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LA COLLINE AUX CIGALES
18 février 2010

L’amour et la mort : deux fatalités tragiques. (Suite 4)

021

Vivre de sens, d’émotions, d’idées-[aux]. Prononcer sans discours tout son royaume dans son regard. Avoir le geste du mot non plus dans la parole muette d’expression sonore mais dans le dire du songe qui nous évoque.

J’ai tant couru à l’heure où mes jambes pouvaient me porter, j’ai tant dissipé les malentendus des frasques cuisantes derrières les ornières des servitudes qui savaient taire. Guettant la mer dans ses buées crépusculaires pour chercher à y voir une lune baveuse extraite de l’écrin du ciel. J’ai tant précipité le temps à répondre à l’avidité sans cesse renouvelée que l’enthousiasme fait naître au fond des roches, riche de ses pulsions à déchirer la litière des étoiles, appauvrie de n’avoir su flirter qu’à la surface des choses, des autres et de moi-même. Confusion contorsionnée aux dérisoires des pressentis toujours en cavales vers d’autres futurs imaginés plus audacieux, plus complets, plus à même de répondre à l’urgence que c’est elle que j’ai vécu plus que son suc. Je me suis précipité à vivre comme ceux qui mangent trop vite de crainte qu’il n’y en ait pas assez, frisant l’indigestion à chaque repas.

A l’heure où les aiguilles des pendules sonnent le pourpre des heures assises sur le banc des souvenirs, le tableau ressemble à un flou discontinu n’atteignant que par la couleur la densité des parfums parcourus. Que reste-t-il des bouquets de roses si ce n’est de farfadets pédoncules sans plus de pétales qu’un chauve n’a de cheveux.

Les alcools passés ont sus taire les éprouvantes querelles que la raison sait inoculée aux mœurs débridées. L’autodérision saillante a su moucheter les parodies de l’être profond jouant son théâtre à l’être paradoxal. Si bien exercé à polir le frustré qui loge les cupides extases des surfaces avec lesquelles les jeunes peaux savent jouer.

Aujourd’hui, la lune n’est plus que de papier prête à être pliée en formes désuètes d’avion pour taquiner le ciel et les étoiles filantes. La conviction qu’il me faut quelque chose de plus que moi pour être moi demeure à mes initiatives d’exister. Les dents serrées des rêves à demi clos, la bouche des ondes à demi ouverte à l’horizon disponible. L’errance se profite d’elle-même et vagabonde comme une craie incolore dessine des paysages probables que le hasard incite à avouer. Et si de moi, c’est l’ombre que l’on touche, c’est d’être aussi distant de mes sculptures de sel que proche de mes émanations à fournir au réel sa part de paraître. Savamment attaché à me gommer pour me disparaître, dans l’inconcevable de disparaître à mes empreintes, je me risque à l’opiniâtre révélation du tangible qui entoure de ses remparts ce qui ne peut se disculper. Un combat perdu d’avance, une épée dans l’eau.

Ce qui nous contient, à nos pacifiques révélations dans l’évasif de nos restrictions les plus soupirantes, nous abjure en même temps de nos sagacités purulentes.

Du sens aux sens. Les témoignages que le corps voudrait offrir à l’équité de ses perceptions oblige la vie à s’émanciper de ses croûtes pour offrir au vivant le ramage de ses sacrifices à s’instruire de sa native prépondérance à s’exulter comme l’on crache des grains de vie aux visages des morts toujours trop associées (ensorcelés) à nos élans. C’est d’aller qui compte, c’est d’aller qui marque le pas pour devenir, c’est d’aller qui n’a de cesse pourtant de nous rappeler l’existence immédiate.

A l’infini définitif. Il y a des ciels de semence même en plein hiver. Des horizons de blé jaune et craquant, des livres de pages blanches illuminés du sillon de tes yeux à inventer l’écriture invisible matrice que ta poitrine ressasse.

Ta vie s’écrit sans chercher le mot.

Et si je viens d’ailleurs c’est pour rentrer dans tes yeux plus qu’une lame de jour et plus qu’un adieu de larmes.

