Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LA COLLINE AUX CIGALES
18 juillet 2011

Les mots de la joie repliée.

imagesCAUH3E72Parce que les mots n’ont rien à dire, impuissants de leurs sorts, incapables d’ajuster leurs prétentions à la justesse des intonations harmonieuses et prolifiques, il faut faire taire leurs cheminements de larbins dans le désordre affectif qui nous ensevelit. Parce que les mots n’ont pas su dire l’intégrale douceur qui s’émoustillait en moi comme un sentiment inextirpable, parce qu’ils racontent, toujours, impuissants, la fêlure qu’aucun alphabet ne pourrait relater distinctement et absolument. Ils dorment dans mon dedans comme des sacs vides, des litières dégarnies, des immanences pures, transcendantales, dépassant le singulier du verbe par une surhausse impossible à définir.

Mon acuité s’étiole, ma conscience s’amenuise et se réduit à ce qui accapare mon attention, pour ne pas dire aux réflexes de mes émotions. Mon esprit suggère, mon instinct tranche. La vie inspire le verbe, le conjugue, l’associe, s’en détache, en revient, puis caracole en voltes faces. La voilà qui s’étire comme un trait fluctuant, un hoquet aliéné dans l’intermittence des jeux de l’esprit. Le mot est-il vraiment un argument ? Je voudrais te dire la couleur jaune, et pourtant, jamais tu ne sauras avec exactitude de quel jaune il s’agit. L’imprécision est de rigueur. Elle est commune à l’intime affirmation qui n’évoque que le partiel dans une esquive décapante. 



Tu es presque là…  A l'usure du jour, vois-tu, je ne sais plus dire qui de l'inconnu ou de moi-même active cette étrange pulsion appauvrie, ce jet nécessiteux de la nuit brassée de mystères. La nuit presque toujours s'embruine d'angoisses et de peurs ; le jour est un tel vertige d’audaces contradictoires qu’il en appelle à ses désaccords pour démentir les obscures controverses. 



Oui, probablement, je cèderai... le temps venu. Mais pour le moment, j'habite la boursouflure engendrée par l’étonnement, par la surprise, par la peur de me disculper, de me réhabiliter des forfaits irrévérencieux de toutes mes petites faiblesses par lesquelles je t’ai lâchement délaissé à la douleur excessive. D’ailleurs, je pendule entre le vide et le rien.



Oui, l'espace qui cloque est gonflé de mots et d'idées qui se chahutent. Mais je ne suis pas assouvi, et il me faut me compacter davantage, encore. Me tasser et me presser comme ce vieux papier journal que l’on fourre dans des chaussures trop neuves pour accepter de recevoir le pied sans le blesser. Je suis tout à la fois dans l’avidité que créait la carence et dans l’incertitude des chemins à prendre.



L’aboutissement est souvent dans l’étourdissement où manque à part égale le trop plein et le pas assez du néant. Et, il m’est si difficile de me résumer sans me perdre à mon tour. Comme si s’alléger des créances et des sursauts sauvages de cette vie me conduisait à m’évanouir dans un état second où nulle maîtrise ne serait un secours. 



Ecrire pour tenter de me recroqueviller sur moi-même.

Ecrire pour m'effacer. Ecrire encore.

Parce que écrire, c’est partir de soi. C’est investir le vent. Ecrire c’est offrir un équilibre à l’immobilité, un trajet dynamique tramé des forces de l’inconscience empalées sur des broches intemporelles.



