^^ - Y - ^^
Tu le sais, ma doudou d’amour, j’ai vu jusqu’à devenir aveugle. Et sur ce sable taché traîne encore des coquillages vidés, des châteaux inachevés et dépeuplés de sens. Je suis impuissant et rompu à d’incessantes bouffées de déception qui limogent l’errance de ma marche névrotique.
J’aimerai pouvoir te dire que le passé d’où je t’écris est désert. Qu’il n’y a plus rien et qu’il n’existe que ce présent que je t’offre. Mais, j’aperçois dans les courbes d’hier des miettes encore atrophiées et encore sous le choc. Dans le cœur de l’instant l’invisible parvient à s’insurger. Des souffles silencieux écrivent sous la terre, plus bas que les racines et les veines du temps. Des signes de coup de balais vident leurs armoires. A l’encrier tutélaire la plume fine et pointue arrache les derniers mots reclus dans le nu étonné de la mémoire des pierres. C’est une poudrée de l’intérieur du jaspe, une argile sédimentaire où l’infini a fait son nid. Et, je t’écris le silence qui rêve. Dans cette marque parfumée abdique l’existence des remords. Le chagrin fait bourgeonner le miracle où se penche l’odeur d’une naissance. Du talc et de la pommade cicatrisante. Ce que j’écris est dans les parois de l’air invisible. Là où ton absence est lourde comme le monde. Ton règne est la balafre de mes rêves. Une longue ligne écharpée traversant mon cœur. Tu es debout dans mes yeux et me regardes.
Hier c’était toi dans la blessure. Aujourd’hui tu tapisses ma respiration comme une odeur de lavande où vont danser les abeilles. Du miel naîtra bientôt à l’outre-tombe des mots et des écritures.
S’il n’est qu’un piètre sang, qu’un cercle de mots inutiles, qu’une alliance liquide et volatile. Tu es ma voyante-veilleuse depuis le germe du jour jusqu’au bout de ma mémoire. Les nervures humaines du temps accompli sont ces cendres sans poussière où se déplie le blanc fossile dans un rivage jusqu’à nous. Un fil, un souffle, dans nos battements de cils ajoute au soleil une espérance que seule l’audace des cœurs s’époumone à partager. Nous mûrissons de la grappe fragile où chaque parole devient un port. Et, nous voyageons dans le mot tels des comparses joyeux que nulle altitude n’effraie. Nous plongerons dans l’avenir pour lui dire le fusain de nos voix rassemblées en une chapelle de craies douces.