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LA COLLINE AUX CIGALES
6 décembre 2012

Nous devons laver nos cœurs tourmentés.

60472

Nous ne redoutons plus ni la nuit où s’élance l’échelle fatale des jours solitaires, ni les roulements de tambours augurant le deuil acariâtre des pantins que nous occupions jusqu’à lors. Nous ne trébuchons plus sur l'écart qui nous sépare du vide. Nous lui avons ôté la tristesse et la détresse pour n’en conserver qu’un murmure aride collé sur le ventre de nos âmes. Après le divorce de nos vies, les ombres valses sur les fiançailles de nos émotions. Nous sommes muets, mais rien ne bâillonne plus la défaite des corps. Nos chairs se sont immolées dans le sang de nos troubles. L’ambiguïté s’étale comme un arbre tronçonné au milieu de notre forêt. Il reste dans la paume de nos mains l’entaille séchée de la lueur où chaque monde s’éveille. Le blanc désencombré se murmure à l’oreille du jour qui vient. Nous fêterons bientôt le jubilé de nos failles recomposées.

Et puis continuer. Parce qu’il le faut. Parce que je dois m’humecter de l’eau et du sommeil qui soupirent ici. Je détricote l’impatience de te revoir. Je chaparde ta silhouette aux moulins des ombres. Dans un maillage de sueur et de tendresse, mon cœur est une coquille de cristal qu’il me faut démailler pour ne pas mourir d’un éclat. La terre et le vent pour moitié dans l’épaisseur. Je reviens de la colline où nous avons couru sous l’orage. De l’eau sur la langue, le Mistral sur mes épaules. Je suis inclus au paysage. La durée ressemble à tes lèvres. Je marche pieds nus. Sur la terre compacte où je continue le pas, l’ombre est plus courte. Et je m’enlise dans la froideur de ton absence. 

C’est pourtant ici dans cette heure ulcérée et blessée qu’il me faut improviser la marche. C’est dans ce lieu de dénuement et de pauvreté extrême, dans cette lacune, là, au point de prostration et de rupture que nos mots lâchent leurs fureurs déficitaires et leurs raretés. Mais, notre route n’est pas rompue. Sous la console du tonnerre, notre harpe fredonne la porcelaine limpide qui retenait l’étendue laissée à la jachère. Nus comme un mur de pierre, nous faisons face aux parfums de thym battus par la lumière.

Nos dernières paroles s’abandonneront à cette marche sur la jetée et nous pulvériserons à l’infini toutes nos voix branlantes comme de grosses poutres que l’on essaie de déroquer.

Je me souviens : ton visage dans les branchages souriait et jouait avec les tressaillements de l’air. Tes yeux roulaient de feuille en feuille. Tes chants rabotaient ceux du soleil. L'herbier où fleurissaient nos âmes était ce sac éventré d’où sortait de la lumière. Nos vies ne pesaient pas plus qu’un vol de grives en exode pour des pays chauds.

Il faut nous délester de toutes ces épreuves meurtrières restées phagocytées à l’intérieur de nos êtres. Nous devons laver nos cœurs tourmentés. Nous devons décrasser la suée de nos bouches transpirantes. Le feu reçu aux sommets du sol. Les buées quasi atrophiées où se dessinent des chemins restés des anamnèses, des raccourcis obsolètes, des musiques sans notes.   

Ici, mieux vaut croire que penser. Nous devons sauvegarder l’émerveillement malgré les chutes du monde que nous avions fait nôtre. Nous devons préserver de la mort l’enclave de nos âmes. Il nous faut lire sous nos paupières les terres craquelées par la sécheresse et la douleur.

 

 

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