Et si maintenant tout est si vide c’est pour tu occupes tout le temps qui s’ouvre.

Rappelle-toi ; l’enfance a survécu de ses chagrins, nous survolerons nous aussi les lunes grises que nous pouvons déjà racler comme le fond d’une marmite.

L’émotion accomplit ce miracle que de faire vieillir toutes celles qui l’ont précédées.

Dans aimer il y a donner la vie. Plus que la vie même. Plus que la respiration des promesses de tous les vents. Tes mains sont des oiseaux qui sillonnent mes reliefs. Tes ailes renversent le ciel pour me porter à terre et me jeter à tes pieds.

Tu es tellement amour que l’amour ne croit plus en toi. C’est toi qui l’habite et lui qui te dévêt. Une vie entière reste accrochée à un seul de ces instants.

Mes cris sont jaloux des tiens et tu me traverses comme un feu s’enfonce dans le soleil et tu fais éclater ma boussole. Les quatre coins du monde sont le carré de ta profondeur. La surface identique des lignes qui se tiennent par la main. Ma vie et les fleurs se battent comme les hommes luttent à la tempête pour ne pas chavirer au chaos.

J’ai la pluie de ton souffle dans ma gorge pour arroser mon horloge. Je sais à présent que l’infini à ton nom.

Ce qui s’en est allé ne menace pas tant par son absence sans ciel que par ce qui est parti avec. Cette parole qui faisait un ruisseau de douceur avec les joues des anges. Parce que nous avons épuisé nos enfances le cœur de rose est mort.

Jaillissant aux crinières infantiles nos défuntes blessures que les feuilles recouvrent sous le regard patient des arbres. La perte consent de ses fragiles tâches rouges à l’épousailles des fuites à dire adieu dans le creux de son berceau. Une faiblesse d’un sang pur s’invente l’intermittence de la mort et s’éventre des ravins de son ventre. Un écho de survivance vient déchirer la buée des soupirs et la porte du temps s’ouvre sans que l’on sache ce qui est derrière.

Il arrive que le soleil se fracasse et se brise sur de simples nuages à l’apparence duveteuse. Il arrive à ce qui ne semble pas exister parce que pas vue de nos propres yeux que l’invraisemblable vienne creuser jusqu’aux racines jamais encore perçues. Il arrive à la tourbe de s’éventrer pour laisser grimper la tige fragile du frisson toujours au bord de faillir de sa peccamineuse nature.

Gouvernés par d’irascibles mémoires que nos cages de dentelles ne savent contraindre au silence, nous auscultons la peau du jour avec nos lèvres qui se voudraient sages. Notre fange disciplinée et notre désobéissant dans le même vase clos. Nous avons tant regardé la folie avec nos yeux vertueux et tant regardé nos prudences avec nos yeux dissipés d’extravagances dévergondées pour ne saisir de l’équilibre que cette canne blanche inconstante de ses stables combinaisons.

Il arrive que nos mystères prodiguent à nos perceptibles émerveillements bien mieux que le simple miracle de l’éclat. Ils cicatrisent nos chagrins et gomment nos effrois. Nous venons nous désaltérer dans leurs mains en offrande aux cascades frétillantes des sourires qui guérissent. Le bonheur se dandine dans la joie et la joie danse avec le sourire. Une goutte joyeuse se dépose comme une buée d’étincelles sur les parois du silence et la vie chante l’accent du sud dans le bec des hirondelles qui nettoient le ciel de ses surbrillances.

Il arrive de se sentir aussi léger que la parole et de froncer le sourcil du mot pour combler l’ombre d’une apesanteur tonitruante. Nos berceaux ont absorbés nos herbes vertes mesurant l’abîme qui nous sépare du saut léger d’un papillon.

