La beauté redoute la clarté du jour.
Un souvenir se réveille, identique aux courses d’un cœur fatigué qui rame jusqu’à la côte. Une évocation virtuelle tramée de ta silhouette. Est-ce seulement un souvenir ou bien est-ce cette loque bavarde qui fouille les mémoires pour dénoncer la constance des rêves ? Je pourrais croire à des aveux jamais entendus, à des désespoirs jamais taris. L’amour détermine les liens qui se font et qui se défont, aussi sûrement que l’empreinte de nos vérités d’existence. Je ne crois pas qu’il faille souhaiter être deux ou plus nombreux à occuper le vide ressenti sous la chair. Etre seul est un fait irréversible. Je crois davantage à l’accompagnement des êtres à l’intérieur de nos solitudes. L’escorte nous est envisageable, souhaitable, indispensable.
Je connais cette voix qui me parle sans cesse des jours bleus enfoncés dans tes sourires. Je reconnais ces lianes tressées qui jouent de la musique en prétendant être des cordes de guitare. C’est la lueur qui danse dans le noir, tsigane parmi les tsiganes, c’est le rythme qui bat la chamade autour du feu éclairant à chaudes bouffées de lumière les visages perdus. Un souvenir s’éveille. Un rêve s’en va. Des échos se croisent. Tu es là, les mains tombantes comme la nuit qui surgit. Tu es là, rayonnante comme une étincelle qui joue dans le noir. Ta voix est sur mes lèvres. Tu chavires dans l’ombre qui accompagne les pensées dévêtues, et tu tires ta révérence comme le font les fées un soir de grandes beuveries. Saoul et berné par l’ivresse des beautés du monde, je m’assoupis au cœur des souffles qui murmurent ta présence. J’habite le souvenir comme une étoile filante. Je suis devenu le pouls des heures où se transperce la matière. Je suis l’oiseau sur le perchoir, l’olive qui s’est détachée de l’arbre, je suis l’eau et l’air qui te recueillent.
Des remontées de mémoire viennent ici piller l’instant. Elles s’emparent de nos entrailles et se hissent dans les filets des jours heureux qu’elles ramènent à la surface comme ces gouttes d’eau salée sur le bord de nos yeux.
Le sommeil est une archive du temps qui a connu l’ascétisme frugal des heures de jeûne. Je dors dans le pli fermé de l’accordéon où quelques notes se sont assoupies. Je rêve les yeux ouverts lorsqu’une gaze blanche recouvre tout l’amour qui s’égare. Le bonheur se perd dans le soupir des lassitudes. La beauté redoute la clarté du jour. Sa splendeur lumineuse est une ébauche dans la profondeur soupirante. L’esquisse doit être cueillie comme un pétale de rose que l’on porte aux narines pour en inspirer le parfum aphrodisiaque.