Il faudrait pouvoir ne rien écrire, sinon l’écueil posé en soi. Ne rien prétendre, sinon la gloire de l’effacement. Et, ici, je t’écris pour donner à l’émotion sa part poignardée de lumière, pour livrer le trop plein comme on délivre une baudruche trop remplie, pour épuiser les mots de leurs contenus trop lourds, trop pesant pour une seule dégringolade de fièvres suffoquées. Je t’écris pour extraire du temps l’odeur du salpêtre collée sous ma langue, pour chasser dans la lagune débuissonnée de la bête traquée, les fluides des déroutes inscrites à notre patrimoine génétique. Je le sais bien, je le vois bien, le Nous indéfectible accapare notre lien pour en faire un joug putride. Un asservissement morose qui n’a d’éclat que notre bienséance à ne pas accepter de nous oublier. Nous nous y meurtrissons les pieds, le désir et la terreur au ventre, le dos courbé sous la charge de nos énigmes, de nos menottes inapparentes, de nos ressentiments et de nos chagrins. Connaître les servitudes et les tentatives des autres pour s'en libérer est d'ailleurs de bénéfique usage ; il y a des mots qui nourrissent et qui sauvent, fussent-ils clamés des profondeurs interminables. 



Et de départs en départs, je m’entends exister. L’écriture naît dans la déchirure de soi, là où le neuf et l’ancien font orage. Les mots transportent des fagots. Des centaines de fagots attachés les uns aux autres dans l’attente d’être libérés. Il m’aura fallu sarcler, puis sarcler encore, pour supposer de la sève nourrissante, la révélation d’un bourgeon vert comme l’espoir d’un épanouissement, tendre comme un pétale de joie.



Dans ce vagabondage, les pages se tournent. Celles qui collent font ressac. L’intolérable qui se manifeste encore au centre de l’écriture est l’usurpateur de nous-mêmes, il est cet imposteur qui ne tolère pas le bonheur délivré gratuitement. Il est ce purulent labyrinthe exhortant d’avoir mal pour dire. Pour écrire. Pour être. 

Comme si vagabonder était s’évader, fuir du mal-être contenu, réprimé, cadenassé au fonds de nos impasses sordides, de nos sans issues construis de nos carences dures.



Que nenni !



Vagabonder, c’est aller retrouver le perdu dans nos forêts de mailles défaites et défricher à coups de machette, de couteau, de bistouri. A coups de dents, s’il le faut ! Partir, c’est s’affranchir de ce qui reste en soi de plus incontournable. C’est l’aller simple d’un trajet qui dévore le rectiligne de l’écriture.



Partir, c’est aussi revenir à soi dans une conciliation tactile et joyeuse. C’est l’approbation heureuse de l’être en-soi et de l’estime reconquise aux prières feutrées et réapprivoisées de nos pertes, de nos lacunes insupportables. Il nous faut vraiment essayer de nous désappartenir, de nous libérer de cette implication violente où l’autonomie se viole d’elle-même, quitte à nous accepter du bonheur dont on souffre. 



Ecrire, c’est traverser le temps, parce que c’est parcourir le chemin comme le vent, le souffle, la brise tenace accrochée à nos zénith, l’harmattan inconditionnel de nos landes dégradées. Ecrire devient la délivrance des bourrasques qui nous agitent. Parce que c’est accepter de l’ombre la fraîcheur où se déracine la lumière crue.



Ecrire, c’est habiter l’épouvantail de ses désirs et prendre à la réalité son chaos pour en faire des confettis, des poignées de carnaval lancées sur un paysage d’automne. Regarde notre ciel, Il y pleut des fêtes masquées comme il pleut des soupirs vénitiens : nous ne pourrons jamais dire l’arrogance de nos frairies tant nous croyions à la vertu du jeûne. Nos masques sont des vaselines pâteuses qui enduisent nos déportations. Notre éloignement brutal. 



Témoigner, c’est ouvrir la portes des possibles. 



Mon corps pèse lourd, si lourd que ma peau pliée à la masse s’épure dans un gommage arbitraire. Je me relis doucement... comme ces solitudes qui ne savent plus bavarder d'elles-mêmes et qui s’éventrent telles des vagues affluentes découpées par une embarcation provisoire : mon radeau de fortune, mon navire de l’enfance, ma bouée dégonflée. L’intuition secrète, flottante. 



