Une vessie de feu se vide sur l’eau.
C’est une cuvée de mousse et de roc. La terre, cette Colombine bleue aux multiples visages, tu l’as quittée sans attendre. Le jour est un matin où la joie est seule. Tes baisers sont pointus lorsqu’ils résonnent dans la flaque de mon cœur.
Tu es partie pour ne plus ressentir. Du moins, pour ne plus percevoir comme lorsqu’on est vivant. Et le mot juste demeure sous la motte d’anciens labours. La parole décortique l’espérance, imite la matière solide et nous promène au cœur de l'inconscient, ce taraudeur aux multiples visages.
Pari de l’ombre et de la lumière, ta poussière de peinture est dans l’achèvement des trajets liquides. Toutes les faiblesses du jour emportées par le noir se déposent sur des lèvres fermées. Je ne sais plus combien coûtent toutes ces petites joies quotidiennes où ma langue touche à ta parole.
Ma voix est greffée à ta salive et l’écriture dégorge des sources intérieures. Tu es l’attente repliée au fond de mon armoire à soliloques, la boite de gel où s’enclume le givre. Une fine membrane nous sépare, aussi fine qu’une rétine d’ombre. Une crépine irréductible. Je te trouve encore dans chacune de mes larmes. Tu es le sel qui s’accroche sur ma peau. La trace blanche qui sèche sous mes yeux.
Et puis, il y a tous ces lits défaits où mes rêves connaissent de mauvais sommeils. De grandes nuits blanches que tu occupes comme une sentinelle vivante et intouchable. De ma chambre, je guette l’automne qui emporte les feuilles mortes. Je surveille les barques dissidentes où rament des mouettes à la recherche du cœur cannibale et de cette lame à vif qui perce les couchants. Tu es cette eau de pluie si fine qu’elle ne mouille pas. Tu es cette mer si lointaine qu’aucune vague n’arrive plus sur ma plage.
Comme si le silence du cagnard accompagnait les ombres restées à l’abandon. Comme si notre rire s’épuisait dans un désert brûlant de mille degrés. C’est une forte chaleur concourant à l’agonie du sentiment qui nous liait cœur et âme. Nous dépérissons comme des morceaux de soleils tombés dans l’étang rompu aux assauts de la Malaîgue*. Nous séchons comme un ciel bleu devenu blanc. Une vessie de feu se vide sur l’eau. Nos regards se déconstruisent lorsqu’ils se heurtent à la réalité. Mon rêve devient une inflammation de la matière. *Dans les eaux du bassin de Thau une malaïgue est une crise anoxique liée à l'eutrophisation résultant de conditions météorologiques et environnementales particulières.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©