L’émotion est droite comme un piquet.
Ma vie de buvard ne consent qu’à elle-même. Dans ses étoffes anciennes, sous la fronce des ans, ruminent encore des êtres disparus, des souvenirs capricieux, des choses vibrantes, des choses désabusées. Résurgences d’affables refrains comme des photos démantibulées que l’on feuillette à grande vitesse pour les faire bouger. Pour les réanimer. Pour leur offrir un semblant de vie. Photos attisées devant la flamme inépuisable des toquades d’émotions.
Dans les yeux du soleil, le froid glacial des calanques de givre. C’est seulement autour de la lumière que le visible s’illumine. Tu es toujours là, inséparable de ce tapage qui coule en moi, incontournable à ma respiration du monde. Tu t’es engloutie en mon royaume et je suis devenu l’enregistreur, le répétiteur, l’image renvoyée et retournée de mon propre embarras, de mon laissé pour compte. Tous mes souffles s’inondent. Dans l’ensevelissement de mes océans, le heurt des tempêtes sans bruit résonne comme la cinquième de Beethoven et monhabitacle pantelle. Lecorps s’enduit de ces ondes incontrôlables qui m’assiègent : contrit de toi, je me laboure l’esprit et ma peau distendue n’est plus qu’un tapis de feuilles craquantes.
Il me faut parcourir l’inconcevable. Aller à la rencontre de ta surbrillance. Te digérer comme un fruit sec au goût dulcifié. Ne plus être avec toi, mais de toi en moi, comme dans une housse de mousse verte au pied d’un arbre. Puis, malgré l’insatiable complaisance du rêve, maintenir l’osmose à bout de bras, la porter comme un chapeau de fumée. L’amour ne peut-être le reflet d’un rêve convoité par l’espérance. Il vit violemment et frénétiquement. Et, je n’ai d’autres choix que de m’épanouir comme une fleur à deux pistils, à deux membranes, à deux tiges. Je suis trop seul dans l’attente des marées hautes de l’imprévu.