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LA COLLINE AUX CIGALES
9 octobre 2009

→ B 020 – Sursis. (suite)

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Je pénètre à l’aveuglette dans l’infini de toi, moi qui suis dans une caverne d’eau et de feu, moi qui flotte dans un faisceau de lumière où demeurent suspendues mes poussières et mes fumées dansant la gigue au gré des souffles et des murmures assourdissants de mes cellules capricieuses. Je pénètre à l’aveuglette dans l’infini de toi, d’un voyage à portes ouvertes, à mers découpées, à ciel ouvert.

L’odeur de la nuit que l’on habite lorsque le jour est inerte me donne l’impression de ne plus exister, de n’être que des yeux plongés dans le à voir, de n’être que par ce qui est vu, comme une caméra sans âme, comme une matière morte qui capte les images vivantes.

Il pleut partout, il pleut tout le temps une inquiétude permanente où bruisse en arrière plan un mystère pesant, prégnant comme si une masse informe demeurait postée derrière moi et que je ne puisse me retourner pour la saisir. Une pluie sans repos qui traverse la muraille du réel, une pluie détergente qui assainie jusqu’aux limbes des peaux de la lumière.

Nul brouillard plus épais et plus clair que ce voile qui recouvre les rumeurs touffues qui réinventent le langage des matières et des hommes.

Nous ne sommes séparés que de nos rites et de nos théâtres à vivre dans la comédie de nos désirs, dans le tumulte hypocondriaque de nos souffles muets, dans des décombres oubliés comme après une guerre, une bataille, un combat de sentis frayant une route vers d’autres lieux, d’autres espaces, d’autres destinations.

Nos catastrophes nous unissent, par elles, nous adhérons à des similitudes qui épousent nos rejets et nos attirances.

Une présence de proximité, sans recul, nue d’un rêve éveillé qui nous plonge dans la conscience obscure du risque et du danger à vivre que nous fait encourir le lien, le fermant des greffes, l’unification d’un peau à peau porté par la démangeaison de nous aimer, une présence diffuse assiège nos regards cernés par l’aventure.

Nous sommes des pantins désaffectés lorsque nous refusons d’abdiquer à nos élans de promesses joyeuses, des drilles sans effusions comme des tissus torchés au sortir d’un bain, trop propres, trop lisses et trop vidés des marques de la nuit.

Un espoir persécuté fait mieux que dire ou montrer sa douleur, il imprègne comme une mélodie les feuilles blanches que nos émotions n’ont pas encore sues écrire. Et c’est sur le bout de la langue qu’il pleut la soif de nos sursis - nous ne sommes que des sursis à la mort, à toutes les morts, et nos attentes gonflent les interstices de nos réalités pour mieux isoler nos dégoûts et nos écœurements à prolonger le vide dans les espaces que nous voudrions pleins, remplis et étoffés de toutes nos folies à sublimer l’ordinaire, à transgresser nos néants et nos chaos pour accéder au sublime. La vie s’enfonce comme une lame dans l’éclair qui nous traverse et l’invisible est trahit par nos sursauts comme lorsque seul dans une pièce obscure nous tressaillons croyant avoir perçu une présence. Nos larmes transportent nos déchéances, nous pleurons le merveilleux qui féconde et la misère qui nous écrase. Et nous érigeons une conversation anonyme et énigmatique avec nos fantômes inconsistants comme l’océan se laisse conter par toutes les voix, par tous les sons, par tous les rêves et tous les fantasmes.

Bubonique excroissance qui perle l’imaginaire, et où l’abcès ne se perce que sous l’aiguille terrible de l’amertume que fréquente souvent nos vies intérieures.

Vils et beaux à la fois, à l’attente du péril dans l’embuscade des mots, par le traitre dire de nos forêts où sont restées ligotées nos vaines secousses à défroquer nos abimes à la rapière de nos lâchetés, celles où nous tenions le premier rôle : nous-mêmes embarrassés de nous-mêmes en quête d’une raison de vivre qui supplante toutes les raisons, nous nous époumonons d’abstrait sans que le réel ne soit défait de ses prérogatives.

Le sursis de vivre, le délai cousu sur les lignes de nos paumes, se confronte avec nos racines pour dire à la vie de se succéder à elle-même. Nos yeux logent plus que nos démons, ils sont l’antre béant où se rejoignent nos morts, nos élans, nos troubles et nos pulsions. Te voir est me sentir exister.

Repousser à plus tard est une entorse qui fait boiter nos fatalités. Dans le sursis de toi, tu m’apprends à mesurer les ravages de mon ignorance. Encore le temps meurtri et déchu qui vient peser un peu plus sur l’état de fébrilité des consciences émotives. Encore une main tendue vers l’exception du bonheur. Encore à la lisière des sentences d’un sursis d’épreuves dans la face cachée des élans cruciaux qui sommeillent.

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Commentaires
C
Toujours, quand je viens me baigner le bout des yeux dans ce verbe en fusion, je reste muette devant la constante intensité de son déferlement.
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