Rappelle-toi, Alberto Giacometti(1), dans sa caverne-atelier, il n'arrivait pas à sculpter une tête, et pour moi à présent, vois-tu, c'est la vie toute entière dont les traits restent flous ! Avec qui, d’ailleurs, pourrions nous marcher si ce n’est avec nous-mêmes ! Nos pas sont corrompus à la vérité des chemins qui n'ont pas de fin, eux aussi. Et dans cet avancement, cette évolution inévitable vers demain, nous emportons la griffe de nos cicatrices ascendantes. Toujours chargés de la blessure comme d’une protubérance perturbatrice, une excroissance parasitaire.

* (1) L'homme qui marche seul - Alberto Giacometti-

Elle se grave à l’inconnu, déshéritées par les projections vers l’avenir. Nous nous trimballons dans l’emportement violent des contresens, des antinomies, des ressemblances perçues par les sensations et les émotions qui nous tenaillent. Nous sommes perdus dans une fourrière de contradictions où nos pensées sont des vapeurs, des sueurs intimes. Elles n’ont cependant rien d’une vérité consensuelle. Car nos interprétations engagent et nous appréhendons le monde de nos implications à le dénoncer. Elles transforment nos êtres, et elles usent toutes les vérités pour n’en affirmer finalement qu’une seule : la nôtre, prédominante et prédatrice. 



Nos raisons agissent sur la matière aussi sûrement que leurs substances nous interpellent.

Nous sommes dans l’action du rassemblement perpétuel de nos certitudes avant qu’elles ne se disloquent, se dispersent et s’évaporent à nouveau pour nous conduire inlassablement à cette quête de réunification capitale : l’acceptation de l’intraduisible, des divorces inéluctables avec le réel qui nous éprouvent.

Il nous faut cependant marcher dans l’inconnu, pour qu’il y ait découverte. Je viens donc à toi dans la pertinence d’un réel commun, d’une chevauchée commune, dans le revirement des marches où se fait à l’envers le pas qui a méconnu sa vaillance, sa gaieté, son statut de randonneur puéril. Parce que l’émotion est un cheval fou, et parce que la compréhension complice est un chariot de feu, il nous faut confier nos ressassements à ces quelques arbres anciens qui se déploient en solennité et magnificence, tandis que leurs jeunes frères, fécondés par l'automne de fruits surs, ronds et denses comme des poings d'enfants, s'y cabrent sous la tâche d’opportunité : tu sais, l’amour existe avant d’être. 



Mûrir et aoûter cela veut dire que l’avenir est encombré par le passé et que nous ne sommes qu’une réponse éventuelle à l’appel de l’infini. Maintenant l’avenir, maintenant le passé : c’est toujours maintenant. Le présent prend toute la place, il se lance vigoureusement à la poursuite de sa validité et de sa franchise, il nous déplace dans les heures qui se jouent de nous. Et son malstrom incessant disparaît dans le nombril de notre existence.                                      

Tu es presque là… et nous nous agrippons à chaque liberté et leur faisons perdre la tête. Je ne sais quel est ton emportement. Ma folie sera non pas de vivre d’absolu mais d'extirper de mes méandres les tous premiers pleurs que j'ai oubliés dans d’anciennes auges lointaines. Ma folie est de croire que j’aime ma misère et mes faiblesses comme des enfances vulnérables aux coups de bâton du temps. Et je viens vers toi dans l’échappée. Dans l’interstice.

Le superficiel a longuement flotté comme une buée nostalgique rappelant les sourires qui camouflaient nos misères. Le mot dans son tragique refuge s’était assimilé au silence des fissures du ciel, et ouvrait ton sommeil, et franchissait tes paupières pour y blottir la suspension comme une guirlande sans attache. Tout flottait comme un drap que le vent emporte dans sa valse. 



Regarde combien l’épreuve du doute fait miroiter, aujourd’hui encore, les stances inavouées qui mendient à la chair elle-même inoculée dans sa pauvreté ; un peu d’eau et un peu de boue pour couvrir les cicatrices. Une simple mélasse ocre.

