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LA COLLINE AUX CIGALES
17 juin 2011

Nos souffles sont restés sur le fil d’illusions.

imag99esJe suis de la taille de mon désir, je suis de la taille de mes échecs. Pourquoi mourir encore dans la mue qui s’ébat ? Et ma tête qui se bat dans la mer engloutie meurt de dormir. Toutes les larmes de mon corps suintent le long des vitres brisées. Le souvenir s’est réfugié dans l’église de la rage où l’hiver ne creuse jamais deux fois. La colère s’est brisée, ses yeux sont tombés dans l’égout des projets morts. Dans nos regards enlacés, nous nous évanouissons comme deux gouttes d’eau pure. Notre entente ruse toutes les attentes. 

Mieux que dompter la nature universelle je me limite à exister de ce que je suis. *Ad libitum.

*Ad libitum est une locution latine qui signifie littéralement « jusqu'à ce que (je) sois pleinement satisfait », ou mieux, « à volonté ».

 

La voie tracée n’est pas éternelle. Le chemin courbe. Tout mon chagrin propose à la joie de s’étendre ici dans la connivence, parce que l’un et l’autre s'accomplissent l'un par l'autre, que mutuellement les pleurs et les rires se délimitent, se règlent, s'accordent, s'enchaînent.

Ma victoire sur l’amour réside sur l’absence et la perte, sur la désappropriation du sentiment. Il n’y a pas de vie sans vie, sans actes et sans mouvements. Ne rien attendre et se détacher… c’est en faisant le vide dans mon cœur que tout peut subsister.

 

La mort est vide, mais elle est inépuisable. C’est un grenier vide, un radeau sans passager, une arche sous laquelle passe tous les chemins. C’est l’errance interminable où toi et moi nous chahutons les frontières fictives des désirs étouffés, repentis. La faux n’a pas pris ton visage. La mort conserve la mémoire de l’univers, et derrière son masque apparaît l'ancêtre de tous les abîmes. Elle émousse les arêtes de granit du tombeau des heures. Elle dénoue ses voiles, et purge la beauté dans sa splendeur d’harmonie ténébreuse, puis s'unit à sa poussière. La mort est antérieure au ciel, antérieure à la création. Et pourtant, elle est la part invisible qui sommeille inlassablement dans nos chairs. La pure création. L’art au service des veines de l’existence.

 

Ici, l’eau ne lutte pas, elle apprivoise les formes de la matière solide. Ta mort est dans le vide. Ma langue pousse les mots jusqu’à l’essaim de l’inoccupé.

Le miel est fait pour être mangé. Les vignes sont vendangées, et les pourparlers du raisin et du soleil sont vains. L’air s’échappe de la fleur et ma vie respire à la tienne comme un poisson volant remonte à la surface pour s’oxygéner. Mais, tout ce qui a commencé se termine. Et, c’est dans la fin d’une histoire qu’une graine nouvelle ensemence de nouveaux espoirs. Tes yeux ne brillent plus de dix mille lumières, ils ont rejoint mes racines. Ils poussent en moi comme des paysages naissent dans mon regard. Maintenant, je vois au-delà. Au-delà de la mort vidée de ses sangsues et de ses apôtres. Le crépuscule pose la lumière et l’aube la reprend comme un flambeau. Je flotte comme une lune où chute l’écho du néant. Mes mains referment tes paupières et ta mort s’accouple à ma vie.    

 

Il n’y a pas d’heure qui tienne, seulement des fragments de sentiment, de peine et de joie, qui s’égrènent comme une poignée de riz jetée au vent. Et, l’on se refera une peau d’algues et de poussière dans la course éperdue d'un désir toujours insaisissable, toujours en mouvement, et jamais consolé de ne savoir atteindre l’absolu. Tout notre amour repose sur le socle d'un deuil impossible.

