On marche dans le vide.
Il incombe à demain de refaire aujourd’hui. Chaque jour la vieille panasse usée est vidée et nettoyée.
Chaque lendemain se coud, se reprise et se déchire de l’instant présent. L’encre est assoiffée. L’air trouve le souffle nécessaire. Il faut se relever. Comme toujours. Parce qu’après être tombé au fond de la nuit, la figure du jour vient ranger les ombres et réaligner les heures fraîches. Cette fraîcheur plate, sans contour ; cette fraîcheur qui vient à pied comme un manant, comme un roturier en quête d’un repas. La terre avide d’eau. Et, la pluie qui ne vient pas. Un oisillon dans son nid attend le retour de sa mère.
Et puis, l’ombre charnière de la lumière. On marche d’un bon pas, franc et tonique. Jamais du même. La mort est un fin pas un moyen. Et cependant, l’immobile caresse du rêve. La transposition. Ton visage s’évanouit entre mes mains. Les doigts ne retiennent rien. Ton sourire s’envole. Tous mes moyens sont muets. La transparence se durcie. Je vole à mon tour. Les ailes coincées dans ma mâchoire. Le ventre bombé comme une bétonnière.
Je le sais bien, il ne suffira pas d’ouvrir les bras. Il faudra rapiécer la mémoire, la faire belle, brillante, lui donner l’apparence des livres qui racontent de jolies histoires. Des contes de fée, des arbres remplis de fruits, de l’eau plate comme un miroir.
Je poursuis le long mur sans ouverture. Parce qu’après être tombée au fond de la nuit, la levée du jour grimace comme un singe à qui l’on donne des cacahuètes. Mon esprit est comme le vent, il se décolore. La mémoire déteint partiellement. Mon cœur éclate comme une olive broyée par la pierre du moulin.
Au loin, à l’horizon, un long fil orangé courbe là où l’immensité se filtre. Je n’y suis plus.