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LA COLLINE AUX CIGALES
3 août 2011

Le grondement rauque.

imagesCAS09ON8Nos fragilités à l’épreuve obligent à la dispersion, obligent à la rédemption. Mais, tu n’es plus là et persister à t’en vouloir serait anti-vie. Alors nous deuillons dans tes couloirs, et tes vastes coursives fraîches offrent à nos cœurs des sentiers d’approches commémoratives où nous déposons collectivement nos silences affligés comme des tranchées de terre laissées à l’abandon espérant quelque peu la réparation où se comble le trépas. Le recouvrement.

 

Titubants de nos êtres, chancelants de nos émotions intactes, nous arrivons à peine à discerner la bouillie de notre ébranlement primordial. De cette secousse, nous coulons comme une sève d’érable agglutinée sur une écorce rêche et inhospitalière, et nous demeurons offerts à toutes les mains qui voudront bien nous moissonner. Et si, aimer, c’était accepter de ne plus s’appartenir. Si, aimer, c’était l’effort irréductible. La jubilation de l’air que nous respirons. La joie silencieuse cachée dans nos mains, cachée dans nos poitrines où tournoie l’existence ? Je crois mon amour comme une barricade participant à la révolution de ce que je suis. Toutes mes révoltes sont remplies du sang qui court après le jour, refusant la nuit où se dissimule le rouge. 

 

Dedans comme dehors, tout est rouge comme des crécelles de feu autour de la forge.

 

Les heures écoulées deviennent comme les maillons de la mémoire agrandis par le bruit des secousses qui font rage. Les jours éventés, la sueur d’amour qui s’évapore, rien de ce qui peut être revécu ne suffit à dissocier le désastre des heures de tendresse assassinées au manque qui survit à la raison. Le temps comme un hamac décousu ne sait plus bercer aucun sommeil durable.  

 

Et puis, en finir par aimer sa propre désespérance…

Curieusement, tôt ce matin, sans trop de lumière, j’habite d’autres lieux, sorti de moi, sur un terrain vague sorti du temps. Tu es encore là, toujours proche, lointaine, dans le rictus et les reflets d’une nuit brassée à te composer comme l’on fait des gammes répétitives afin d’en mémoriser l’écriture. Le désir est toujours là, lui aussi, vierge de toute prononciation, nu d’une peau sans garniture. Narcisse est venu nous rejoindre, il grime tes formes et ton parfum pour te laisser paraître dans l’évanescence où il me plait de t’imaginer. Je te vois : douce et généreuse, dans l’arrogance des ombres où se cache jusqu’à ton visage, tu viens délivrer le rictus des mots et des prononciations aphones.                                         

 

Ce matin, dans la légèreté d’un fil expirant de lumière, ton être confirme le mien. Le soleil poursuit sa route et le jour s’ôte doucement de sa mandille sombre. L’enfant blessé se lève. Ses larmes se perdent dans la rumeur des foules et de leurs ribambelles de scènes délétères. Dans le troupeau, l’équarrisseur, le découpeur de langues mortes et déchues.

Le jour se lave de ses bourres. Je vois jaillir sous l’écorce de ton prénom de nombreuses pousses toutes vertes. Un arbre de vie se relève. Droit et fier comme un prince de sucre déposé sur un gâteau. Par quel miracle l’heure bât au rythme lent de l’immobile bondissant ? Quel sursaut à venir ?

 

Sous mes paupières s’est replié l’artifice de tes formes et ton visage se calque sur le mien. Tes mains jouent avec les miennes. Nous sommes superposés l’un sur l’autre. Tu me manques et je t’agrandis des fantasmes posés en arpège sur le ciel, je t’accentue et t’exagère des membres perdus qui me porteraient si j’étais un géant posé sur la rosée des bâillements de l’aube. Je voudrais revenir à moi, reprendre acte de mes gestes et de mes soupirs, mais tu t’es blottie si profondément que rien ne te déloge. Je ne peux me débarrasser de mon désir de toi. Tu m’assignes à résidence ; dans la cour ensoleillée de l’oiseau captif. Dans le noir de tes yeux mon avenir s’en va. Je m’y précipite sans pouvoir me détacher.

