I132 -
La distance est posée sur des étagères et la main n’arrive pas à tirer le dernier livre. Trop loin, trop inabordable, c’est l’envie seulement qui regarde. Qu’importe, ce qui est inscrit reste gravé immortel et l’heure ne s’en démord pas. Il est d’ailleurs des distances d’à-propos comme des éloignements qui n’en sont pas. A des millénaires de tes lèvres, je sais encore leur goût.
Des bouts de cœur pliés dans nos poches trouées s’en sont allés. Dans l’aventure de toi, nos mondes se sont invités et nous nous sommes livrés comme deux épées hors de leur fourreau. Ta lame m’a rasé de prés et ma peau lisse t’a offert sa respiration. Ensemble, nous avons parcouru le silence de nos sous-bois et nos mousses vertes ont bu à nos ramiers l’élixir de nos bancales aspirations. Cet autre JE nous déconstruit autant qu’il nous habite. A tout donner, c’est l’épuisement des lits qui nous a soumis à la peau. On s’est pris trop de place et l’un de nous est tombé. Nos langues se sont émiettées dans le corps à corps de nos salives et nos ventres sont devenus nos cœurs gonflés par la valse de nos mers où se sont mélangés nos désirs d’appartenances. Nous avons été les adversaires de nos peurs durant l’étreinte. Et c’est la mémoire qui nous fait renaître de ces eaux délavées qui suintent aux bords de nos sourires à nous repenser. Ta bouche a dormi dans mon rêve et je t’ai avalé comme une onde à califourchon sur la lune. Les siècles nous ont rejoint dans nos escapades à retourner aux sources de nos attouchements. Tes mains sont encore sur les contours de nos ébauches. Ton souffle s’est traduit à mes soupirs. Nos paupières fermées gardent l’empreinte de nos songes grandis à regarder l’autre au fond de sa caverne. Nos souterrains labyrinthiques ont perdus le chemin, seul reste le parfum d’une image à ton sourire sur lequel j’ai déposé une gerbe de fleurs.