Ecrire pour ne pas mourir de suite.
Jamais ailleurs, le temps se foudroie lui-même, lui qui ne berce que l’obsolescence de la marge où l’on cloue les heures qui s’amoncellent. Il consacre à mon amour chaque seconde où la volonté se concentre sur sa chute.
Je n’écris plus pour délivrer la mémoire, mais seulement de l’encre à laquelle je bricole des mots. Parce que le temps consacré à te dire n’est plus qu’une forme de flamboyance enregistrée dans les sépultures des souffles qui me maintiennent encore. La gloire de ce qui s’écrit est une bave d’émotions. Une expression d’être qui pioche dans le lointain un éclat de senti, un pourparler d’amour, un négoce claquemuré dans la mayonnaise de nos cendres devenues pour un temps cette sorte de présent sans souffle et sans véritables ardeurs. Toi et moi, nous le savons, il n’y a rien à attendre de notre naissance au monde. Seulement l’insignifiance de nous percuter à l’insignifiance elle-même. Un temps consacré à l’infini, et nous le pourchassons de nos rires pour croire à la définition du destin : « Puissance extérieure à la volonté humaine » dit le dictionnaire. Pourtant. Nos vies sont l’écriture du temps. Et, nos dévotions, l’amplitude que nous acceptons de lui consacrer.
Le temps est clair de l’amour que nous lui accordons. Jadis, nous avons goûté aux étoiles qui chantaient nos certitudes sans vraiment savoir ce que retiendraient nos mémoires. Aujourd’hui il ne me reste que l’écriture pour raconter le décroché de mon cœur. A croire que se souvenir est une perte. A supposer que la mémoire n’éjacule que l’amour perdu, ainsi que la détresse des jours ensevelis où se sont entassés les rires qui ont peuplés nos certitudes d’alors. Tu vois, nous sommes entiers de nos déboires comme nous sommes perdus de nos affections. Ce qui demeure, c’est la poussière que nous pouvons laver ensemble de la tourbe d’où nous venons. Rien d’autre. Rien de plus. Ecrire c’est défier le monde en supposant qu’il ne soit pas nôtre.