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LA COLLINE AUX CIGALES
6 février 2010

Les mots d’amour sont-ils que des mots, ou des preuves concrètes et pragmatiques ? (Fin)

Marco_Guerra___Yasmina_Alaoui

A l’évanoui. Les mots courent… Dilettante incongrue. Tous les matins du monde s’agenouillent pour se rappeler le premier. Tête encore vide de sens, mes poings se serraient déjà. Une panique en moi comme si une écharde laissait s’échapper des cris stridents, comme autant de tribulations désemparées du grave sonore qui regorge dans la foudre des sons nus et immatures. Les coursives maternelles ressemblaient à ces longs couloirs de grottes creusées dans les galeries d’un ciel dont je ne me souviens plus s’il était en haut ou en bas. Sans doute des baisers et des bercements doux donnaient à l’espace ses premiers vertiges.

Puisque l’amour est ce chemin hors limite qui inonde le pas-à-pas, puisque le berceau était jonché de braises douces au dessus desquelles, à l’étuvé forniquaient des sédiments transportés au travers les âges, j’étais déjà cet enfant millénaire dont chaque siècle n’était qu’une goutte de cette ondée souple qui accueillait mon existence cristalline et dont chaque os n’était encore que des élastiques enroulant des fondements aussi antédiluviens qu’incompréhensibles.

Le premier mot devait danser parmi des balbutiements. Les syllabes s’entrechoquant à une réalité aussi floue qu’un brouillard d’automne, aussi épais que celui qui recouvre la mer lorsque l’eau est grisâtre, fondue au temps qui la recouvre.

Ma mère, ce premier autre indispensable, cette fibre vertigineuse qui lie et relie la peau au sang de la parole pas encore déflorée. Cette matrice aux corolles égarées, éparpillées parmi tous les bruits de la terre qui inondent le premier regard. Celui-là même qui ne sait pas encore s’étendre au-delà du visage charnel de l’abondance des ourlements délicats et doux comme des pétales d’une brise coiffant le plus grand des désirs : être et ne pas savoir ni en quoi, ni pourquoi. Juste le fracas de ce qui est tiède, chaud ou froid. Juste des appels qui crient leurs famines comme des pleurs résiduels venus de plus loin que soi, déjà.

On ne se laisse faire ce qu’on veut que lorsque nous prenons conscience de ce qui est bon. Or, ici ne se combinait que la pénitence de la matière à l’effleurement du jour qui pousse et grimpe comme un lierre invisible. Là où s’enroule le temps pour s’épancher de la lumière retrouvée au sortir du ventre qui nous a forgé tout au fond du puits du silence. C’est le jour qui est venu me chercher. C’est l’amour des chairs à se rouler l’une dans l’autre pour pétrir une glaise sans cesse modelée et pourtant toujours nouvelle, crissant sous le couteau à sculpter.

C’est en laissant venir le jour à soi, avec toutes ses fibres et ses empreintes cachées au chevet du monde, que je fus ce buvard, cette éponge à boire dans le cœur du tourment maternel. Expulsé comme une bouffée sporadique de lave préconçue dans la brûlure elle-même, le chemin circulaire empêchant de voir le bout de l’horizon, j’ai crié des larmes pour tarir le désordre issues de ce piétinement immobile où se transfigure le paradoxe pour se résumer en un fragment d’unité potelée aux joues roses et à la peau douce. J’ai crié ce bouillonnement qui reconstitue l’humanité qui l’a toujours habité. J’ai crié le berceau du jour comme si c’était celui de la mort du temps, alors que la pendule sonnait les premiers instants. Alors que l’ivresse se malaxait déjà à l’empire environnemental. Alors que vivre n’habitait qu’un soupir et que le songe se convertissait en une réalité souveraine. Alors que le dire n’était pas encore défini comme une matière : qu’il n’était qu’un ensorcellement redondant d’une expression nue ; pas encore un récit.

Cet instant mendiant qui appelle, qui soulève les jupes du vocabulaire pour chercher à voir la fente par laquelle s’échappent les mots. Comme si dans une demie pénombre, l’enfantement était divin, plus divin que divin : suave.

