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LA COLLINE AUX CIGALES
20 décembre 2011

Il y a nous et le rêve.

imagesCAKGP717Je crois qu’il est vain de prétendre échapper à l’anéantissement du vécu partagé. C’est une toile collée à l’intérieur de nos peaux. C’est une maladie étrange, une espérance de l’absolu où rompt la matière pour se fédérer à la poésie vivante au fond de nous. Je ne peux donc ni te tourner la tête, ni t’accoutrer des habits que je t’avais choisis. Tu sais, je te regarde par le hublot de bois de nos cachettes d’enfant et je ne vois plus que des nuages au-dessus des pierres et des herbes couchées sur les bords de ruisseaux où nos pieds s’incrustaient. Mes yeux raclent des empreintes invisibles. Et, tu nages dans l’aube que j’invente. Tout en haut du ciel je suis le croissant de lune à côté de ton étoile.  

Tu t’inscris en moi comme une racine longue et profonde, pointue à fendre les chairs. Dans le consentement de la sève, ta nuit rêve à ma nuit. Circonvolutions fines qui tracent des traits sur l’épaisseur de l’air. Des volutes charpies dégringolent de nos têtes comme les pièces d’un puzzle à reconstituer. A genou dans l’impuissance de notre cœur à cœur, nos yeux dans nos mains et nos mains sur la fine couche de nos respirations, nous nous aimons comme une mer s’étreint de son sel pas encore cristallisé. L’élan est tendre et invisible. Artisans de nous-mêmes, nous déchiffrons les bosses et les courbes de nos sculptures à la force de nos poignées et de nos muscles communs. Nous retentissons comme un bombardement intensif au cœur des plaines humaines, aux cœurs des peines amoureuses.

Nos yeux se frôlent comme deux berges où naissent les tempêtes d’éclairs. Sous nos chairs indisciplinées s’éteignent les alternatives qui n’ont pas d’emprise. Lentement les rebonds d’amour catapultent nos sommeils de plume et nos cœurs hébergent nos attirances comme un nid d’oiseau où la vie à naître s’écaille.

L’abandon se cambre de lui-même. Il nous offre sa face tactile et nous sommes rongés d’une corrida de gestes immobiles. Tout ce qui rompt avec la possession et le sentiment d’appartenance nous dépite. C’est la grande cascade de la mort qui ne se voit pas. L’engagement se débride et nous sommes contraints de nous en retourner seul tout au fond de notre âme. L’estocade trempe sa lame dans la nuit de l’encrier. Et t’écrire devient un râle, un entre-deux dans le creux de la fracture que je remplis de mots. Car, il faut remplir, il faut garnir le trou, bourrer le vide. Et puis bander l’ombre que les yeux ne voient plus. Faire de la nuit un immense tombeau et de la vie une fenêtre ouverte sur la promesse.

Nous partons prendre le plaisir au lieu même où il est né. Nous brandissons nos flammes inassouvies comme des étendards, des bannières où le « au secours » est écrit de notre sang. La joie chaotique ruisselle de ses sursauts, libre de ses errances, en quête du langage du rire, du langage universel des langues et des musiques intro linguales. L’accès au silence surgit sous la langue et déploie nos eaux de roche comme un torrent de montagne à la fonte des neiges. Nous sommes la transition et l’éveil du monde. Nous sommes dans le devenir de l’ébullition qui fricote avec nos palabres anciennes, avec nos inconnus tramages de l’histoire du monde. Nous nous charpentons de nos poursuites à nous chercher, à nous déceler, à nous étourdir des précipitations qui accélèrent les cœurs. Nos cadences ont quitté le soufre de nos volcans et nos braises deviennent de lentes sensations chaudes qui boivent à nos dilatements. Nous enflons dans l’immobilité du recueillement. Le mouvement agite nos fonds gazeux. La mer se réveille doucement et nos chairs rament dans la chair comme des chaloupent recouvertes par la brume. Nous retournons à l’obscurité et à la lumière dissoute avant de rebondir dans l’écho qui s’arrache de la poudre de l’air. Tu es la membrane duveteuse où s’habille l’ovation du jour qui vient. Je le sens. Je te sens.

Tu es cette miette de lumière qui illumine l’absence première et qui me fait redouter l’abandon sous toutes ses formes. Une douceur merveilleuse remonte de tes yeux clos et je comprends mon impuissance à franchir la distance qui nous sépare. Je m’y résous malgré moi en te supposant proche. Je construis pour toi un espace où le rêve s’accomplit de tes fragments. Dispersé en fragiles morceaux de cristal, je me décortique à l’écorce de tes mots et mes épluchures se tamisent à ta mer dans le délié des vagues qui t’emportent.

Enfin, ton image sort des ténèbres. Et ton visage plane au-dessus du ruisseau qui parcourt l’encre de mes écritures. Des rafales de mots peignent les grappes de tendresse qui viennent s’essorer sur la page blanche.

J’ai vu des océans se remplir de moelles, j’ai vu ta mort embellir l’existence et des tirades d’amour se bâtir sur l’épreuve des jours.

Et pourtant… là où nous avons été, l’heure est dite.

Certes, il y a nous et ce que nous désirons. Certes, il y a nous et le rêve que nous confions à nos raisons désordonnées. Mais, il y a aussi le réel incrémenté au volume du rêve. Le quotidien et ses bulles de savon. Il y a aussi toute cette foison d’actes inaboutis que nous voudrions corriger. Bref, il y a l’écho qui nous rappelle le lit brûlant de nos fantômes. Toute notre fortune est un caveau à vin pour nos prochaines ivresses. Là-bas, la couture des ombres se coud à nos langues. Nous brodons des sons aux vertiges et nos silences sont des lieux où nos cœurs se posent dans la poitrine de l’autre.

Le bruit de la résurrection souhaitée frôle l’imaginaire. Tu m’occupes comme une fontaine perdue dans la garrigue. Tu es une trouée au cœur du néant inculte à tous frémissements. Des sensations trempent dans la neige et des flocons froissent les mandibules de notre silence.

L’amour est-il cette différence dans laquelle nous nous confondons ? Si tel est le cas, se confondre est-ce abolir sa propre perception au profit d’une communauté sensuelle ?

Un bruit d’eau lointain retentit dans l’auge de mon corps. Sans doute de la glace qui fond dans la cave de l’éternité. Un écoulement inévitable transpire dans les ravins de l’absence.

L’obscurité n’a pas d’os et pourtant elle se démembre en moignons éclatés comme le tronc d’un vieil olivier se fend à la rigueur d’un froid glacial. Regarde-moi, regarde-toi, le jour est en train de revenir et tout persiste néanmoins à vouloir finir.

 

 

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