Et puis, l’horizon absorbe le dernier bleu du jour qui s’échappe de ses bordures, et nos peaux redeviennent verbe. Dans l’obscurité solitaire, elles assemblent la mue du chagrin et de la tendresse en déversant les flots de nos cellules. Prisonniers de nos attaches invisibles, et de nos tissages amoureux, embrouillés,  devenus des barbelés hérissés, nos bouches sont des regards du monde où la douleur s’est construite.



A la naissance du beau préfigure l’épidémie de notre désir à s’élever de la roche ferreuse. Nos cœurs diminués murmurent de nos berceaux le feu avec lequel nous dansons comme des druides en quête de potion magiques.

Dans ces marécages profonds, le vert se confond aux reflets des étoiles et la lune miaule à la surface du ciel comme un hibou censé dévorer la vie. L’âne est au fourneau, le dissipé au coin de la classe, et le rêveur coiffe la fenêtre de son regard parti en vagabondages. La classe est finie, et les oiseaux montrent le chemin de la récréation. 

D’opiniâtres buées se cueillent au moletage de la langue où ton cœur pandouille comme un linge tiré de son placard. L’écriture abolie le temps et grignote la distance qui nous sépare : l’isolement défigure la vacance immédiate pour lui conférer des concordances privilégiées ; seul dans l’instant déphasé : le moment est calfeutré dans son embryon, pas encore né des heures surannées. 



Ici, il faut se tenir à jour de soi-même. Parce que le temps est un choix. 



Le destin besogneux se rassure des blés durs, des orges et des avoines prêtent à la récolte. Rien ni personne ne peut échapper au temps, et à ses cueillettes. Et, nous nous poursuivons. Nous nous dilatons de nos restrictions, de nos manques. Recroquevillés, nous devenons peu à peu un noyau. Un tubercule, un réservoir de saillies bouffonnes impatientes de leur retraitement, de leur reconversion.



A babiller sa nostalgie au dévidoir de tartre, un bruit de catacombe secoue la torpeur du vague à l’âme qui s’écoule. Il devient impératif de désapprendre les ovulations et les germinations tourmentées. Ecoute ! Ou plutôt : entends-tu ? Des aiguilles muettes labourent les cycles tempétueux. Notre extirpement, subrepticement instillé à ce monde de relents gazeux, nous ramène aux bruissements originels. Ils accomplissent des navettes artificielles entre nos existences et ce qui s’en est effacé.



Devant nous, tout est à construire et laisse croire à une grande liberté de faire… Mais, les mots ne sauront pas dire le parcours qui s’ouvre.

Je me penche vers toi qui es inscrite dans mes songes, et rien ne peut estourbir davantage. 

Bientôt des lustres et des lumières, des grappes innombrables de lampes grillées,  toutes entières consacrées à ton exclusive absence. Bientôt nous serons des rougeurs égarées dans le ciel. Bientôt, la nuit courageuse couvrira notre repli défectueux et bancal où le temps se désintègre. Nous savons bien que ces ombres fantomatiques titubent dans la saturation de nous-mêmes et qu’elles n’ont pas de profils véritables. Je t’associe néanmoins à ma ligne chaotique tracée dans le givre de mes turbulences. Mes souvenirs crapotent comme des nuages de réminiscences enroulées aux fumées de notre adolescence. J’entends la collision des étages qui dégringolent du ciel. Des tas d’oiseaux s’échappent par les fenêtres restées ouvertes. Tous les passants s’en sont allés… Tous les passants s’en vont, s’en viennent. Il n’y a plus que le chant des corbeaux pour dire les flocons mauves étalés sur le sol comme des plumes rappelant le passage du ruisseau où venaient boire le temps jadis. 



Des mots natifs souffrent d’Alzheimer et ne savent plus. Ils ont oublié. Tout se imagesCAW01GR6décale, se déporte. Des heures douces viennent cogner à des images perdues. Un capharnaüm chante du Barbara. Rappelle-toi, nous sommes installés dans notre chambre d’adolescents, un de ces après-midi de vacances scolaires, où étendus sur le lit nous l’écoutions à tue-tête dans une boucle sans fin. Et puis, le port de Sète a perdu ses yeux, a débouté ses jeux. Au gré de ces combats nautiques, les lances flottent puis sombrent dans le chenal comme je trébuche à ces retours de mélodies séraphiques. Les mouettes font des joutes avec le soleil couchant. J’ai l’impression que je suis à nouveau contaminé de ces petites tâches d’Aigle Noir au milieu de la figure.



