Terre fragile.
Il y a toi, puis cette aire où naît le mot, cette olive sans noyau, ce gouvernail enseveli d’algues, cette mâchoire de lumière où se mastique le regret.
Nostalgie étouffée au fond de la gorge ton emprise a réduit l’espace des rires. Toute ma liberté d’être se retrouve gangrenée comme cette lune qui tombe du ciel parce que trop lourde et trop pleine. Elle glisse du ciel et s’effondre comme des étagères trop chargées des livres où sont écrits les mots qui transportaient ton sang jusqu’à ma bouche.
Le ciel n’a plus d’importance, il est lavé de ses étoiles ; il n’y a plus de repères pour les marins perdus, plus de lumière pour les aveuglés. La nuit aussi est tombée. Aussi longue qu’une langue de chat, elle ronronne des souffles égarés et lèche le poil des moments solitaires. Plus seul qu’un ciel dépourvu, le lit de ma mémoire ne sait plus que faire des heures cristallines qui viennent frapper sur le tocsin du souvenir.
Ce soir, la résistance s’habillera d’amour. On humectera le garrot de cuir qui entoure notre devenir d’étincelles, et nous irons dormir ensemble sur le lampadaire des mers mortes. L’enserrement étouffera la déception. Le lasso étouffera nos corps et nos cous. Nous deviendrons des poussières, et nous flotterons au-dessus des secousses, et nous brillerons comme des cellules de prison où pénètre un rayon de soleil. Une larme purificatrice se noiera dans les eaux du monde.
Une miette de feu éclaire encore la survie. L’antre chaud où s’échouent les dons d’existence reçoit l’éclaboussure des blés en herbe parés de verts acides. Et, la soif connaît le sel noir des salants bercés par la musique du vent.
« Les hommes se trompent en ce qu'ils se croient libres. »
- Spinoza, Ethique.