Rire, pleur, sourire. Le temps s’étire sans se compter. Rien ne se démêle tout s’enchevêtre. Même les aiguilles de la pendule poursuivent leur course dans une immobilité tressée. La splendeur ne se reconnaîtrait plus sans la douleur. Rires et pleurs sont du même paradoxe. Et je m’épouvante à embrasser la tendresse comme un chat court après une souris. L’heure est mon miroir comme cette marre où la tracasserie a jeté sa pierre et où les reflets floutés se posent renvoyant une image déformée où le vague domine. La marque des coups dans l’heure qui frappe son temps éparpille mes rêves en mille éclats de songe inachevés qui irritent la surface. Au-delà du temps la mort se porte dans les yeux comme une lame sans fourreau. Disparaître, tout disparaîtra et moi aussi. Effacer, effacer la route des tumultes, gommer l’empreinte des pas qui jalonnent le parcours, le passage, le voyage. La rage au ventre de ne point saisir encore le dernier désir et celui qui nouveau s’ouvrira aux lueurs de cet arrêt. L’heure me résiste. En finir avec le finir, dire sa bave moussante de l’écume des jours qui n’ont pas faillis à réduire la distance de la nouvelle demeure, celle que l’on habite et non celle qu’on investit comme louée à l’emprunt des espaces sans heures ni temps.

Oui dire ou crier. Hurler ce qui ressemble à un châtiment et qui n’est probablement qu’une simple alternative qui récompense un prélude. Mourir pour s’échapper tout en demeurant soi au bout de l’horizon. Mourir comme préambule à la démonstration des minutes qui se chevauchent pour grimper vers je ne sais quel autre espace bleu. Comme si pour vaincre il fallait ne pas se dissoudre dans les malentendus des discordes fragiles de la raison des hommes. Il est des tenues allongées ou debouts qui s’effondrent de leur complaisance à se méprendre de la sûreté de respirer. Il est des chiffons de papier qui s’accolent aux rideaux que l’on tire désespéré d’y voir encore poindre le jour. Il n’y a rien d’ingrat ou de ténébreux dans ce discours de tombe, au contraire j’y vois dégringoler les larves des certitudes à vous faire croire aux barbes à papa et aux pierrots de lune accoutrés du manteau des bonnes mœurs insouciantes des charpies qu’elles occasionnent aux esprits incantatoires et mystifiés. Mourir à la bonne heure ! Mais mourir de son irrémédiable constance à se soulever sous les pierres pour effrayer le regard surpris des mépris du noir qui se balancent en se défroquant pour s’offrir au blanc.

Il est des jours heureux où je voyage sans craintes jusqu’au bout du silence. Des633px_Edgar_Germain_Hilaire_Degas_045 moments de joie qui résonnent des rires d’enfants dans le champs d’à coté et où regarder par la fenêtre embaume mes yeux aux couleur du thé vert où nage la menthe fraîche. Il est des jours simples qui ne traquent pas la mélancolie aux bouffées de cendres encore vivantes et où il ne pleut pas des copeaux de ferrailles dans la tête et des grisailles dans les yeux. Des jours simples qui sentent bons les fruits suspendus sur les murs où se fondent les retours d’aubes que la nuit n’a pas connue. Il est des jours légers comme la poudre que les mains laissent échapper lorsqu’elles pétrissent la farine des futures tartines qui croquent sous la dent à l’heure du petit déjeuner. Il est des jours sans écharpes, ni bonnets, ni gants et qui jouent pourtant dans la neige que l’âme invente pour lécher le blanc de ses sourires. Il est des jours où les mots d’amour ne parlent de rien, n’ont pas d’appels ni de demande, ni de souhaits tant ils sont l’amour lui-même, immobile de danse à tourbillonner du rire des oiseaux au petit matin sonnant. Il est des jours où la seule larme que l’on connaisse est celle du plaisir satisfait de son fou rire à déchirer le présent comme un enfant déchire sa poupée pour ensuite la cajoler de la peine qu’il s’est fait.

Dans l’hypothèse des jours qui se ferment pour s’ouvrir à nouveau, dans l’hypothèse de tes yeux qui se ferment à s’ouvrir et qui s’ouvrent à se fermer, je pose l’alerte de mes sens à te percevoir dans la fine douceur de l’intermittence où s’endort une bougie sur deux. Dans l’hypothèse d’intrépides infortunes jetées sous nos pas par la ribambelle des sursauts d’éveils lucides à déchirer les toiles d’Utopie où se dessinent les ombres furtives, je m’assigne à la veille des gardiens insolites de nos amplitudes restreintes aux pressions des désirs.