 

Je me perds en toi comme tu t’effaces en moi pour ne devenir qu’une transparence inoculée à l’air que je respire. Et, à bien y réfléchir, je crois que s’absoudre de l’autre donne une dimension d’abandon total où s’expatrie la réalité dans des placards fermés à double tour. Dans le mur de pierre qui nous sépare une serrure est restée ouverte. J’entends claironner la lumière par sa fente. Le facteur trouvera ce chemin, j’en suis sûr. J’ai mis mon courrier sous sa casquette. Toute ma solitude dans la farce des mots.

 

Comment pourrions-nous n’exister que par l’autre ? Dans quel théâtre de feu pourrions-nous incarner les ombres et la lumière dans la même gangue ?

 

Allusions, illusions, sornettes ? Non. Ce n’est pas vraiment toi qui loges en moi avec autant d’obstination, mais le plaisir imaginaire, la volonté chimérique de conserver inaltéré le souvenir que nous portions ensemble. Et le mirage est puissant. Il ouvre, ici à nouveau, une brèche de chair vive et d’obscurité. Le réel nous resserre à son emprise, nous réduit à sa nécessité. Je te vois et je te sens. Toutefois il n’y a personne. De grosses miettes d’amour s’ébouent aux gorges lointaines et s’égouttent comme des bulles de savon qui claquent dans l’air avant de disparaître. L’appel traîne sa faim sur le palier de nos voix et de nos âmes convertis en des ondes fébriles. La famine se gorge d’eau et d’air. Mon ventre se transforme : un île entourée de déserts. Un songe en convoque un autre, et la mer s’écrase sur des plages vierges.   

 

Lorsque nous sommes excessivement opprimés par la brisure sentimentale, quel moyen nous reste-t-il pour y échapper et pour retrouver la sérénité de soi ? Peut-être faut-il abréger ta respiration dans la mienne. Peut-être, faut-il atteindre le paroxysme du désir pour accéder à son dépassement ? Le présent résiste tellement mieux au futur qu’au passé. Plus que de supporter l’absence, je préfère la porter. La charrier comme une aubaine et lui conférer un chemin possible vers la libération. Parce que vivre offre le délestage, le désengorgement. On ne s’échappe pas du tragique des faits, on ne fait que retourner à soi inlassablement comme l’eau retourne de la mer aux neiges des montagnes gonflant le ciel de nuages blancs enchevêtrés les uns aux autres. Dans un manège enchanté, un carrousel où c’est le mouvement qui est effort et souffrance. Sans doute, nous faut-il accepter la douleur que l’on ne sait éviter ?

 

Le bonheur est un compromis, une entente cordiale, une acceptation conciliée. Vivre de l’amour, c’est mourir niais. Niais et bête de toute la beauté du monde, de sa merveilleuse et fascinante démonstration à nous rendre dépendant de nous-mêmes et des autres. De nous-mêmes et du sentiment par lequel on s’approprie les êtres aimés.

Ce n'est rien l’absence (trois fois rien), sinon un sablier qui se déverse et se dissout au fleuve que l’on borde dans sa dérobade magistrale.

Nous forons la mort dans sa carapace gisante et dans son empreinte fossilisée. Ce rejet parfait, cette chute harmonieuse, cette délivrance supposée nous affranchit de toute résistance.  

Et si tu étais vraiment présente, là maintenant, serais-je en mesure de te dire autre chose que des mots chargés d’émotions ?

 

L’illusion ne serait-elle pas d’envisager nos mots comme des trains où se colportent la bonté et l’amour qu’on leur a confié ? Peut-être, n’entendrais-tu pas le grondement rauque s’exhalant de mon ventre. Le ciel triche si souvent lorsqu’il brocarde sa vérité sans fond.

 

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Commentaires
B
Nath : Ton émotion semble neuve chaque fois. Merci de me la faire partager.
N
Tu sais B....<br /> <br /> Encore cette fois, j'ai lu, presque mot à mot, je me suis gorgée de cette séve liquoreuse...du tragique tu fais des chapelles, du frisson, tu fais des montagnes aux flancs desquels des ribambelles colorées de ballons gonflés de vie roulent joyeusement emportés par des torrents de larmes...<br /> <br /> J'utilise souvent ces mots -ci : merveilleux, magnifique, splendide, superbe...<br /> C'est plus que ça c'est une réconciliation omni haletante...<br /> <br /> Merveilleux...<br /> Oui, je sais je l'ai déjà dit...<br /> <br /> Nath
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