 

Sur le temps rien ne se charge, chaque coucher de soleil est une digression de la lumière où ton ombre est muette. Le ciel effaré par des clémences sournoises nie les tempêtes qui jadis recouvraient les terres. La joie est d’un ton simple. Le désespoir contagieux. Là-bas, le bruit de tes pas se confond au tic-tac de la montre vidée de ses aiguilles. Là-bas, le silence côtoie la musique des cœurs. Là-bas, la nuit s’éventre et laisse couler son jus noir sur les seins de l’oubli. La perte épouse la solitude. Nous sommes deux à être seul, nous sommes seuls d’être à deux.

 

Je suis venu à toi et j’ai trempé mes pieds dans la source. D’autres silhouettes trouées entouraient a9lg4603ton visage. Je suis venu à toi d’un pas lent, vers le lit des ruisseaux, vers les capitelles, les amoncellements de pierres sèches, vers le refuge des cendres froides, loin du bruit des regrets et des amertumes latentes. Je suis venu à toi jusqu’à la lie, jusqu’à l’épuisement des éclairs. 

 

Puis, à reculons, comme on se détache d’un spectacle captivant l’attention, je suis reparti tout au fond de ma tanière. J’ai refermé l’enveloppe de la mémoire et me suis tapi au clos de tes lèvres.   

 

Bien des tentatives pour rincer les paroles anciennes ont échoué. Le sommeil dans son insouciance ravive le présent laissé derrière soi comme des jalons de bois morts et d’étangs verdâtres. Le temps se déplace. Des instants perdus comme des larmes dans la pluie ravinent les pentes de nos monticules de chair de poule. Nous ne savons plus compter sur nos doigts, je renonce sans le vouloir, mon corps tombe comme un arbre sous les coups de hache mais ton visage demeure une fenêtre, un hublot par lequel je vois la mer. Je nage dans un sommeil entre la vie et la mort. Ton deuil n’est qu’un sommeil et je suis le dormeur de ta nuit. Tu échappes au temps, tu échappes à la vie. Voilà que j’incube dans l’inconsistance de la matière et que je touche au pouls du leurre qui efface toutes réalités conscientes. J’ai tiré sur la pelote du monde, et il s’est mis à tourner comme une toupie.  

 

Quand la nuit est absence et présence de la grande moiteur, je voyage sur tes ondes et l’horizon se gondole comme un papier mouillé, puis séché. J’apprends l’heure par cœur, mais les frissons n’ont plus la même teneur. J’apprends hors sommeil à résister à la foudre qui enflamme la voix que tu avais lorsque l’orage grondait au fond des figures absentes. Une voix d’enfant chantonne un « Ave maria » déchirant et le souvenir n’éclaire plus qu’un vide oppressant.  

 



image33sNos tours de rein, nos tours d’ivoire

Fades et fastueux tout à la fois

Nos coups de jambe, nos coups dans l’eau

Fades et fastueux tout à la fois

Nos dires et nos secrets

Fades et fastueux tout à la fois

Nos révoltes adolescentes et nos déchirures adultes

Fades et fastueuses tout à la fois.

 

Chaque souvenir est un passage étroit, une porte cachant un labyrinthe de reflets, une chair alanguie guettant le frisson. 

L’amour est une langue étrange. Mon cœur est une paupière chaude, une crépine recouverte de persil tendre. Le souvenir est un retrait dans lequel l’amour dissèque chaque mot, chaque syllabe afin d’y trouver un sens. Chassant l’imprévu, répugnant à se risquer dans une avalanche de mots stériles. Redoutant le silence mortel des désirs impossibles.

 

Amours inanimés, je glisse sur les larmes de l’arc-en-ciel et coule sur les plis rugueux de la pierre. Gestation sans naissance, nos souffles picorent aux frissons des étoiles. Passion dévergondée chavirant les heures pliées sous des livres d’étoffes luxueuses. Lundi s’appellera chalutier, mardi sera le jour des décombres, mercredi chantera des berceuses, jeudi n’aura plus froid, vendredi ouvrira des étables vides, et nous aurons deux jours pour nous acquitter de nos intentions.