Nous ne saurons rien des naufrages qui nous ont conduits jusqu’aux extrémités de nos essoufflements, ni de nos pagailles restées insurmontées à produire nos déluges pour nous percevoir dans ce glacis de brouillard duquel a surgi l’intime orage de nos effleurements avec la foudre. Nos consolantes consolations enduites de crachats et de réprobations ont que trop murmurées le vertige de nos déséquilibres à nous tenir debout, face à face, de nos victoires sans pudeur, et de nos défaites à les consentir orgueilleusement habitées de nos consentements. Ils nous aura fallu tant renaître de cendres grises que l’hypothèse elle-même ne s’accorde bien qu’à l’incertitude de nos dérisions à nous pourvoir une fois encore, une fois de trop, de pas assez, et de multiples qui ne sont que des graviers parmi le tas de gravier et de sable que nous avons traîné à l’insu de nos approbations.      

Dans l’hypothèse des langues qui ne se dénouent qu’à l’intérieur des dires, des peaux qui s’effleurent des bruits sourds de la contenance de nos silences, de tes yeux d’huile où le pinceau glisse sans jamais pouvoir se fixer, dans le pli de tes soupirs à ne pas savoir la danse de tes musiques, dans le partage de nos mains qui ne retiennent que la chair laissant aux veines le soin d’étendre à tout le corps une inondation brûlante que le flair de la lune ne pourrait sentir sans s’évanouir aussitôt. Dans l’hypothèse qui ne peut être autre chose que la supposition de tous les improbables, je t’invente de ce que je ne suis pas et t’enlace de tous mes dons perdus. L’éventualité suppute jusqu’aux perspectives des horizons qu’un seul ciel ne peut contenir. Au loin, deux lumières s’écrivent du ventre, les seuls signes de leur halo fiévreux à demeurer irrésignés.

Aimer, tu l’auras bien senti est une marge inconditionnelle à tout conditionnel. Dans son épreuve à l’indifférence, les chairs se fanent et le cœur s’ankylose jusqu’au fourmillement des esprits en jachère. Tu aurais préféré qu’il soit facile et aisé à suivre le cœur dans ses balades affectueuses. Tu aurais volontiers fait allégeance aux sentiments qui te traduisent, soumise à l’identité de l’appartenance et à la l’implication unitaire qui t’enflamme à n’aimer que ces yeux là, que cette bouche là, mais c’est à tes dépends que tu t’aliènes des chaînes de ton consenti. Et si cette appréciation te porte et te transporte plus loin que toi-même, tu voudras bien mourir pour sauvegarder ta soumission intacte. Ainsi tout va contre le cœur.

Oublies-tu que l’amour est un artiste, un créateur, un innovateur qui se pourlèche jusqu’à ses extrémités les plus folles ?

