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LA COLLINE AUX CIGALES
19 avril 2011

Joies vagabondes.

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Et puis, aujourd’hui, la joie m’étonne. De noirs soleils sont restés sous l’eau du lac. Je te vois lointaine et proche et ta forme veuve se délivre d’une présence d’os mélangés à des racines de gentiane. Une joie diffuse devance mon souvenir et la détresse qui l’occupe. Elle rutile et s’empourpre de mes chaos devenus des lézardes et des rides à ma mémoire. Dans le port à vestiges, des centaines de bateaux tirent sur leurs attaches en faisant grand bruit. La mer houleuse pénètre, à demi mots, l’enclave murée de ses ondes tourbillonnantes. Ma langue gorgée de sang lape un trou d’air au fond de tes yeux. La joie brille comme un enfant stupéfait s’émerveille devant son premier vélo. Je la pressens, puis la sens, comme un rêve trempé, comme un rêve presque éteint. Une funambule dans l’invisible miroir de temps qui se déhanche et hoquette pour éviter la collision avec le réel. Il faut être vide pour maintenir l’équilibre.

Ma joie restructure ce qui a cogné. Elle m’émancipe. Elle reconfigure l’inéluctable tragédie de vivre sans toi en inoculant de la saveur aux heures bleues qui déposaient un peu de ciel dans nos bouches.  

Dans notre hangar de privilèges, les lucarnes reçoivent la lumière et ta voix vient chanter à mes oreilles. C’est l’heure du goûter et nous tartinons notre pain de confiture. Tes yeux grondent de plaisir. Tu joues et m’entraînes aux bords de tes nuages. Il fait doux. Ce n’est plus le monde qui nous tient, c’est nous qui lui dictons nos fous rires. Nous promenons dans les fruitiers aux abords de notre maison. Nous espérons trouver les branches sur lesquelles grimper pour nous y asseoir et rêver. Et, lorsque légers comme des cheveux d’ange nous sommes transportés par la fine brise de nos murmures, la joie nous rebaptise de son parfums sucré. Nous voilà transformés en chevaux sauvages et c’est la course au bonheur.   

 

Il y a toujours un lieu d’amour, un lieu de ferveur, un lieu de prière. Un lieu d’une première fois, un lieu de croyance folle pour donner au combat de l’amour toute sa puissance. Un lieu d’abandon où le vertige n’a plus d’appellation tant il incarne l’unité balbutiante qui secoue notre présence au monde. C’est un lieu de vérité, un abîme exorcisé des ténèbres, et je te retrouve dans ce cœur mille fois brisé, dans ce cœur de chair vivante où je te croyais disparue.

Petits bouts de plaisir mis un à un et côte à côte comme des bouteilles de champagne, chandelle éphémère des clartés intenses lustrant nos caves de blanc précieux… Nous avons récolté le rire et moissonné la joie à pleines brassées. Nos corps se sont huilés comme des lampes et nous avons brillés comme des astres dans les ténèbres de la nuit.  

Aujourd’hui, tu habites le bout de mon improbable, l’extrémité de ma jetée saillante, de mon port vidé de son eau où les anneaux de certitudes sont rongés par le sel de ton absence. Un trou dépeuplé où les ancres restées sur le sable rappellent les larmes des femmes de marins dont l’être aimé n’est jamais revenu.

Seul, je m’abîme à brouter le temps qui ne sait rien des adieux. Je coule et m’ensevelis dans chacun de tes ports puis je m’envole de mon ciel pour rejoindre l’ombre de tes soleils.

Aller à toi, vois-tu, c’est toujours traverser le miroir… c’est traverser quelque chose d’étanche, quelque chose de crucial, de primordial, de décisif. Quoique… Je n’ai pas trouvé de véritable définition au terme : « fondamental ». Mais, je sais que cette invisibilité vivante est à l’origine des vestiges éparpillés sur lesquels je continue à marcher sans les voir. Tu identifies l’amour et cependant je ne sais toujours pas le nommer comme je l’entends.

Sans doute parce que choisir ce qu’il conviendrait de conserver de toi serait l’aveu d’un renoncement piteux. Parce que chaque route, avec leurs multiples croisements, oublie toutes celles qui auraient pu être empruntées par la tentation de fuir ou de geindre. Parce que je t’aime de mon présent sans rien pouvoir écoper de cette transparence dans laquelle je m’embusque comme un oiseau craintif de quitter son nid.