Je n’attends rien qui puisse s’attendre. Le printemps est nu. … Ecumes d’ombres exorbitées. Et puis, la farce se leurre d’un quart. Il est moins le quart des histoires. Le clocher sonne des happeaux discursifs.



Ta main tombe dans la mienne. Il est l’heure de souper, et ce soir encore nous mangerons nos langues. Des gorges se sont pendues et le silence fredonne une comptine comme une mère qui rassure. Nous parlerons le patois de nos ventres. Une voix somnambule est restée en exil. L’existence borgne se laisse aller. L’infructueux du temps écoulé tricote en vain. Tout semble calme comme un naufrage nocturne fatigué par d’immenses vagues noyant sous le drap rêche une éternité éphémère et bucolique. Bientôt, peut-être, la patience aura confiance. 



Voici, un point d’évasion. Il se profile en quelques sanglots de voix :



Rets amincis, drailles inégales, effondrements des mémoires trop chargées et trop lourdes. Ta balafre atavique, native, est comme un ara déplumé de couleurs, comme un ion éclaté, comme un rêve évaporé, comme un sac semé de mots et d’écoles de tous âges. Becs crochus et durs de l’ivoire de tes songes cognant au tronc de ton crâne et au sommet de tes forêts vierges.  

L’imaginaire a la nostalgie du silence des étoiles, et nos cœurs cagoulés des parasites velus de grippes légères, où l’éternuement se suffit à lui-même, toquent comme des cloches qui rendent sourd.  

Ecorce bavarde refoulant l’afflux d’adrénaline comme des vagues incertaines, peau aux racines égarées, perdue dans une Eve de sable. Sirène de grains gorgée de dérives et de dédales labyrinthiques, nos vies s’enflent des voyages sans retours. A cloche pieds du destin et du hasard. Marcher, est vaciller, tituber d’une promenade sans fin dans l’équilibre de l’éphémère.



L’anamnèse tumultueuse d’espaces binés à coups de savates et de soleil et d’ombres marécageuses, dans les détours courbés de la marche longeant des rues invisibles, dans les déserts souffrants leurs souvenirs de coquillages. Arrérage du sel, océan à mots, jachères du récusé, le rêve sans but a l’appétit des ogres qui font festins d’illusions converties en contes, en romances, en perles vivaces de casses voix, de brisures perlées qui s’atrophient à la gestuelle de l’air. Statues de vents sur les stèles du temps qui s’époumonent à rien conserver et à tout prendre dans leurs bras où s’endorment des constances hypothétiques et friables.



Haleine de la voix percée aux rimes de sa fragrance, dans le déni des lapsus, dans l’écumoire à murmures des rythmes qui fredonnent le goût de l’acier et l’odeur des brûlures.

L’opiniâtre désarroi des insatisfactions gluantes bavant l’amertume des non-dits, enterrés sous des tentatives effondrées et parlant du bruit des feuilles mortes.

Démission des masses qui dorment dans le chaos. Ne s’amorce que le néant comme une fontaine vidée d’eau, comme une source qui cherche sa naissance au bout de l’épuisement. L’élan perdu dans les couloirs bleus du ciel, résigné sans le savoir à l’écopage du débordement des eaux usées de n’avoir sues.

Il y a le courage de mettre fin à ses jours et celui de continuer à vivre quand tout nous en dissuade, vacille et s’effondre. Il n’est de courage que celui d’affronter l’inexistante et d’apprendre à mourir de cette vie qui pend à nos cœurs comme des colliers d’apocalypse.

Et tu cherches encore dans l’écho la résonance de tes chutes, de tes ergots, de tes sédations. Ecoper et écoper encore...