L’immense langueur de l’exil expatrie aux marges des repères, en dehors des grillages de l’heure éconduite sous la bonne volonté des consciences qui cherchent à concilier puis à pactiser avec la seconde heureuse qui doit enivrer toutes les autres par la luminosité et la flamboyance de son immanence à rectifier les heures plates pour les gonfler d’absolu comme si une virulente tempête pouvait naître dans un simple sceau rempli d’eau iodée.

Dans les yeux de l’autre le temps passe de façon indéfini, illimité, tout est immédiat et nous désempare des idées parfois glorieuses que nous nous sommes appropriés d’un temps que nous avons vécu denses et intenses, aussi complet que nous l’avons cru total et plein.

Le message se transporte sans que son contenu soit véritablement apparent. Le filtre à la rupture des chairs ouvertes laisse bailler la vie, là où tout l’attend comme un miracle. Déjà, l’autre était ma passerelle, mon accès au plus secret de moi dans une connexion libératoire. Déjà à l’enjambement des sources se produisaient des éclats à donner de la voix à l’autre. Déjà, la construction s’alitait dans le débâti des ruines laissées par l’avant, l’incommensurable avant.

La vive part de soi-même délestée comme un planeur en perte d’altitude donne au vertige une dimension surnaturelle. Dans une vie soustraite au voyage, l’envolée est une expression du pas-à-pas qui a perdu contact avec la réalité pesante, lourde de son poids de fagots accumulés. L’envolée est l’inconcevable à la portée de la transgression.

L’invention récente du bonheur a surdimensionnée la tristesse et la nostalgie. Nos yeux portent l’empreinte des mascarades, des théâtres des hommes, des comédies insensées, de leurs ivresses comme de leurs périples. 

Pourvu que croire ne soit pas aussi le mensonge des envies qui s’agrippent et s’enroulent à nos lumières qui ne vieillissent pas.

Nous dormons, fragiles comme du cristal, dans nos yeux, dans ce que nous voyons, dans ce qui se reflète par la lucarne de nos émotions. Tout y est fragile, léger et flottant. La simple brusquerie d’un courant d’air et tout s’effondre. Tout s’écroule.

Me voilà en quelque sorte terrassé puis vaincu. Renversé, dompté par l'émotion, mis à mal par la révolution d’être. On n'ose dire le branle-bas auquel nous conduit cette existence dans sa torpeur initiatique. Le risque nous remplit autant que la peur qui en naît. Me voilà vivant et déjà dépourvu, allié à l’angoisse comme à une deuxième peau.

Me voilà azimuté par l'ampleur cosmique de cet ouvrage foisonnant, où l'abondante richesse, la profusion pléthorique, le déluge opulent, l'exubérance foisonnante, l'ahurissant prodige, la fabuleuse démesure, signent tour à tour la réussite de cet événement. Bref : le bouleversant remue-ménage qui nous évanoui à la réalité qui éclabousse.

Je devrais te penser davantage parce que tu es probablement en moi bien au-delà de ce qui peut se soupçonner… Tu entends crapoter le jour qui vient et où j’arrive, et mes yeux sont dans toi comme une perte ou un abandon.

Cette préface n’est pas une métaphore, un moyen de distanciation autorisant le recul nécessaire pour maîtriser le chaos d’un réel exponentiel, où se trouve ainsi, comme mise en abîme, la réalité ordinaire de toute chose et par là, celle toute intime de chaque existence, puis la vôtre sans doute… évanouie dans ce qui se voit. Les mots courent et la parole traverse une éternité qui reste à expérimenter. Ailleurs que dans la sédition, ailleurs que dans le renoncement, dans l’exil des miroirs posés ici comme des cathédrales d’écumes où rebondit l’écriture comme une déchirure sans fin.

Le grand leurre, un débraillé de mots sur nos paroles au grand jour dans le fragile des perceptions impartageables qui coulent dans le ruisseau où nos pouls sont des rythmes et des cadences empruntées au rêve que nous avions fait d’une nuit sans doute heureuse dans le ventre de nos mères.

Il suffit à l’oiseau de s’élancer pour voir ses ailes devenir les supports déployés de ses ébats avec l’invisible matière qui lui offre ses plus belles danses.