Aimer c’est être fidèle à ce que l’on est dans la mansuétude de l’autre, dans sa bienveillance à nous accepter de nos défauts pour nous conduire à sa qualité. D’une simple lumière faire un soleil tout entier. D’une simple estrade vide faire tout un théâtre. Aimer se conjugue à l’enfance et ne connaît bien que le langage des signes. Nos cercles sont des bulles qui s’augmentent des infinis pour aller mourir sur des rives qui n’existent pas. Nos yeux sont des pétales et nos élans des figures impalpables qui dessinent les circonvolutions d’une rose étourdie que l’émerveillement inonde. Aimer c’est s’approcher du vide de soi et de l’autre pour y jeter nos ancres. Laisse-moi pénétrer ton rythme, laisse-moi me deviner à l’intérieur de ton parfum, laisse-moi m’empêcher de t’aimer. Au retour de mes instincts outrepasser l’empêchement, déborder la rive inexistante, prolonger l’indéfiniment, et blasphémer mes incertitudes. L’amour questionne, interroge et doute de sa vérité. Il est le lien incontournable de nos désordres à nous ordonner d’une ligne, d’un trait, qu’il nous faut effacer pour n’avoir de cesse de recommencer. Nous ne pouvons que nous aimer d’un cœur sans fond. Regarde nos mains, elles s’effacent, s’évadent et s’évaporent de chacune de nos caresses. Ce n’est pas ce qui reste qui est amour c’est ce que nous en faisons, ce que nous en vivons, ce qui nous modifie et nous change dans le prolongement de nous-mêmes et qui jamais ne sort au-delà de nos sillages à nous interpréter, à nous magnifier, à nous juxtaposer de nos intermédiaires, de nos épanchements à voyager de l’un à l’autre. Aimer c’est le démembrement de nos passés associé à nos errances. C’est la souche mère de nos déserts à nous répandre au-delà de nos gangrènes. Je te sais et te reconnais de ton incomparable. Tu m’avales et m’engloutis en tes dédales aux failles rougies et je ne suis vivant que du sursaut que nous accomplissons ensemble pour effondrer toutes les frontières. Aimer, tu l’auras bien senti est une rareté d’abondance sans fortune autre que nos lèvres réunies sur l’horizon qui chute dans le précipice de l’inconnu.

L’amour que l’on possède est le possible de notre liberté, celui que l’on convoque à tout prix est l’instrument de notre servitude. A toutes les nuits communes d’absence où notre coeur invite à l’assemblage des âmes sous les draps d’émotions douces, la place reste vide mais le sentiment garde les bras ouverts. Aimer, n’est pas seulement se jeter à corps perdu, c’est aussi sortir de soi pour s’aliter dans la couche moelleuse d’un exil dont on revient avec un nouveau visage. Le non retour à vivre exclusivement dans l’autre est mortel. Il nous faut rapatrier de l’autre seulement ce qui nous construit et non ce qui nous provoque à être en soi autrement que notre possible. Mais si la part des choses était aisée, nous ne serions pas nous et il ne serait pas l’autre. On se sert si peu de l’amour que l’on possède à prétendre à celui que nous n’avons pas. Nous avons la faculté d’aimer et nous voudrions nous aimer de ce qu’on aime comme si l’amour détenait le pouvoir absolu de nous métamorphoser à l’identique de l’autre pour que nous en rejetions ensuite la part étrangère avec laquelle il nous est impossible de conjuguer. La détresse et la tolérance naviguent dans les mêmes eaux sans utiliser le même bateau. Sans quoi, nous muons en un sous-marin aveugle des algues qui l’entourent et l’existence toute entière devient un immense rocher déposé au fond de nos mers.