Tes yeux sont tes valises, tes mains des rumeurs qui tâtonnent, ton corps tout entier dans le fourbi des sucres et des bêtises héritées. Bassine bourrée de désirs appartenant à d’autres que toi.

Bâtir ce lieu t’évade de toi-même, crèche enfouie dans des mémoires qui ne sont plus tout à fait tiennes où tu te dissipes dans l’éclatement, dans l’éparpillé de ton désordre alimenté de la proximité à te réfuter dans la lassitude des projets inaboutis.

Tétanos des os sans sépulture, bals de poussières où se détrompe la mort. Le sursaut dans la soif, le refuge dans l’îlot de tes purges, la trace du roc comme un nid à la dérive et ton sourire prêt à jaillir comme une lumière perce le vide.

N’obéir qu’à soi. Chair crue et pâté de pensées buvant à l’élixir des mots d’amour comme l’enfance biberonne au sein de la vie.

Tout a cédé. Tout s’est replié. Et tu as emporté en ton sein l’avenir qui se proposait comme un allié. 



A l’effeuillé du vacillement, des temps mitoyens sur des racines de pierre, semelles au vent, le temps, inéluctablement, nous sépare : nous avons laissé sur le bord du sentier des témoignages gravées, des estampes de foudre sur des murs effondrés, et puis ta bouche gramophone des songes bercés au fond de tes couloirs de paille… Demain est sans étapes, dans la traversée du jour et de la nuit, déplié comme le corps d’une jambe amputée, et puis, hier décordé, derrière des rideaux de velours où s’étoffe la poussière de nos chemins.



De la crue des heures nauséabondes débordent des ricochets insonores. Des tâches bleuâtres sur les bords de nos photos d’antan, des illusions pigmentées d’horizons toujours plus vastes. Nos lits sont la reconversion des bateaux de feu où pleut l’espérance de nos touchers, de ces petites mains en radicelles iodées floquant les berges de nos architectures desséchés. Nos troncs concaves servent d’embarcations à nos désenchantements, à nos déliquescences embourbées dans cette perdition commune. 



Jets de sable sur nos façades salies, épures d’ammoniaque imbibant le blanc coton de nos mots devenus farine aux écoutilles à de désirs perlés d’excrétions languissantes. Inabreuvées.  



Chanfrein usé attestant l’érosion, nos mies durcies aux prises du vent, nos souffles saccadés comme des respirations haletantes rivées à nos courses dérisoires, promptes à nous étancher de la coulure de nos fantômes.  

Ondulations déviant l’intime. Brisures de l’eau qui recouvre. Incisions de nos mémoires. Désencombrements des moments emphatiques où se tissent les prières en cortèges de vœux inabordables. Vague après vague, l’étonnement s’amoncelle dans la nacelle de tes yeux. Couleur pourpre sous tes paupières, à l’écart des tisons pourtant. Distance élaborée dans le sang qui ne sait rien des éphémères raccourcis. Ta peau murmure des fables contées dans l’enfance et de ton sein coule un lait de printemps. 



Sous la poussière l’acharnement à nous prendre dans nos bras. Nos exils pour nous rejoindre, nos forages dans les déserts imperméables, nous titubons de l’autre : à cloche-pied nos étamines s’ensemencent des bouffées que les frissons argumentent. Tu plies ta tête comme un drap au carré. Tu dévisses le cadran de l’horloge ovale où rebondit l’errance comme une balle dégonflée. Tu t’élances, tu tournoies, tu chutes à l’horizontale et nos âmes se greffent comme des rosiers malades de chlorose, envahis des pucerons de l’irrationnel et de l’irréfléchi. 