 

Je le sais pourtant : le monde a des accents, des vrilles de sons, des intonations plus ou moins traduisibles. Mais, l’amour est à l’espoir comme le sont les aubes qui grimpent dans les ondes vagabondes où se retrouvent les poèmes immergés de nos enfances friponnes, de nos recommencements incompréhensibles et de nos pourquoi intarissables.

Une vague notion de liberté se mélange à l’identité de nos êtres. Et nous avons cette folie que de croire en soi, puis en nous.

 

Est-ce donc une raison suffisante pour s’emmailloter du caractère insipide d’une liberté conquise ?

Nous savons pour en avoir déjà parlé ensemble que la seule liberté qui nous est donnée de vivre réside dans les choix que nous occupons avec détermination. Nous savons que nous choisissons en fonction de nos humeurs et au gré du hasard qui nous assomme de ses salves impétueuses.

Quel autre choix que de ressentir ou d’inventer ?

Nos remous ne sont pas de simples attractions. Nos tourbillons ne savent rien du tumulte qu’ils produisent. Ils sont le décalage violent entre réalité et illusions, entre la souffrance ressentie et non déductible et la beauté que nous accordons à l’amour inconditionnel. La vie est un exode sans protection, il nous faut paradoxalement mourir mille fois de mille échecs et douleurs variées pour nous renouveler dans la peau de l’espoir. De la mémoire, il nous reste seulement l’immédiat. Nous n’en sortirons pas, le présent est le seul temps incontestable que nous imprimons à nos mouvements. Nous sommes là d’un seul pied et nous faisons la nique au reste du monde. 

 

Que reste-t-il comme preuve de ton existence ?

Alors que la vie continue sa course insensée, que reste-t-il de tes rires, de ta façon de parler, de tes yeux grands ouverts… ? L’amour que l’on te dédie, nous qui t’avons tant aimé, est une obole, une dette, un parchemin où nos marches défient ton absence.   

Ma langue est gonflée de graines éclatées. Je ne sais pas reproduire l’été. Je t’aime d’aujourd’hui à hier, et plus seulement dans une chronologie rituelle orchestrée par les hommes et la terre. La lumière de ton coeur dissipe le temps en lumières sucrées, en myriades tintées d’apocalypses. La vie me brûle, mais jamais autant que tes braises. Toute la force du temps s’est réunie dans nos âmes. Il n’y en a plus qu’un seul, unique et nôtre. Celui de l’illusion devenue une vérité plus grande. Celui de l’émotion qui conjugue tous les verbes à tous les temps. 

Tu vois, les jours s’écharpent et ne se ressemblent pas malgré leur continuité obsédée, malgré la constance machiavélique d’une durée réprimée dans le linceul du néant. Seule s’imprime la tache mille fois répétée du tic-tac des cœurs. Les flonflons se dissipent et laissent place à l’essentiel. Mon corps se courbe comme un roseau et je vois encore tes yeux crier la vie comme si le cours de la bourse s’effondrait, comme si la valeur qu’on lui attribue avait perdue toute la confiance du monde. Sale image restée sous mes paupières pour empoisonner mes yeux !

La vie est récurrente et nous laisse dessiner peu de croquis et peu d’esquisses par rapport à l’immensité que nous pouvons toucher de nos doigts. Depuis ton départ, chaque jour je me confie à toi, je te parle à voix haute, je t’invite en secret dans le ruisseau où se déverse doucement l’avalanche de mes émotions. Et, je ressasse l’optimisme qu’il peut y avoir à t’enlacer dans le cheminement du désordre que je voudrais pouvoir ranger, aligner, comme des vagues venues du tremblement de la lumière qui s’éclate dans mon refuge.

nu_10fIl ne s’agit pas de traverser la mort comme on le fait d’une ombre plate, d’un tunnel Alpin transperçant la montagne. Non. Il faut d’abord perforer les murs qui clôturent et cintrent les dogmes puissants d’une sagesse de raisonnement. La réflexion expatriée aux antipodes de l’humilité. La pensée réduite à un filament de lumière dont on extorque sans complexe la petite jubilation humaine de la maîtrise, du repli de nos natures excessives, cruelles, égoïstes et lâches.

Mais, tu es toujours là. Et, tu me happes fort. Même mes grains de peau parlent de toi. Ta réverbération est une ovation à cette loterie d’existence qui ne propose que des chiffres déjà effacés. Des mouettes quittent le dessus des mers et viennent s’installer sur le bitume chaud qui entoure nos embrassades et nos paroles amoureuses.    