Le chemin est un message clos, fermé sur lui-même. La voix, la parole insolite, ouvre les portes et les carrefours qui ressemblent à s’y méprendre aux jeux qu’enfant nous vivions comme des colins Maillard destinés à nous anéantir de tout repère. De nous sentir présents et ailleurs communément, de nous vivre là dans un cercle suspendu à ce point inaltérable où commence tous les rêves un peu fous. Sous ce préau construit de tout pièce pour nous interdire d’échapper à notre corps. Pour nous contraindre à mesurer l’espace infini qu’il représente. Cette charpente qui n’est qu’un grand trou noir qui aspire la vie où qu’elle se trouve. Nous ilotions comme des marins sans navires. Comme l’oiseau au dessus des mers où rien ne peut lui être une pause, un repos, un perchoir.

De nos substrats ankylosés, de ces fondations embourbées dans des sables mouvants, aucun principe ne résiste. Ta main est une joie qui peut caresser tous les désespoirs pour les apaiser comme elle est l’ogive possible de tous les tremblements. L’effondrement guette. La honte n’est que la traduction de ce qui s’écroule ici. Le tout à refaire n’a que les yeux des rapaces qui cherchent leur proie. Rien n’est stable au point de durer et cependant tout persiste à asseoir une éternité de la matrice où nous nous cherchons comme une aiguille dans un ballot de foin. D’un monisme éclaté, nos fragments s’empilent tantôt ici, tantôt ailleurs, dans une quête folle de l’unité paradoxale. Rien et rien et encore rien s’amoncellent comme un tout jamais complet, jamais terminé, inachevé. Des flaques de temps abreuvent quelquefois nos absolus. Nos soifs n’en demeurent pas moins avides malgré tout. Malgré l’idée que le néant demeure le vainqueur de nos batailles et de nos révoltes à pourfendre l’inacceptable.

Ton cœur tantôt appauvri de ses méandres indéfinis, tantôt le bois nécessaire aux flambées les plus criantes. Tes lèvres n’ont pour dire que le murmure des fondements silencieux. Ta bouche est baiser où se lient les salives des promesses. Voués que nous sommes aux frissons qui résonnent l’épanchement naturel de nos partages. Voués que nous sommes aux sceaux complices de nos tribulations que fait briller le hasard des foudres. Rien ne sait rien, si ce n’est le miel qui coule de toi et que je viens butiner comme une abeille affamée. 

L’obstacle est une épreuve que rien ne définit. Dans la larme qui s’égoutte du haut de nos espoirs, l’émotion qui bat en retraite va rejoindre les nappes souterraines pour préparer le grain nouveau qui viendra s’époumoner à son tour aux incontournables frictions qui nourrissent nos inflammations pour que ces dernières finissent par atteindre nos feux d’artifices les plus éclatants. Nous mourons tous dans l’éclair qui nous donné vie. Dans la fine lame de lumière éphémère qui éblouit jusqu’à nous rendre aveugles à tout ce qui n’est pas en nous depuis l’origine du temps.

Ne s’arrête rien. Même les voies sans issues finissent par s’entrouvrir d’une brèche. Même l’ombre termine sa course dans la lumière. Même nos tourments se reposent sur le désir qui s’abrite sous les feuilles comme un pistil fragile dont la fécondation est davantage un aveu qu’un simple vœu. Une destinée s’énonce sur le bout des langues, sur le bout des cœurs, un chemin baille toujours sa reconnaissance à l’éveil. Une tige verte se déploie de nos terres fumées d’histoires et la pluie vient porter la tentation comme un berceau s’associe dans nos pensées à la naissance de quelque chose de nouveau.

La nuit qui ne dort pas rode et tu planes. La matière est désuète, l’ombre rusée… Ce qui ne peut se saisir, ne peut se trancher et cependant nos lames sont en pourparlers, négociant l’insécable des tentations. Cachés derrière les rochers nous entendons clapir les vagues de nos ténèbres à nous dérober. Fuyant dans le noir pour s’habiller d’habiles silences à moudre le brouillard des mots. C’est la langue qui nous dévore. Sans rien dire.

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