 

Un chapelet d’effarements régurgite ses halos mixés de tambouilles et nous nous éventrons de solitude. Nous avons quitté le passé et porté l’ancre plus loin. Ton prénom est une écume. Ma vie bat la mousse de notre séparation comme une chantilly que l’on monte à la force du poignet, et je me sens plus léger comme une vache que l’on a traie.

 

Quel nom pourrais-je donner à ma solitude ? Quelle bouche pourrais-je remplir d’absence poudreuse ? L’incessant mouvement de la torpeur frigide remplit chaque jour un peu plus.

 

Ecrire pour toi convient du geste qui se défait. Je flotte sur notre passé comme un tronc d’arbre désespéré. Mais le chagrin qui pèse devient une ignorance qui s’infuse sous ma peau. L’encre abondante se jette sur le papier, et c’est l’éternité qui se froisse. Même la fatigue s’essouffle. Même l’effervescence des mots incise le temps. Ce qui était joie, jubilation, se transforme en entêtement. Et mon cœur s’entête à faire revivre la sensation qui me transportait à l’abri des jours sans toi.

 

Tout ce qui ploie sans rompre, tout ce qui reverse le jus des étoiles que nous accueillons dans nos fibres humaines, s’en retourne au ciel noir des nuits sans lune. Toute une vie dans la dimension d’un cœur qui bat aux rythmes des souffles de l’émotion, toute l’apoplexie qui ravage le silence resté une torpeur solitaire, tout cela configure le temps et sa durée. Seul, l’éphémère fait plier l’éternité. La subjugue et la désamorce de l’infini pour nous en offrir une goutte d’atome dont la puissance pure étourdit jusqu’à l’accouchement de nos sens les plus insensibles.  

 

Ma vie est une lettre brûlée. Un suaire noyé dans l’insuline cristallisée des baisers que je n’ai pas donné. A qui donc est cette voix qui murmure dans l’ombre de la nuit ? A qui appartient cette mue qui crève les tympans de l’ordre donné des choses ?  A qui donc le tunnel des mots ouvre-t-il les portes à une promenade au fond des mers ?

 

image77sUn silence encore inconnu lacère la peau moisie des souvenirs perdus. Ecrire, c’est chercher un bout de vie resté accroché dans la suspension des rêves morts.

 

Toutes les mémoires agonisent dans l’oubli.

 

Je me réveille à toi comme la lumière de mille bougies pénètre sous les paupières d’un amour plus dense que l’ébène qui le recouvre.  

 

Apprendre à se séparer sans se désunir. Sans la peau d’une plume légère, sans le regard de la lumière cachée derrière les vagues. Voir la rugissante marée qui reprend ses eaux, voir le sable mouillé abreuver les traces, et refuser les mots, refuser que la rondeur de la terre fasse une tête au carré à l’illusion romantique qui berce tendrement les spirales où tu dors.

 

Plus léger que la mort. Le corset discontinu de la parole fait de la résistance. Le temps ignorant montre son vrai visage. L’urgence est une errance. La distance une identité. La vie est un tamis où toutes les routes se détachent. Plus léger que le premier jour de l’enfance, ton visage tisse la brume transparente où midi sonne midi sur toutes les pendules du monde.

 

Un sourire… Et mon pas se brisera sur ton chemin.

 

Dans la paume des mots : l'escarpement. Des ruelles de non-dit préservent les quartiers de lune où s’éprouvent les solstices. Entre ici et là-bas, l’interstice du foudroiement et des baves occultes où les secrets du corps n’ont pas de parole pour les esprits. Le vide cossu connaît bien la couverture du silence. Car, rien n’effleure mieux la peau du senti que la voix muette qui se déplace. La fin qui guette toute chose prévoit la mutation. Rien ne se perd vraiment. Tout s’en va couler dans les gorges profondes du monde. Nous nous trouvons inclus à la débâcle des heures. L’orage est sorti de nos draps. Il pleut des lampes arides au cœur de tous les déserts. Quelques plantes grasses viennent contrarier la sécheresse. Les souvenirs que je démêle n’ont plus la brusquerie de la chaleur soudaine. L’inattendu viendra, c’est sûr, de la neige qui recouvre mon cœur. Enclume de blanc échaudé sur l’écume de mes lèvres, le jour qui vient est un rocher. Et, je marche vers la parole. Ce verre d’eau qui a connu le feu, je le bois après toi, dans l’emportement muet.

