→ 78 – Mon Amour
Mon Amour, nous ne savons dire que les mots enrochés à nos ciments. Volutes d’alphabet pigmenté des glaises primales, jusqu’aux sources de nos éthers que l’évanescence diffuse avant de disparaitre.
La notion d’amour, est-ce ce filet d’ondes qui me terrasse jusqu’au bâillement de tes lèvres ou bien n’est-ce que ce qui me conduit à toi sans que je puisse te prononcer ?
Mon Amour, je ne sais rien de ce qui me tient à être ainsi debout dans la précarité comme une langue de ouate fourrée à l’alliance de ton aimantation. Je ne sais rien, non, rien de rien, de cette fichue attirance qui me prive d’autonomie de geste et de parole. Je suis emporté, décortiqué vivant, dénoyauté, et peut-être même défiguré de la seule face que je voulais te montrer.
Mon Amour, tu es si fort et violent, que ton tourbillon m’enveloppe d’une peau de mer où les marais sont des tempêtes et je me noie de tes vagues comme un navire désarticulé. Il pleut en moi comme un torrent, et c’est trempé de toi que je m’égoutte dans la mémoire qui se construit.
Mon Amour, tu n’existes pas, je n’existe pas, nous sommes unis et réunis dans la ganse du nœud à revers qu’ensemble nous lions. Et c’est notre inexistence qui revêt l’apparence de notre absolu. Je te rêve autant que tu m’imagines et nos cœurs sont des projecteurs où s’embobinent les combinaisons mystérieuses qui font vivre notre toile. Derrière et devant, il n’y a rien, nous sommes dedans.