Plus loin que le reflet.
La lumière pousse devant nous, reflétant l’incandescence des rêves communs. Je veux désormais habiter un endroit chaud et sans mémoire, un océan où la vague prometteuse se dissout dans l’écume flottante. Mettre un terme aux rêves revient à mettre le feu au fœtus qui habite notre chair. L’heure immobile couvre le silence. Le crématoire sommeille dans l’instant suivant. Tout a bougé, malgré tout. Et sur le cadran monotone, la cendre raide paralyse la petite aiguille. Bloquée entre le pouce du nourrisson et la fleur que butine le soleil, nous sommes assis plein ciel.
Nous nous relevons aux lendemains grimés d’espoirs auxquels nous ne croyons plus. Nous faisons semblant. Nous faisons ce que nous avons aimé par le passé. Mais, le passé dépassé nous rattrape et nos visages portent l’empreinte du feu qui nous a ratissé. Nous pardonnons à l’horizon qui recouvre la lumière. Nos fantômes pourchassent l’ère blanche où nous avions déposé le temps comme un rocher indomptable. Sous la pierre et dans l’ombre rumine toujours la chevauchée qui soulève la poussière. L’heure au galop s’étouffe dans nos grottes. Demain, tu verras, nous aurons dix mille siècles au bout de nos voix. Nos gencives sont des marteaux. Chaque miette d’amour retourne à son grumeau premier. Nous traversons doucement vers l’autre rive. L’eau qui nous porte n’a pas de reflet. Nos caillots sont des plumes.
Le manque creuse des trous que le rêve bassine. Le lien cherche la communion. Quel que soit le paysage dévasté, ton image remplit le filigrane. Toile de fond sans regard propre. Vaste silhouette assoiffée de couleurs vives dans l’arrière-plan. Des copeaux d’air boivent à ce souffle qui nous porte. Nous sommes portés. Nous sommes plus légers que la brise. Nous avons l’œil du cyclone à l’intérieur de nos ventres. Nos peaux tètent à la fêlure. Nos caresses biberonnent au vent la goutte qui nous remplit.
Epsilon, la matière s’amenuise de l’air qui s’enfuit. Tes lèvres sont devenues l’assise de l’orage qui lave le tarmac. Nous avons goudronné la piste de nos envols. Nous sommes devenus le lien indéfectible des ressources vivantes. Des fragments pleuvent de la première aube que nous avons foulée.
Nous nous chiffonnons au silence qui nous traduit.