Et je t’ai nommé. Un moment, j’ai pensé te fuir, ne plus te ruminer, ne plus être rongé, mais tu as pris forme au-delà de la connaissance dans une forme de désordre envahissant toutes les formes. Je t’ai maudit pour ce lit que tu as fait dans ma vie accueillant tes maîtresses en moi comme un vin à la cannelle mariant les deux éléments en une seule saveur. Tu as fait corps avec ce que je suis bien davantage que ces corps de rencontre où tu as grimacé tes envies des peintures de tes cérémonies à te partager dans la peau de l’autre. Tu as puisé à l’énigme comme l’on puise au désert la gorgée d’eau nécessaire pour ne pas mourir de soif, et qui laisse malgré tout à la soif tout son espace, toute sa rudesse. Tu as illuminé les sans motifs d’une vie ne connaissant de l’instant que le goût salé de l’eau de mer qui s’est évaporée sur le coin des lèvres pour que jamais je ne m’éloigne vraiment de la saveur du ventre maternel où la mer est un cœur qui résonne donnant le rythme régulier des battements de vie. Tu m’as infléchi là où une simple volonté m’aurait abandonnée à l’épreuve que le désir vient toujours paralyser en même temps qu’il intensifie. Entre ta bouche et la mienne, entre tes secousses répétées et le bien fondé de mes exaltations, tu as habité le berceau de la conquête pour en devenir au-delà des saisissements le guide incontournable des raisons submergées des vagues que fait gronder le désir, que fait s’élever la tempête que les orages remplissent. Chaque fois que tu m’as quitté pour faire mine, pour faire semblant, c’est pour revenir égal à tes fuites, et tes départs n’ont ressemblés qu’à des feux de pailles où un soleil fait sa valise pour quitter le jour, mais s’en revient abandonnant l’idée même du départ. Tu m’as précédé en toutes circonstances, ouvrant la porte que j’aurai sans doute pas ouverte, ou du moins pas avec autant de légèreté et de souplesse. Tu as aussi tué la connaissance pour la traduire en musique, pour la muer au silence. De cette musique qui accompagne la vie, du sacrement de la naissance à celle qui accompagne le mariage, à celle qui accompagne le tombeau le jour défunt où la musique s’arrête. En tout temps tu as gardé ce visage morasse qui donne aux yeux le regard de l’enfance. D’une candeur qui dépasse les âges ravissant quelquefois à l’émerveillement son déploiement pour tout laisser à l’étonnement. Chaque fois que j’ai voulu t’habiter comme l’on chevauche la fougue, tu m’as flanqué à terre, pour que je sache bien que nul ne t’habite et que c’est toi qui te loges où bon te semble. L’impossible maîtrise de tes grondements oblige néanmoins à t’accompagner sans faille, à te suivre sans avis, à te vivre sans mot dire, partout où tu t’allonges, il me faut me coucher avec toi. Tu es cet étranger que je n’arriverais jamais à savoir et tu es aussi cette part la plus intime de mon être. Et je t’ai nommé Amour.

Prisonnier de mon regard. L’émerveillement ne tient pas à ce qui est merveilleux mais à ce qui traduit nos âmes à s’émerveiller, à s’époustoufler. Mon regard porte les chaînes de mon temps et avec lui le joug de mes incapacités à voir dans le vu toute l’immensité. Chaque chose est un ciel. Tes yeux sont un ciel, ta bouche est un ciel, ton menton est un ciel, ton visage est toute l’entièreté des ciels confondus et réunis. Nous ne voyons que la réduction. Nous posons nos yeux sur les choses comme l’on pose des tamis pour filtrer le thé. Et nous buvons cette eau brune sans vraiment nous soucier de tous les parfums contenus. L’émerveillement n’est pas l’amour, mais la capacité de transcendance qu’il procure à nos sens, la faculté à nous étourdir de l’aisance multipliée. L’ubiquité à nous métamorphoser tout en restant à notre image. Gonflés et amplifiés comme une outre de carnaval à laquelle nous pourrions siroter des jours durant sans jamais être saoul, mais à être et à nous livrer ivres de nos brûlures et de nos fraîcheurs dans une cavalcade commune rompant avec l’opposition naturelle d’un chaud et d’un froid, inventant ainsi une amnistie aux règles jusqu’à lors connues. Un état et un espace intermédiaire ressemblant à l’enfance qui elle aussi ne se fie ni aux lois, ni aux règles pour ne se tenir qu’à soi. De nos regards nous avons appris à ne voir que ce qui manque, à ne voir que la béance qui nous tient en joug et à distance de ce que nos désirs souhaitent.

De nos vies tout ce qui se croise se décroise à un autre moment. Tisser et détisser est la seule façon de façonner l’ouvrage jamais fini car le but suprême est de n’en pas finir. Finir est mourir. Chaque couture en appelle à la découture. Et c’est dans ce temps de défaçonnage que l’on apprend à se réinventer de ce que l’on a acquis. Ce n’est pas d’avoir mangé une étoile qui nous dimensionne hors de nous, mais bien de l’avoir recraché sur un autre ciel. Ce n’est pas d’avoir vécu qui nous expérimente, mais c’est d’avoir mis au service du à vivre toutes nos facultés pour faire sien ce qui ne nous appartient jamais en réalité. Dans une parfaite mascarade à nous croire le centre de notre propre gravité, nous jetons à nos marges la réalité déplaisante. Le déplaisir augmente tous les plaisirs. Nous ne sommes Tout que privés du monde.

