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LA COLLINE AUX CIGALES
12 juin 2011

Sous le brûlis de nos ombres.

5654163Le passé a semé sa trace indélébile sur le vibrant de l’existence. Les événements moulus comme des épis de blés mûrs ont laissé une fine couche blanchâtre sur le rouge de nos sangs récurés. La mélasse farineuse supporte mal qu’on la remue. Elle trouble alors la clarté à venir, comme elle brouille celle d’un présent immédiat, aveuglé des brumes feutrées de la mélancolie. S’en débarrasser nécessite l’apaisement prodigieux des limites de l’âme où des parenthèses géantes enveloppent la moisissure qui se propage comme un lierre asphyxiant un tronc d’arbre, puis l’arbre tout entier. Dans un repos complet de pierres sèches se décante peu à peu une lumière bleue. Un apaisement qui offre aux trépidations ardentes de s’amenuiser et de s’estomper. Dans la halte bruineuse, l’apparence construite et détruite sans cesse. Cette part d’être qui refuse de céder à ses charges émotionnelles, qui refuse de reculer malgré des rafales de vide où les regards restent figés comme des horizons prêts à tomber. Comme des yeux sans paupières, tout se dit entre la lumière et sa brûlure. Tout pénètre et nous traverse… rien ne désaltère la question aveuglante de l’oubli qui s’enfuit plus doucement qu’une parole de papillon virevoltant au-dessus des précipices. Le tatouage de nos égarements est inscrit dans l’air. Le voyage d’initiales récalcitrantes se ponctue par des points qui ressemblent aux gouttes d’eau devenues tartre. Et, l’écharde blanche devenue grumeau dans les veines du temps projette nos ombres superposées.  

 

Le point d’origine qui nous accable est dans la fuite. Des grosses vagues désalent le jour qui vient. Une vie dans une vie s’est abandonnée aux sèves des nuits dégoulinantes. Nos yeux dans l’entonnoir nous mangeons à la paille de la lumière. Tout est indéfini. Et le cours de nos cœurs, et les épices de nos révoltes. Nous sommes contractés. Nous sommes un point sur la mire. Nous sommes vieillis comme un parchemin où l’écriture s’est effacée. Nous sommes traversés par l’éclair d’une solitude grave et brillante. Sous la corde tendue, le vertige joue au somnambule à qui l’on bande les yeux. Quelque chose se vit à l’intérieur de notre passé, et nous sommes désarmés. Nous rampons dans l’ombre poisseuse comme des soldats s’échappant d’un goulag. Nos souffles broussent le dessus de l’eau. Nous avons quinze ans, nous avons cent ans, nous avons mille ans. Nos veines sont des cendres et nos cœurs des pierres gravées. Une stèle du temps laissée là dans cette brousse sans arbre et sans fougère. Nos pensées sont des zigzags de pollens, nous avons quitté la terre pour en construire une autre. Nous nous sommes exilés dans les volutes qui persistent à parler aux fumées. Un désir plus fort que nous-mêmes nous emporte au-delà des tombes de la matière. Tes yeux sont des pales tournantes où mon existence s’ébroue comme chat qui sort d’une mare. Tes mains touchent à l’horizon et le retourne comme une crêpe. Derrière, une étendue encore plus vaste sent la naphtaline. Derrière, le cuivre de nos sentiments n’est qu’un cuir mastiqué de nos peaux anciennes. Ton sourire est devenu un chardon pointant fièrement vers le haut, et tes lèvres ressemblent à ce radeau de papier avec lequel nous jouions dans la rigole de nos enfances. Le désespoir a baptisé un nouveau monde. Ici, la tristesse joue des notes de musique et des serpentins s’envolent au vent. Ici, le blanc est une couleur où la voix porte comme dans une église. Ici, les mots sont des cendres vivantes, de la poussière qui dessine nos visages. Ici, nos vies antérieures sont un mouchoir avec lequel on essuie l’autre côté de la vitre. Ici, nous sommes dans une cachette, dans le ventre du monde, plongés profondément comme des racines de gingembre. Ici, nous sommes bien ; nous sommes nous-mêmes comme dans un miroir où s’envolent par millier des hirondelles bleues.      

 

Plus aucun vacarme ne s’oppose au silence. Nous marchons avec des pattes d’oies, nous dansons avec nos fous rires anciens, nous buvons à la perte et à la conciliation des âmes vidées de leur jus. Tu es devenue ma cérémonie, mon cataplasme virtuel enrubannant le corps que je n’ai plus.

 

Le point d’infini a perdu la trace de nos pas.

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Commentaires
N
Merci B.<br /> Il est ici un sillage de splendeur blanche et vierge...une dé-contraction du temps, un appel d'air, une jouissance de miroir...<br /> La cérémonie est un mot qui danse et valse en chaque couleur, blanche ici...<br /> Oui, merci B.<br /> Te lire là fait du bien aux mots...
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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