 

Le temps est en fusion, le temps est en bouillie. Il n’y a plus d’amour qui coule sur ton visage asséché. Il n’y a plus cette odeur de fleur d’oranger qui te suivait déjà dans l’enfance de nos récréations. Le temps est resté debout, et nous sommes noyés dans le flot des heures vertes comme des mousses épongent l’humidité pleureuse du temps qui passe. Et nous sommes assis comme des marches d’escalier aux pieds d’une cathédrale de pierres rongées par le vent et ses coups de couteau. Chaque angle droit percute crânement l’espace qui nous tient tête. La perceuse du passé troue le silence qui nous emporte. Nos élans tombent comme des feuilles usées, nos éclairs sont débranchés. L’horizon est un lieu d’embrasement incompressible, et nos souffles expient sous les dents brûlantes des souvenirs retranchés comme ces tombeaux incandescents qui peuplent les terres cachées aux regards frivoles des passants frivoles. Un trou creusé à notre intention délivre des coups de canon, et le vide prend toute la place.

 

Nous n’avons pas renoncé, non. C’est la décadence de l’immobilité et de l’acmé exaltée qui s’est image88simbibée aux mouvements de la révolte pure. Nos cœurs se sont brisés comme des coquilles de noix sous la pression des étaux du manque. L’inconcevable désir s’immisce jusqu’à la mort pour y déterrer la douceur de tes yeux. Des mouettes dans ma gorge te disent le blanc qui me chavire. Je suis le ruisseau de lait qui coule de ta source. Je suis le goutte-à-goutte permanent issu de la pliure.

 

L’amour attend l’aurore à côté de la lueur de tes yeux, l’amour est tout aussi profond dans sa fuite. L’amour nous parle, même dans le silence mutin des vitres brisées, des murs effondrés et des ruines affalées comme une sciure gluante dont on ne peut se dépêtrer.

 

Je fouille des images anciennes comme on tamise du sable fin, mais rien n’évoque plus les dunes de tendresses amoncelées dans le ventre des rêves qui nous tenaient par la main. 

Mais, l’unité est bien plus grande que je supposais. Elle dépasse nos petits êtres rompus aux chagrins étrillés de la cruauté des jours en charpies. Ni elle se cueille, ni elle recueille. C’est l’amante invisible où se lie les souffles du monde sans qu’on puisse les retenir. 

 

On meurt inconsolé. On meurt déficient, on meurt dans la bousculade incontournable de nos fragilités à vivre et à exister. Et, les heures ne meurent qu’une fois.

 

L’eau, superposée à elle-même, s’écoule d’elle-même. Elle quitte les flammes et se substitue au soleil de poudre concave. Le ciel est une grande mare où l’absence se cache derrière le rideau des nuages moutonneux. Ici, dans le monde stérilisé de bleu, les chants du hibou s’éteignent. Sous nos paupières de braises, le balai des pensées devient une fourche, et nos chairs boivent à la fracture trouée par les pointes. Le sang du ciel dans la bouche, nous allons chercher dans les yeux exorbités de la terre le souffle qui nous manque.

 

Nos poumons de sable et de coquillages piochent à l’iode de tes lèvres le sel brûlant que le vif de nos regards redoute tant. La cicatrice flotte sur les vagues des tempêtes avant de rejoindre une plage aux dunes pourprées d’insolence. Au loin coule un radeau chargé de tendresses trop lourdes. Nos rives disparaissent, et nos voix ensevelies chantent sous les eaux comme le font les baleines à la saison de reproduction. Notre amour se précise dans le dénuement. Je me recompose dans le bleu de la flamme, et le paysage du temps s’élargit où mon cœur se resserre. L’opulence n’y est plus, mais l’ardeur a rejoint la ferveur. L’amour est une unité sans compromis.  