Lorsque notre enfance s’arrête en nous, tout s’arrête. Comment pourrions-nous construire la joie sans les yeux dépourvus de la connaissance ?

L’enfance demeure cette main qui se tend. Pose une pierre rouge à son extrémité et elle voudra la saisir. Repousse là, et elle suivra. Laisse lui la prendre et la toucher, et elle s’orientera vers d’autres pierres rouges. Adulte, tes pierres rouges n’en finissent pas. Nos extrémités ne cessent de se modifier.

Dans ce qui est, on ne voit pas l’ailleurs, on le soupçonne, on l’imagine. Forts de nos instincts, nous poursuivons. Ma réalité est de vider le monde de son poids écrasant pour donner au silence la saveur première, qui résonne encore en moi, du ventre maternel où la vie était un refuge. Il me plairait de voir de mes yeux fermés ce qui se cache sous mes paupières au-delà de l’exil.

Pour définir un contraire dans le sens d’une opposition, faudrait d’abord définir ce qu’est Amour. Est-ce un voyage, un désert d’ennui, une oasis d’horreurs, un dégoût de soi ? Ou tout simplement la seule façon de fuir au moins partiellement la solitude ? Pourquoi définir et juxtaposer Amour à Vérité ?

Quel sens donner à la vérité de son Amour ? Celui de la vie ? Celui d’un réel subjugué ? Celui d’un besoin devenu nécessité ? Celui d’une illusion à offrir au rêve sa part d’enjolivement ?

La haine est un refus, une contrariété qui nous prédispose à hurler le malentendu entre soi, l’autre et la réalité.

L’indifférence est la part silencieuse qui veille en nous pour nous permettre de1722_re résister sans renoncer et d’échapper aux verdicts qui pourraient nous détruire. Les deux sont des armes redoutables que l’homme ne possède pas puisque c’est lui qui est possédé.

Vois combien les mots s’enflent. Nous sommes des naufragés nés de la bourrasque originelle. Nos chemins sont des calvaires, nos ruisseaux des prières.

Dépouillés d’avenir dans l’ombre des sentiers d’eau où le passé s’épouvante. Nus et clandestins d’un périple qui ne nous appartient pas, que nous ne possédons pas et cependant que nous auscultons, que nous reniflons comme une terre d’asile, comme un corps où nos trésors brillent malgré la nuit, malgré l’invisible que le noir recueille au fond de ses tripes. Vagabonds dés sortir du couloir à vider sans relâche la pluie qui bruine sur le miroir où l’alouette s’est enfuie en quête d’autres tripots, d’autres radeaux. Au loin, au pays de nous. Cet être composé et recomposé mille fois comme une chanson devenue rengaine et que rien ne peut chasser, si ce n’est le refrain de nos cœurs dévêtus et de nos songes qui ont désappris.

Il n’y a pas de mort universelle là où beauté et désir ne font qu’un. Il n’y a pas de mort qui soit couperet des histoires sans matière. La nudité rassemble plus qu’elle ne dévoile. Nos attentes sont des gris qui désirent le noir et happent le blanc. Nos halos n’ont rien de comparable au divin, ils sont le divinement nôtre.

A nos bouches les mots qui enflent, à nos cœurs l’émotion qui boursoufle, à nos raisons le dilatement des surenchères qui bedonnent nos tempes et ballonnent le pouls de nos dires.

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Commentaires
V
Deux fatalités tragiques dont l'une révélée par ce magnifique texte s'accroche aux émotions des mots que pour mieux annihiler l'autre.<br /> Bien à vous B.<br /> Merci aussi pour certains silences entendus.
L
"Je resterai assis à côté de toi tant que tu seras devant cette rivière.<br /> Et si tu vas dormir, je dormirai devant ta porte.<br /> Et si tu t'en vas loin, je suivrai tes pas. Jusqu'à ce que tu me dises: va-t-en! Alors je m'en irai.<br /> Mais je ne pourrai cesser de t'aimer jusqu'à la fin de mes jours."<br /> <br /> (Sur le bord de la rivière Piedra je me suis assise et j'ai pleuré. Paulo Coelho)
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