I201 - Avec sans.
Il est des heures à différer, à reporter, à inscrire sur une note soigneusement rangée dans une poche. Un moment où l’ordinaire ne se cache pas et où il ne redoute pas de ne pas avoir la brillance que réclame la faïence des choses. En toute part d’amour, l’amplitude s’allonge pour offrir une issue à la fatalité. La poche sans être trouée dissout néanmoins les mots de tendre dépendance écrits à la hâte sur le bout de papier. Les regards se croisent et invisibles des attaches se posent. Elles tissent comme si de simples fils suffisaient à incarner la force d’attraction qui me lie à l’étreinte de toi. Non, il n’est pas l’heure que tu partes, reste encore un peu… Occupe mes yeux qui sans toi s’ouvrent vides. Ou bien je t’invente des rimmels que tu n’as pas, des grimaces que tu ne sais pas faire jusqu’à me convaincre que tu es celle-là. Cet homonyme duplicaté, cette sœur jumelle, ce clone imparfait et désuet que ma raison formalise pour habiller l’absence que l’inoccupé laisse froid et inanimé.
Et puis, non, décidemment, non, ton désert ne peut être mon désert, même s’il dissuade la mer d’y revenir s’installer. Il la porte en son ventre d’histoire et se souvient encore du bruit que faisaient tes vagues, de la douceur de tes ondulations et des fracas à tes heures de tempêtes. Il est inutile que tu me laisses tout cela, inutile que je cherche à le fabriquer des mes songes audacieux. Je n’ai pas besoin du désespoir pour me blottir à l’ombre de ton silence. Je sais déjà le goût qu’il a. Nos peaux sont une enfance de chair, nos démences ne nous isolent plus de cette épaisse énigme où dormaient nos fous rires de vie que l’enfance nous a conservé pour faire face à l’oubli. Personne d’autre ne pourrait venir occuper cette place que la promesse envahit comme l’eau d’un ruisseau après la pluie. Ta bouche m’a pénétré si profondément qu’aucune autre solitude ne pourra y pénétrer. Et si tu n’es pas formellement là présente tout à côté, je t’ai en moi si souterrainement que ton souffle accompagne chacune de mes respirations. Vois comme je sommeille de toi et combien je dors au creux inapparents de ton cœur qui ne sait sans doute pas combien je l’habite autant. L’imperceptible est notre frisson commun. Celui par lequel nous nous insufflons l’effleurement de nos épanchements au-delà de nos palpables brûlures.