Il y a décidemment trop d’excès de vérité controversée dans cette peuplade d’encéphales habitée par les hommes. Toutes les croyances nous enchevêtrent inexorablement à la folie destructrice de la dérision et du cynisme. Aucune pensée ne guérit seule dans le brouillard des idées. Nous sommes blottis dans l’univers comme deux serviettes épongent les débordements. Nos cœurs ne supportent plus la minerve. La censure de l’éloignement décuivre nos veines et la forge crache ses souffles brûlants sur nos visages statufiés.

 

D’un chemin investi… d’ombres et de louanges. La pierre s’use, s’éclate, se fraie, s’inocule, boit… et recommence. La tiédeur qui la pénètre s’étale sur la longue baie du temps et répète la durée pour amoindrir la distance séparatrice. C’est épuisant, même le vide nous surcharge de craie blanche.

Allons gratter la lune… Ma frangine d'amour, ma maman, ma fille à moi, ma toute belle. Ta voix s’élève…unique...pure...UNE… Orpheline et glorieuse sur les sentiers de nos partages.

Derrière chaque mort, nos yeux curieux ont tendu leurs mains et leur langue spongieuse afin que chaque cimetière d’émotions ne soit pas clos par la seule éternité immobile. Et nos cœurs à la lisière des foudres s’étincellent comme des boyaux de lumière, et nos paroles s’effondrent sur les caresses qui claquent comme des vagues sur la roche dure des falaises abruptes. Tu m’as suivi au pinacle des raccourcis, et nous voilà démunis comme des anges sans ailes qui échangent le lait de leur solitude de quartz, d’écailles et d’algues vertes.  

 

La joie n’a pas de morale. Elle dérange les papiers, elle dérègle les images claires, elle cicatrise et ajoute à nous-mêmes quelque chose qui nous ressemble.

Ici, ma sœurette, nous entreprenons la conciliation de nos vœux les plus chers et de nos pensées les plus innommables.

Ici, le repenti n’existe pas. Pas plus que la culpabilisation.

Ici, nous pouvons concevoir que nos vies sont des révélations de l’infini qui pour nous ne se termine pas. Nos adolescences traduisaient déjà, en partie, ce qu’il nous aura fallu endurer avant que ne vienne la grâce de la joie qui irrite le jour de ses épreuves.

Ici, nous nous regreffons de l’usure des souffrances, à la lie des spectacles iconoclastes, et des violences râpeuses.

Ici, nous nous délions comme une fonte de neige qui n’a pas encore connue la fluidité de l’eau. Comme des cheveux emmêlés qui n’ont pas connu le peigne.  

Ici, nos charpentes ne sont plus que des reflets, des greniers façonnés dans le bois et le masticage des heures de miel, de sel et d’égratignures. Tu avais juste dix-sept ans et le désir était un glissement. Tu en avais dix de plus et c’est toi qui glissais. Comme d’habitude, tu étais la surprise. Comme à ton habitude, tu as glissé jusqu’au bout de la pente. Têtue et obstinée à rouler jusqu’au fin fond du noir. Sûre de toi comme le sont les mots lorsqu’ils s’enferment dans le tombeau des bouches cousues. Convaincue que la rengaine des heures n’avaient plus rien à te dire, plus rien à t’apprendre qui ne soit une paix heureuse à partager.

 

Les boucles de tes cheveux noirs batifolaient au-dessus des pyramides que le sable de nos déserts recouvrait déjà comme un voile de fumée où la détresse cachait ses secrets au fond de l’oubli. Car, rappelle-toi, nous nous sommes oubliés à trop pigmenter nos miroirs, à trop bâtir l’instant des heures sournoises et griveleuses là où nous avions accouplé nos prières. Tu vois, la joie est un pays qui ne s’habite pas. Une terre capricieuse pour les fleurs fragiles. Elle ne se touche que nue et ne s’apprivoise pas. Nous lui sommes dévoués et c’est elle, malgré cela, qui nous accomplie de son sacrement. Nos sourires dorment dans des forêts noires, et nous tintons comme des cloches perdues au fond de nos destins ensorcelés à la tragédie du monde des hommes. Nous sommes ce village resté intact sous les eaux du lac artificiel.

