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LA COLLINE AUX CIGALES
22 décembre 2008

I185 - Fantôme des mots.

christoph_gamper03

La tendance qu’a le noir à occulter tout ce qu’il recouvre laisse bien peu de chance à la luciole de parole d’éclairer la tranquille balade des mots.

Les mots se posent sur le silence, ailleurs le fond est trop bruyant pour leur offrir l’apaisement. Pour te deviner de ce que tu écris comme un jardinier qui plante et déracine tout à la fois, il me faut puiser à la pureté des ruisseaux où s’écoule le blanc des neiges fondues. Il faut aussi la patience qu’ont les fleurs avant de se traduire en fruit sous l’épaisseur jaune du soleil. Je te lis comme on découpe le temps de ses fausses éternités à nous convaincre que le moment est d’une rivière constante éperdue d’intensité jubilatoire. Tes mots sont en avance et je retarde toujours d’une bonne poignée de saisons à te lire dans la transversale de mes embruns où se sont calcinés mes souffles. Tes verbes sont souvent des précipitations et je roule avec eux comme l’on glisse dans l’herbe d’une pente en un champ de montagne. Je ne sais rien de comment tu écris. Je ne sens que ta respiration, je suis tes ondulations rythmées. Te lire c’est un peu devenir toi. Un peu t’occuper de mes propres circonvolutions à te pressentir de là où tu viens, de là où tu as trempé tes pensées. Il y a intimité à lire l’autre, à le faire sien, à l’habiter de nos meubles et de nos tapisseries. Toucher tes mots c’est un peu toucher ta peau et voir poindre tes étoiles dans mon ciel inoccupé à t’accueillir autrement qu’en t’offrant mes bras. Tes mots je les balade en moi comme des lumières. Je les traîne jusqu’à mon frémissement, je les occupe de mes frissons. Te lire m’offre cette délicieuse sensation de proximité alors que tu es absente de toute proximité. Je suis ainsi ton amant dans l’ombre sans que tu le saches et j’éprouve un certain plaisir à ce cache-cache. Une certaine pudeur malgré cet anonymat me retient à dire ceux dont je suis engorgé, ceux qui bousculent et perturbent jusqu’à mon quotidien. Je ne fais que te livrer un aveu en demie tinte. Mais sache le un peu tout de même, tu es mon livre préféré. Pour une fois le noir m’est complice et je m’y love sans détour.

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Commentaires
B
L’allégorie dépasse quelquefois le simple principe des connaissances et sur la toile au fond noir l’invisible des poudres des âmes n’en finit pas sa course folle. <br /> Une déclaration secrète, plongée dans la pudeur, avouée dans le cœur du mot qui se tait. <br /> « Le langage réalise, en brisant le silence, ce que le silence voulait et n'altérait pas. »<br /> « Il n'y a dans le visible que les ruines de l'esprit. » - Extrait de Le visible et l'invisible - Maurice MERLEAU-PONTY
S
C'est un texte magnifique...<br /> <br /> "tu es mon livre préféré." <br /> Je crois qu'il y a en ces quelques mots, la plus belle déclaration qui soit.
B
En cette journée qui se termine mieux qu’elle n’a commencé, ton estime me rassasie de tous les manques et de toutes les carences que mes pores ne savent plus compenser par la tiédeur du jour. J’en suis donc très touché et je t’en suis très reconnaissant. Ma sincérité ne saurait se dire autrement : Merci.<br /> Il y a dans le texte que tu m’offres et que je découvre une odeur, un humus libéré qui parfume mon imaginaire et qui entrechoque ma raison. Mais oui, mais c’est de bien sûr ! Cette unicité résorbée de l’âme et du corps qui déploie à gorges ouvertes le soleil de la vie débordée par la sensualité, qui s’éclate des contradictions pour offrir un mélange vivifiant, tonique aux cœurs et aux esprits dépourvus d’enthousiasme. L’idée de l’osmose y devient gargantuesque.<br /> Je vais m’empresser à découvrir ce personnage, Dominique Sampiero, dont le langage ressemble à celui d’un Charles Bukowski traduit en mélomane des sens, du sens profond de toute vie. <br /> La censure attendra, elle a tout le temps de se taire.<br /> Merci de cet échange flamboyant.
S
Enfin !!!<br /> Enfin un homme sur cette toile qui L'écrit noir...<br /> sur blanc, le fantôme des mots :)<br /> tu es une espèce rare B :)<br /> décidément, j'ai beaucoup d'estime pour toi...<br /> <br /> Tiens un passage,de " celui qui dit les mots avec la bouche " de Dominique Sampiero<br /> <br /> <br /> <br /> Quand j'entre dans une femme, pas toutes, seule­ment celles qui me donnent, aveugle, la sensation du toucher parfait, car la verge est un doigt qui glisse dans une bouche et devient langue, quand j'entre dans cette femme-là, les contours sur ma présence se déchaînent, ondulent avec la phrase que je ne connaî­trai jamais, la phrase des flux, des spasmes, d'être à la chair comme au premier jour, debout, ébloui d'avoir quitté la terre des griffes et des sabots, chutant dans le vertige d'un puits clair, sans fond, et je me débats à peine, je regarde par la lucarne de mon visage, tout en haut, la lumière, je me débats à peine et laisse fondre mon cadavre dans sa raideur de dernier souffle, car la mort sait durcir le corps pour toujours, éternité de l'os apprise avec les roches, les cavernes, les fossiles. <br /> Quand j'entre dans une femme, c'est une parole étrange, une poésie de tous les atomes, avec ses crissements de sable, de vague, de falaise et de désert, la langue contre mes dents explore le palais mou et tendre, enrobant, pour que le mot jaillisse de mes yeux, rayonne, m'ap­prenne que toucher la salive d'en bas, c'est encore être, mais plus loin, plus vaste, dans le lieu pur de mes cuisses. Ce qui m'enrobe à cet instant est comme un mot parfaitement dit, articulé avec toutes ses formes, ses forces, celles, visibles, de sa graphie, et celles plus secrètes, plus puissantes encore de son souffle, de son secret, de sa joie.<br /> Plus la femme est longue, douce et fine, ouverte à me laisser mûrir, plus la plainte est longue et m'em­porte doucement dans un phrasé d'eau vive, d'écume qui ne fond pas, de neige éternelle. Plus la femme s'ef­fraie, se recroqueville, plus je bégaie, balbutie, et la douleur viendra saigner à blanc.<br /> Celle qui dit oui ne prononce rien d'autre que sa chair, la mienne, et c'est le seul livre, inaccessible. <br /> <br /> Celle qui dit non, je ne lui en veux pas. J'emporte le manque comme une cicatrice, et je gratte à l'endroit où le sexe m'a laissé son néant.<br /> <br /> " Quand j'entre dans une femme, j'entre en moi, pour toujours, même si elle ne le permet pas, même si j'oublie, les forces de la présence sont mon premier enfant. La légèreté ensuite fait oeuvre de transparence. Je vois, à travers ma peau, le monde, les oiseaux, les rivières, à travers la sienne aussi. Écrire alors est la vraie vie, sans l'homme et la femme jadis séparés.<br /> Parfois, ma verge est le mot exact d'une seule fem­me. Quand cela est possible, parler retrouve la pureté du désir de parler, le premier élan. La pureté des corps avant la langue dans le rêve de la langue. Ni haut ni bas. Ni dehors ni dedans. Mon sexe dans la bouche, cousu de sèves, emportant de l'étreinte l'autre moitié de l'oeuf, je berce Ève qui dort dans le silence de mon ventre encore humide ".<br /> <br /> tu as le droit de censure ;))
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  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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