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LA COLLINE AUX CIGALES
17 septembre 2011

Résidence incertaine.

Un temps de retard s’ajuste. Je te l'ai dit une dernière fois à ton chevet de mourante : « je t’aime ». Robin_Wright_nueDepuis, ma vie est dans l’attente déposée sur l’auréole de la tienne. Ta présence se réverbère dans le retrait où je me trouve. De l’eau se délivre de la glace. La montagne laisse échapper de son volume le jargon du feu qui gronde dans ses entrailles. Dans la verticale du jour apparaît la silhouette retaillée, réitérée, sur le souffle de l’air qui la confond à l’aurore.  

Voici nos peurs enfouies qui séquestrent les écorchures. Nos craintes du désir sculptent la défaillance comme une argile sans intonation. Pourtant elles les contiennent toutes.

Mais, le mot ne vient qu’après la douleur.

Ici, je trouve la peau de tes paroles que je bois comme une toile où se serait entreposés le brouillard, la musique de tes rêves, la mélodie raturée d’une partition prisonnière dont la clef n’ouvre pas toutes les portes. Ecoute, regarde, sens, je ne t’accoste plus, je me perfore de ta sonore ressemblance. Je ne t’invente plus, je boue dans la marmite des prosodies qui m’affectent de tes accents. Je ne t’aborde plus, tu coules à mes rives comme un tronc d’arbre que le courant emporte.

Le mot ne vient qu’après la blessure.

Une larme de ta voix résonne comme des cris d’enfants sur une plage d’été, et c’est l’espoir fécond qui provoque la métamorphose des rimes du vent. Mais ta parole reste inachevée au bout d’elle-même. Tu es là, assise sur les genoux de mon harmattan. Et, le mot tel un habit d’étincelles se reprise des fils du ciel pour traduire le mouvement d’oscillations du tournesol lorsqu’il suit le soleil.

Parce que le mot ne vient qu’après le silence et la dissolution.

 

Dans un coin de nuit, l’absence de bruit s’émeut. La pause, plus qu’une virgule, est un tournant. Le socle de l’air s’enterre, puis s’espace.

Nous marchons dans nos mains ouvertes. Nos poitrines palpitantes sont des enfants qui courent sous le tonnerre. Nous nous éclaboussons de nos attentes communes. Tous les mots écrits sur le buvard de ton cœur se sont absorbés à la peine. Le buvard lui-même s’est dissout. Seul l’inaudible du mot est resté derrière dans sa cachette. Mais, il nous rattrape, il nous atteint et nous recouvre. Nous l’avions conservé à nos fenêtres ouvertes où les nuages étaient des volets.

Un temps de retard s’ajuste. Nos mains restent liées où elles ne se sont pas posées. Nos paroles exilées regagnent une attache. Le tarissement est un prétexte. Ce qui est compact se desserre. La vie qui court sous mes paupières prend les devants. Je ne sais soutenir le soleil de ma seule voix. Ce qui est défait repose sur la table. L’étendue porte ton regard. J’avance debout dans la tourbe des heures sans sommeil.  

J’aurais voulu m’abriter du songe. J’aurais aimé te soutenir dans cette motte de terre où tu t’es évanouie. Je voudrais te dire tout l’abandon reclus sous le manteau de ma tendresse. Mais, rien n’est domestiqué dans la croisade des coeurs. Regarde ces nuées de phrases empalées aux pointes des angoisses qui se dégagent. Les mots restés en otage encombrent nos gorges et nous voilà ballonnant comme des tam-tams lugubres, sifflant comme un vent froid sur les cimes de notre désappointement.

 

Au saut de l’interprétation, j’ai entaillé la patience pour voir ce qu’elle transportait d’incertitudes et de regrets. Les paroles qui dorment sur l’épiderme de nos mots d’amour ne sont jamais véritablement assoupies. Il y a comme un tréfilage à l’extrémité de l’horizon. Nous sommes pris de court. Le temps se déficelle. Nous restons espacés.  

Nous refuserons encore longtemps les reflets du miroir qui nous assignent à une image figée, à l’apparence miellée et sidérée de mille chants brûlants. Nos rides n’ont rien appris, et nos âmes conservent l’idée d’un rire transcendant. 

L’écriture est peut-être aussi un cinquième membre, un sixième sens. Elle navigue ici entre rêve et réalité, entre mirage et foudre. Mais l’absence peut-elle être apprivoisée par cet abécédaire de sagesse et de résignation ?

 

Tu sais, je ne suis qu’une farine décoiffée, un amas d’expressions dissipées, une conjoncture inapprivoisée de ses relents fétides. Ce qui brûle dans les mots, c’est leur exposition au désespoir. Ma mémoire n’est qu’un ramassis de débris éparpillés que je ne saurais recoller. Il faut vivre, dit-on, de l’acceptation de notre bonté à oublier par delà nous-mêmes. Mais le monde est si cru et si violent, si encombré de ses mélasses d’égoïsmes déterminés, qu’il est terriblement difficile de lâcher prise aux exigences de nos insuffisances.

Je ne saurais fragmenter davantage le souffle de ton absence. Mon histoire et mon vécu réfléchissent les taches cachées derrière le soleil. Le jour ponctuel assure que rien n’est épars. Tout le ciel et la terre se sont regroupés sur le papier. La feuille s’éclate et se brise. C’est le support qui se découvre, éclairant le mot qui s’achève. Je suis dans la phrase conjuguée. La puissance figurative s’estompe. La conjugaison au futur lamine ma langue. Nous sommes rapportés. La parole peint ce qui lui fait défaut. Dans les lanternes de mon regard, l’échec se dissipe.

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