Une cascade de lumière s’échoue dans le buvard de nos herbes, et tu te déverses imagesCAZ1Q5TMcomme un torrent en crue. Tu ensevelis toutes les berges où des oiseaux blancs s’envolaient et traversaient nos garrigues recouvertes d’un ciel de décombre et de démolitions sans vacarme. Ils n’ont plus de corps et nous ressemblent. Ils survolent le vertige qui s’engouffre dans nos coeurs serrés des mailles étroites filtrant nos attentes comme une infusion de thym odorante. Nos breuvages suintent sur d’inconsolables courbes, mais nous survolons l’entrave et suffoquons des brasiers dans lesquels nous avions jeté nos mauvaises saisons. Nous émergerons plus loin dans le cambouis de nos sources fluettes, scindés à l’embrun de nos effervescences restées intactes. Nous fermerons les yeux pour nous attacher au jaillissement. Nous capturerons doucettement les discrètes lueurs qui s’étirent comme un corps au sortir du sommeil. 



A présent, nous nous effeuillons de nos misères tombées comme des ruines de particules de peaux mortes et nous habitons nos résurgences comme des moinillons habitent leur nid, une faim irréductible, estourbie au taraud de nos fuselages. Nous becquetons nos plumes pour mesurer la vitesse du vent. Nos épidermes s’attardent dans l’ardeur douce des somnolences duveteuses et nous sortons de nous-mêmes, quittant nos coquilles pour être nus de nos voix, nus de nos gestes où s’improvise un préambule à nos pitiés, à nos solitudes, à notre oisiveté crue, démantelée comme un alexandrin de fortune. Ici, tu l’entends, j’en suis sûr, s’échappe un ersatz de nos ventres ébréchés. Une pure bouffée blanche s’évade de nos circonvolutions. Une spirale aspirante où s’agite la faim renouvelée sur le buvard de nos apostrophes. 



La désespérance est un soldat à la bataille de nos rêves que l’éveil soudain fracasse. Seul l’inouï défroque les morsures du quotidien en des chairs d’émerveillement. 



Tes jardins d’ouates regorgent d’ingénues méticulosités que j’affectionne, tout particulièrement. Ce qui dure des années c’est le secret plissé de nos refuges à nous dire des mots que l’on n’entend pas, des charabias incongrus dans les foins sans cesse renouvelés, réitérés, et corrigés par nos désirs inépuisables. Nous ignorons l’amour que nous ne connaissons pas. Sa grandeur est notre impuissance. Nos expériences s’émeuvent, nos sentiments s’écornent, mais nous restons défaits et dénudés face à ce qui nous parait une adversité rugueuse, grenue, tant pour aimer il nous faut nous évincer, nous distancier de nos échos et de nos calques à nous griser seulement de nous-mêmes.

A rechercher l’ivresse, il faudra nous saouler à la terre qui nous a donné le jour, à ce berceau de fibres que les racines gonflées de temps font sortir du sol au grand jour.

Publicité
Commentaires
B
Je vous entends, je vous écoute, agrandi jusqu’au blanc. Le lieu, le temps, les verbes et les mots, tout se pose là un moment. Un bout de voix où je glisse dans l’humeur cahotante. Lorsque je me relis, me revisite et me vois dans vos mots, je me redécouvre - « ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre » -. <br /> Les mots comme des blessures ouvertes cicatrisent par vos regards, vos lectures et vos émotions.<br /> Merci à chacun de vous.
S
Alors, n'arrête pas d'écrire, toi, qui sais faire parler tous les silences..
N
" témoigner c'est ouvrir des portes "<br /> <br /> oui, tu témoignes et nous sommes les témoins désignés de ton témoignange...( ah faute de frappe, mais je laisse, le mot ange...vois tu s'est invité de lui même).<br /> <br /> Je te lis doucement B. maintenant, tout doucement, respectueusement, silencieusement...tu parles, j'écoute...c'est ainsi...parfois ça me berce, parfois ça tempête...tu poses en fait la vie là où tout fut fait pour qu'elle disparaisse..et moi, petite, j'entends, je frémis, je frissonne, je pleure...et je me tais, parcequ'il n'y a rien d'autre à faire...<br /> <br /> Merci B.<br /> <br /> Tu as un immense talent, et je ne parle pas seulement de celui de l'écriture , tu as un immense talent d'artisan du jour...
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 207 341
LA COLLINE AUX CIGALES
Publicité