 

T’attendre encore n’a de réalité que lorsque je persiste à te peindre aux couleurs de mon cœur. L’amour avant de porter une vérité, transcende l’être, dévie son devenir, trouble la limpidité des sources. Le provisoire calme s’exténue à poser les limons, et la moindre secousse provoque à nouveau le bourbeux épais de son lit d’apitoiement. L’impatience flotte dans la respiration. Nous volons comme du plomb devenu mousse d’écume. Nous créons pour ne pas disparaître. Et, je t’écris pour te rejoindre dans le flot aérien des commérages futiles et des ragots frivoles. L’écriture commémore l’événement inscrit dans nos fibres, elle ouvre le sémaphore sous la dictée de nos sens, elle boit à la lie qui nous traverse.

Dans ce ratissage des mémoires, ma langue est un porte drapeaux, mes lèvres sont le fleuronpablo_picasso_nu_sur_la_plage fiévreux des envolées sémantiques. Elles sont sculptées à la traverse des ponts morcelés par les gouttes de sel des durées éclatées. Elles sont des fleurs sauvages essuyant les bourrasques du vide. Les heures mises en jachère, au hasard des butées que les songes savent bourlinguer.

Viens avec moi, allons piétiner les épouvantails du manque et de la carence. Traversons les miroirs comme des étincelles provoquent la nuit dans son sommeil carcéral. Il nous faut extraire, sous le brassard du temps, les heures vierges qui dérivent imperturbablement vers cette armoire d’imaginaire. Il nous faut extirper du cachot des ombres ce qui vit de notre mort. Il nous faut réorganiser l’insolite de la matière.

Nos sphères sont des lunes pointées résistant aux dilatations de l’exil. Au bout de nos vies nous entrons dans la mesure inconnue de nos soifs. Supposons la halte avant le désencombrement. Les gouffres ne se purgent pas. Trop profonds, trop immenses. Je regrette déjà le goût des fruits et l’odeur de la terre. Laissons nos puits absorber les méandres et les roches pointues. Laissons l’heure à ses comptes. Cédons le pas aux traces nouvelles. Fuyons l’intention de laisser une marque derrière nous. La plus grande poésie est dans le silence. Achevons le chemin de notre gorge de chair où notre sang s’enfuit.

 

Où que soit ton perchoir, mon désir dévore ton ombre plongée dans la vase séculaire. Je transpire la profondeur de nos vendanges tardives comme une métaphore renvoie l’écho de ta silhouette. Fasciné par les images palpitantes. Au point de les croire plus inextinguibles que le réel, plus vivantes que le breuvage du soleil. Je suis imbriqué aux pieds de ta fluorescence et la lueur parle de toi.

 

Toute la vie, nous sommes poursuivis nos élans et nos actes. Et si la mort ne venait pas mettre un terme à nos amertumes d’être, à nos excroissances délictueuses, l’existence serait un cadeau empoisonné, une parodie de la souffrance, des blessures sans espoirs.

C’est à la fascination de l’impossible que nous devons les forages les plus inhabitables. L’utopie est la nécessité ultime de nulle part, de tous les lieux, de toutes les aires fécondes. Elle déroge à la condescendance des courtoisies morales. L’illusion fantasque dessine devant nous la part ensevelie de nos demeures provisoires et de nos surenchères.

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Commentaires
P
sourire s'étire comme une aile.. sur mes plus lointains océans ..!! <br /> A vous, une nuit belle !<br /> Anne
B
Merci, Anne. Tangue, tangue... Les mots pleuvent, les idées chutent, l'écriture s'efface. <br /> La mémoire réactive, et nous voilà, encore, hors de nous-mêmes. Et sur la balustrade chacun crie : je suis le roi de monde !
P
..."L’écriture commémore l’événement inscrit dans nos fibres, elle ouvre le sémaphore sous la dictée de nos sens, elle boit à la lie qui nous traverse"...<br /> <br /> Essence d'être, toutes ces lettres,<br /> en jeu de mots sur ton bateau.<br /> Je tangue de te lire, et même je délire... <br /> (hihi)..<br /> ...et je te dis : pour moi, quel plaisir !<br /> <br /> Merci <br /> Anne
B
Sedna : <br /> Tout à la fois un refuge et un exode.<br /> Mon pays d'écriture n'a pas de frontière. Je sens donc je suis ! lol
B
Oui, Nath, l'acte est ! <br /> S'accomplir est un partage.
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