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LA COLLINE AUX CIGALES
2 février 2010

Les mots d’amour sont-ils que des mots, ou des preuves concrètes et pragmatiques ? (Suite 4)

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Langue sédentaire. Kierkegaard disait déjà que « le moi est le rapport à soi en tant que posé par un autre » ; Kafka écrit : « chance que le sol sur lequel tu te tiens ne puisse être plus large que les deux pieds qui le couvrent » ; « lui-même comme un autre », écrivit Paul Ricœur ; […]

Alors peut-être es-tu mon message. A l’écart des distances, incarnant la parole dont je me suis désapproprié. Cette ressource de variation imaginative du je qui raconte le consensus de l’ipséité, ce facteur en bicyclette, sacoche au vent, grimpant à la lune.         

Dans la migration de l’itinérance l’exil devient migrer sur place, si je puis dire, dans un non-lieu et une non-histoire, où il devient un non-sujet, à partir de quoi se dessine une nouvelle forme de subjectivité, non plus fondée sur l’agir-pensé mais sur l’acte fondé dans l’ignorance des vertiges.

Voici des fleurs qui dansent

Voici des vagues de couleurs

Ton idée d’avoir fleuri

Jusqu’aux racines des ombres

Où crépite l’imprudence

Des reflets de songes qui ne sont plus.

A l’amphore de laitance. On passe des jours sans rien dire et puis voilà, la parole qui se délie au fond d’un jardin d’eau à demi éveillé. Ce n’est pas pour devenir vivant qu’on cause, non, c’est pour inscrire sur l’air la silhouette d’une falaise humaine. Une falaise abrupte où s’écrasent nos relents d’incertitudes comme des voix sans encombre. Une falaise comme écran de nos peurs à nos communes singularités d’humains.

On ne trace aucun territoire dans le vaste des océans, une gorge se suffit à la goutte. Eau salée sur les langues d’exil, la parole dégouline puis s’agrippe aux encoches fluettes des voix d’argiles que les remparts à la mer dressent comme des mausolées de têtance puériles.

Se taire au fond d’un silence résilié ressemble à l’abandon qui court dans nos fuites à ne pas comparaître au jugement de nos regards sans compromis dés lors qu’il s’agit de nous terrasser de nos exigences à nous pourvoir à aimer plus haut que nos cœurs. Sur des échasses de vertus, nos émotions chancellent et tombent et se brisent comme le cristal qui naît du souffle de nos ébauches, aux portes de nos consentis fragiles et vulnérables.

Ce n’est que dans la rencontre de nos silences démuselés, aux parcelles de muet habitable, que nos soifs creusent les vides et pourlèchent nos néants d’encombrements amoncelés aux mémoires lourdes du chagrin des tombes ré-ouvertes pour nous dire l’ivresse rugueuse des corps au fond des mers. L’absurde ne répond pas aux sirènes de cheveux verts. Et puis, libres de nos pauvretés que raconterions-nous aux tréfonds des sources pour leur expliquer nos pitoyables expressions à nous gémir de tous nos mots ?

Modeste, le cœur déforme les espaces clos et les corps au fond des mers sont des ancres oubliées qui chantent les détresses des marins partis pour ne jamais revenir. Dans ces vagues chemins de l’immobile, la survivance n’existe pas. La vie se régénère inexorablement de chaque mort. Toute semblance est dans l’écuelle de l’erreur si l’on considère la mort comme telle. Dans la marge, le mépris discursif des tromperies devine le goût du paradis dans la vague de l’autre, dans le port d’algues sans nom qui nous est étranger et cependant tout proche.

Il nous faut apprendre la mort, la décocter comme une noix fraîche, l’extirper de sa gangue où les déclinaisons ne se partagent plus et remettre le fruit dans l’escarcelle commune des limons nécessaires aux ébats des tourbes marines et des coquillages. Chaque signe de vie s’y surdimensionne.

Apprendre à vivre avec, c’est accepter l’héritage de l’impossédé de la perte qui nous reste enfouie dans nos veines où le cru coule à flot. Chaque page de vivance est un hall d’attente où le mot vient se délivrer en suppliant qu’on l’efface. Et l’on passe une vie à vouloir rassembler l’expérience. Mais le rassemblage n’est pas l’unité et lorsqu’on cueille un soupir c’est toute la portée des souffles que l’on dérange.

Libres, dans la limite de l’acceptation des hommes, les mots sont des perfusions, ils sont un opéra de vibratiles, oscillant la musique vivante bâillonnée aux meurtrissures des notes qu’il nous faut chanter. A l’écorchée des flots de probable, les portes restent ouvertes comme un cri, comme le jaillissement inéluctable de rêves engloutis que nos origines ont préservés de toutes défaillances. L’odeur du monde sur les marais desséchés guète l’inconnu des enclumes. Et seuls dans les dunes, entre la rime et la raison, sur la feuille des mystères livrés aux grains de folies, le jour et la nuit succombent à ronger l’os blanc des brisures. On ne sait jamais assez que l’enfance est mortelle. On l’apprend à ses dépends. Nous sommes des morts qui ne sont pas encore entrés en mouvements. Ce que nous pouvons faire, il faut le faire. On vit de ce qu’on a été. De ce qui nous a forgé bien avant notre seule naissance d’homme. Nous appartenons à la trame. Nous sommes des fibres amphoriques sauvées des noyades.