 

Les mots se trompent toujours, ils nous emportent trop haut, ils nous défont du plafond de nos sens premiers. L’amour nous conduit à la porte de nos humanités les plus délicates. Sa subtile oraison nous laisse nu, aussi nu que des nourrissons aux fesses roses.

Puis. Le bleu dérive, le bleu délave, le bleu s’enclume.

Des mots, des paroles, non, quelques bleus rôtis et fumés. Encaqués et brisés comme un œuf dur. Un bloc de jaune enrubanné de blanc, et du sel étalé pour décaper les langues.

Un ciel dans la bouche, une mer dans le ventre. Et puis, les autres bleus. Tous les autres bleus, rassemblés au milieu des yeux pour préserver la nuit hors de ses cauchemars insipides. Toutes les nuits se partagent dans la pénombre bleutée. Une feuille vierge s’enroule autour du jour à venir.

 

Une brassée de souffle s’extase là où il n’y a plus rien.

Douce étreinte du soupir. 

Une chair de baiser déposée sur ton front.

 

Tes yeux passent et repassent. Tes mots chassent et repartent. Une éponge ne suffit pas à nettoyer la table. Le rideau ne suffit pas à l’obscurité toute entière.

Que ne devras-tu pas lire qui ne soit déjà achever en toi ? 

La lune rêvée rebondit sur le plafond. Les rêves c’est comme la cire qui tombe des bougies : cela se transforme, cela épouse les formes nouvelles

Le silence coud des heures vides. La toile se replie, le ciré est en vrac. Tes yeux dépassent et ressassent. Tes mains s’enfoncent dans la ouate que tu as laissé en suspend. 

 

Désormais, nous sommes absents de nous-mêmes. Il n’y a plus de place pour nous accueillir dans nos enveloppes écharpées. La pensée ne fait plus corps avec nos hymnes d’ivresses anciennes. Nos cœurs sont des entailles. Nos âmes des coupures. Et dans la nuit vacillante qui jaillit, le parfum de ton ombre diffuse une mélancolie où tous les temps se rencontrent. Nous habitons l’éclair où nos souffles sont restés sur le fil d’illusions, entre le printemps capricieux et l’hiver revêtu des buissons de glace.

 

Tu vois, maintenant, une rosée désossée marche pieds nus sur ma cicatrice. Je désapprendimagess l’accoutumé. Je m’extrais de la transparence coagulée, mon regard casse comme une branche sèche, je laisse sortir de l’écorchure les abeilles dévoreuses de ruche. Je suis un visiteur. Je suis un passant dans moi-même. A l’intérieur, je vois la route entre nous et les chemins de traverse qui ont connu la crue, le débordement d’émotion vive. Une route sans paupière et sans goudron. Dans la courbure, la part de soi embuée comme une véranda asphyxiée. Sous le plafond vitré la bruine, puis la cacade d’eau ravine sur la peau du ciel figé.

 

Y a-t-il encore quelque part  des étoiles qui glougloutent ?

 

Pour ne pas couper la corde tressée de soie qui nous relie, il faudrait réduire l’infini à la mesure de mon cœur. Il faudrait pouvoir faire table rase. Il faudrait ne plus voir dans les peintures de Botero* les formes rondes et enjouées, mais la finesse du trait et le mariage des couleurs. Tout est si finement grossi que l’éclatement ne saurait tarder. La surenchère finit toujours par dénoncer un paradoxe.

* Fernando Botero Angulo est un aquarelliste et sculpteur colombien réputé pour ses personnages aux formes rondes et voluptueuses.

 

L’œil éclate. Le cœur détone.

Ce n’est que viande boutonneuse sur un marché. Ce n’est que bout de chair sur l’étal opulent des corps présumés nourriture pour les rapaces. 

