P74 - À l’amas du dire qui dure.
Pierre après pierre le mur s’est monté, pierre après pierre le mur s’est effondré
Muraille d’un seul tenant empalé dans le sol qui serre ses dents,
Mur accroché au vent qui bourrasque et tourbillonne,
La pierre aiguisée par l’eau qui sculpte et cisaille,
La pierre agglutinée de glaise rouge où chaque pierre est un trophée,
Une annale, un parchemin, une trace.
Pont de pierre aux angles saillants réunissant l’effort et l’urgence
Aux recours et aux appels : lamentations !
Pierre d’usure devenu couteau, pierre de roche marine
Jouant avec les algues, lichens d’armoiries humaines,
Fourmillant de vert et recouvrant le dur qui se cache.
Petit muret rempart des saisons, paravent de culture qui s’éboule,
Pierre où se séparent d’un coté la blancheur des laines
Qu’il faudra tisser et de l’autre l’horizon à la blancheur des nuages
Qu’il faudra souffler pour atteindre le bleu.
Le bleu de ta croûte, le bleu de tes mains
Qui sauvageonnes jouent à la campagne et plient le temps
Où s’époumonent les murs qui grossissent
Et qui s’effondrent de leurs béances à s’élever.
Tient, prends ma langue et fais-en un crochet !