E - 001 - Le silence est dans sa croute.
Langue d’héritage, langue perdue en mutation constante sur le fil électrique des jours où se rassemblent les hirondelles pour un nouveau voyage. Langue de corbeau aveugle des ciseaux qui subsistent après le dire, dans le recueillement des envolées où se médite l’effacement dans la parodie des ombres. La parole défaillante recluse dans la gangue des inventaires et qui cherche sa force aux besoins des autres. Le mot se dérobe. Cache-cache dans le face-à-face. Le futur cherche sans doute à en découdre avec cet immédiat immobile. Le passé comme une lame affûtée rase de prés l’existence à naître.
Paradoxe. Nous n’avons rien à dire et nous parlons, parlons comme des pies bavardent. Des voix occupent l’espace. Moulins de paroles où se brassent et se malaxent nos farines. Nous n’avons rien à dire et nous parlons, parlons jusqu’à époumoner nos carences, jusqu’à livrer à la compensation les tourments de nos discordes, jusqu’à déloger l’ennui qui resserre à l’étau le souffle du désir.
Dans le face-à-face avec le silence l’air s’effondre. Le vide s’écroule pour laisser place à un autre vide. Un autre temps mort se réfugie sous la langue. Les joues se dilatent emprisonnant la voix. Dans la gorge le nid des murmures s’épuise à l’attente. A la suspension. Tout y flotte comme un sentiment sans amarre. Le désir inflamme et la parole devient une toux, un tic, un mimétisme, un toc, un son irréductible, une musique d’outre-tombe.
L’insoluble miasme est inutile et délétère. Reste au paradoxe l’abondance d’une solitude neuve où s’entrechoquent les accents des mots, où se dé-existe l’épuisement à dire dans un total désistement, dans un renoncement achoppé de blanc que la moindre lumière efface. Dans l’incarnation narrative des soupirs qui trouent nos carapaces et dénudent nos apparences. A l’envers de l’endroit chaotique se retisse le poème d’un exil. On a beau dire et taire, on reste soi-même et le mot nous déshabille autant que son silence nous afflige et nous paralyse à une forme d’oubli. Te parler est mon unique bien, ma seule compétence à lâcher prise sur les registres désordonnés d’une bibliothèque à sentiments. Dans cette alcôve où s’épure l’émotion à l’acide du bien-entendu. La parole dort comme de l’eau qui boue.