L’air est trop vaste, le souffle de chacun est timoré, le vent nettoie. Un grillon sur la langue lime et grince sur toutes les nuits foutues. La bourrasque du désert fouette les sentiments et fait tancer la certitude. Toute l’encre du monde ne suffira jamais à colmater l’écriture. Les mots viennent de partout. Les maux ne cessent leurs intrusions. Je t’écris pour te retenir parmi l’avalanche, pour te maintenir dans l’histoire que je fabrique, et tout s’imbibe d’émotions superficielles. Tu réussis à emporter ma tête dans mon sang, mon corps dans l’éther des pensées, et notre accord est devenu une danse répétitive où se bousculent les ombres dans les refuges qui te sont consacrés.

 

Je ne t’écris plus, je suis face à toi. Face à face d’inconscientes bévues. Face contre face du regard qui ne voit qu’au devant de lui-même, dans une projection toute personnelle.

Derrière la fenêtre se glisse une adresse perdue. Sur le cadran du silence, l’heure sonne la chamade des temps dissous. Une lueur où la vie est restée, c’est tout ce qui demeure. Une simple lueur perçante comme un cri clouant le bec à l’obscurité environnante. C’est un peu d’amour qui piaille, un peu de tendresse dégorgeant par le fendu de nos lèvres. Notre gare n’attend plus de train. Notre port fait chanter sur le mat de notre navire pirate les cordes des voilures distendues. Nous connaissons le vert de gris de l’usure. Nous prions pour croire. Nous croyons pour oublier l’absence.    

 

La lumière est ovale qui nous éclaire de ses jets courbés. Ensemble pour un temps indéterminé, nous mangeons, dans la pénombre qui nous suit, les heures offertes au sacrement intemporel de la durée devenue goutte de pluie.

Le long manteau de nos peaux s’est gommé, nous avons traduit la perte, tarit nos mémoires, puis rempli la faille qui nous parlait à voix basse. 

 

Hier n’a plus d’avenir. La lune est partie rejoindre Pierrot.

Tout te dire est exagéré. Je n’ai même pas de mot à te donner pour que tu saches l’ombre qui me traverse.

J’ai menti à la nuit : mon rêve était réel.

J’ai recyclé mon cœur dans les tourments du tien.

Aujourd’hui, le hasard se déguise avec ton visage.

Je mûris à l’ombre de tes mains.

Il n'y a pas de meilleur tombeau que l'amour !

Un roc effarouché marque la route qui me conduit à toi.

Signe, s’il en est, que la terre enfante dans sa masse l’absolu nécessité d’être.  

 

Rien n'a plus de mot pour dire. Vivre, c'est tout. 

Nous reviendrons comme les vagues, nous parlerons et nous chuchoterons aux mots les tourments qui nous ont emportés. Demain sera aujourd’hui, demain n’aura plus d’avenir dans le rétroviseur qui nous catapulte à mille lieux de notre engouement de foudre et de notre éphémère plaisir. Nous aurons vécus et vaincus la lumière où se posaient nos yeux candides.  

Nous existerons dans la couture de nos espoirs. Nous serons des naufragés sauvés des tempêtes par le reprisage des émotions lacérées.

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Commentaires
B
Merci à chacune. Vos regards font vivre l'écriture, et lui accorde sa véritable existence.
S
Dans la traîne du silence, tes doigts de fée réécrivent l'absence si merveilleusement que Pierrot peut s'endormir sur un croissant de lune, car les étoiles vont, j'en suis sûre,glouglouter dans ton encrier.
I
il n'y pas de meilleur tombeau que l'amour... (pour mourir à 2 et en même temps)<br /> <br /> très beau texte encore qui égratigne<br /> bon dimanche à vous
N
Tant à dire , à écrire que je t'offre un silence sur la partition...<br /> <br /> Une image cependant qui restera accrochée aux tempes de ma mémoire après ce texte lu et relu : un océan plié en deux, et ce goutte à goutte dont tu parles, à la cicatrice de la pliure...<br /> <br /> Bien à toi B.<br /> <br /> (En vérité, je suis je crois en apnée, là, de suite...)
V
magnifique texte qui fait écho sur la toile effilochée aux points de croix cousus au fil du temps.<br /> Bien à vous B
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