peaux se désenclavent des torpeurs frigides que nulles audaces n’avaient sues rendre à la souvenance du vivre. Et nous boitons encore un peu de nos résurgences funestes avant qu’un baiser nous installe sur le toit du monde. Nos ventres deviennent alors la caverne de nos émotions. Nos laits coulent comme des torrents joyeux qui scellent leurs mousses dans le murmure des coulis que nos âmes ont préservés pour cette rencontre. Nos mémoires se vident dans le silence de l’autre et nous avons la sensation d’être des géants.

Le silence est si lourd à porter, que mes yeux restent rivés sur toi, que mon cœur t’invente là où tu t’effaces. Sans doute, l’amour est-il aussi tenace et aussi perturbant qu’il dénonce ce qui est vide, qu’il terrasse l’absence comme une foudre plonge à l’intérieur de soi.

Et ma peau appelle la tienne. Non comme un pèlerinage. Non. Mais pour une nouvelle embrasée, pour refaire fleurir le feu de nos espoirs à occuper l’horizon ensemble. Pour que se lavent nos peurs. Pour que se recousent nos langues.

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Commentaires
A
Merci...
B
Arthé : voilà qui est fait !<br /> <br /> http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.nationalgalleries.org/media_collection/6/GMA%25204191%2520A.jpg&imgrefurl=http://www.nationalgalleries.org/collection/online_az/4:322/result/0/73907%3FartistId%3D14781%26artistName%3DMarina%2520Abramovic%26initial%3DA%26submit%3D1&usg=__O2vt7hhpNOyJCh6eacNd_8JRpS8=&h=541&w=540&sz=88&hl=fr&start=19&um=1&tbnid=Fm0JPXoVZycDYM:&tbnh=132&tbnw=132&prev=/images%3Fq%3DMarina%2BAbramovic%26hl%3Dfr%26rlz%3D1R2GGLL_fr%26sa%3DN%26um%3D1
A
Merci pour cette capture d'écran d'une vidéo terrible de Marina Abramovic.<br /> L'art, au service de la mémoire de la chair ne mérite en aucune façon l'anonymat. <br /> J'espère B., que tu le comprendras.<br /> Merci..<br /> Arthémisia.
L
Un poème presque aussi profond que le coeur de l'océan...
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