Déporté. Je ne dirai rien de cette voix partie ailleurs, exilée aux lunes imaginaires. Elle a déménagé et emporté avec elle tous les mots. Ici ne subsiste qu’une musique sans rythme.

Je ne dirai rien de ce vacarme inaudible qui cache le langage dans le gâchis des silences où rien ne s’affranchit.

Par quelle syllabe devrais-je commencer le mot « amour », par quelle mimique arriverais-je à lui donner son ampleur pour le voir se déployer de ses ailes d’ange ?

Je ne dirai rien des frasques qui envahissent autant que des tempêtes de sucre pourrissant le sang. Ni de l’alcool qui baigne mon cœur, à cette heure de démence.

Chaque mot me dévore.

Sur le bord de l’humain, l’effluve ne consent qu’à l’ivresse de mes sens en bataille. Mon enfance s’avorte de ses fous rires. La vie de moi ne ment pas aux vertiges.

Que pourrais-je dire aux versants de ses collines sur lesquelles le thym et la farigoule étouffent une innocence qui se perd dans le temps ?

Le désert est si vaste. Pour dire l’anéantissement, il faudrait la fissure de l’ombre. Il faudrait habiter le chaos tout entier. Et savoir extirper du vide, le mot qui n’existe pas encore. Le souffle est violent et arrache sur son passage ce qui était resté sur le bout de la langue.

Il ne me reste que mes yeux pour te dire. Me taire dans le creux de tes promenades est espérer que tu me ramènes à toi, dans le hasard des conversations de ton cœur.

Je suis ce déporté qui attend de tes nouvelles. Dans ma cage sans barreaux, le ciel me parle de toi. Il est bleu même la nuit.

Parler peu, mais plus souvent… Les dents se serrent sur le lacet du désespoir. Occulte tison qui rougie les peaux et embrume le regard. Remparts entourant les heures vides et molles où rien ne s’inscrit en dehors de la nostalgie, pourtant non convoquée. Les yeux s’essuient au paraître, mais dans l’étroitesse du jour transpire, malgré tout, la dépossession des hommes.

Te dire cet imprenable sentiment qui longe les berges boueuses serait t’avouer l’inclinaison ténébreuse qui mijote dans le silence.

Te dire la vaillance à oublier ou à faire comme-ci, serait t’offrir mon fragile comme un ruban de soie aux dimensions multipliées de la précarité des sens qui l’inondent.

Dans les certitudes encore à naître, le pli d’une espérance dévastée, l’imposture d’une attente corrosive et pourtant sans lendemain.

Parler peu, mais plus souvent…

Le mot, tel une commissure d’écriture, une feinte au lapsus, une comédie d’insurgés au théâtre des ombres. Le mot puissant de l’histoire qu’il trimballe et désossé de la saveur qu’il prétend aguerrir. Moins sournois qu’inefficace, moins trompeur que dépourvu, il pare et se pare. L’adversité n’est pas son combat. Sa seule bataille est l’unisson du signifié et du signifiant sous le même manteau, la même écorce, le même jus.

Dans l’exaltation, l'ébranlement de la rupture avec soi nécessite la refondation, la recomposition. La brouille rompt avec la peau du réel. Et, il est d’usage de reconquérir et de réinventer à partir de la clôture des événements. La parole incessante est de ce non-savoir qui tait l’existence avec qui je flirte. De l’un à l’autre, l’objet source demeure l’énigme réinterprétée sans cesse. L’intuition souveraine comme un non-savoir intraduisible, laisse sans voix notre primitive musicalité.

Seule la suture garde la trace, conserve l’émanation du silence originel, et le gramophone répète la voix humaine, témoignant la vie qui par sa puissance s’est glissée dans la métaphore.

Rien n’est comme avant, de cet avant figé aux mémoires sourdes d’un immédiat qui recompose en défrayant, en déculottant le jour qui arrive.

Parler peu, mais plus souvent…

Il est pénible d’imaginer mourir seul alors qu’on est incessamment troublé par l’humanité tout entière qui nous traverse. Il en est de même pour vivre. La conquête de l’absolu, bien qu’utile à nos moteurs d’espérance, est toujours travestie de nos incompétences à nous révéler par l’action. Et les mots deviennent vite ces pis-aller où nous accomplissons autant le non-dit que le non-fait. C’est dans la catastrophe que l’homme est le plus proche partenaire de lui-même. Etre accessible à notre défaillance ouvre la voie à nos obscurités.

Parler peu, mais plus souvent…

Cela gronde et déferle auprès du langage : le mot abrite la langue, la crypte, lui permet d’investir la vacuité, de lier l’image à sa résonance.

Te dire l’amour qui me déploie est aussi te dire l’infamie du cratère que j’habite comme écrire me livre nu à l’arbitraire des commentaires, le mien en premier lieu.

Cela frétille et danse à la main de ma gorge où se libèrent les fragments d’ondes imputrescibles. Te dire l’amour qui hante chaque parcelle d’une identité que je ne maîtrise pas entièrement m’assujettie à la possible discrimination de la raison dont la dominance me rétrécie et dont je ne suis assimilé que par défaut.

Parler peu, mais plus souvent…

Le mot épouse le halètement préconçu et décousu de mon être. L’ambiguïté inséminée à ma chair, j’oscille comme une lanterne de pacotille bercée par le vent.

Te dire devient alors, un balbutiement, un murmure presque inaudible. