Ton absence est un refuge.
La paix que j’endure au fond de mon être est dérisoire les soirs de pleine lune, elle est extravagante les jours d’inondation. Ma récolte est une vrille enfoncée dans la terre, mon panier est une couche où pourrissent les fruits mûrs. Mes concerts, je les emporte comme une crème apaisante sur les tonneaux de mes ivresses. Je n’ai plus la soif des terres arides. Je cède à l’amour parce qu’il ne transige pas avec le langage. C’est le seul à jouer des instruments où le vent s’engouffre. Je suis candide comme la rosée qui n’a pas connu l’évaporation. Je marche sur la lune, la tête envolée sur des partitions défiant les notes que les hommes fredonnent. Je suis blotti dans le murmure des corps qui s’étreignent sans restriction.
Je n’ai pas de lit où poser mes rêves, je suis un exilé des pensées tièdes. Mon ordonnance ne peut s’écrire avec des mots.
Ton absence est un refuge. Elle absorbe mon sang comme un vampire. Sous ma peau, je sens vibrer un flot de papillons multicolores et la cigale ragaillardie chante les couleurs manquantes.
L’intimité est comme une sirène planquée dans nos veines. Chaque miroir est un tombeau pour la fertilité que l’on pose derrière soi. La mémoire est l’expression de ton absence dans une autre langue. C’est la musique d’un glaive dans un autre fourreau. C’est une fièvre longtemps conservée dans son état brut, dans son gémissement minéral. La terre tourne dans un autre sens. Le cri matinal connaît le virage à cent quatre-vingt degrés. L’aube déjante.
- Bruno Odile -Tous droits réservés ©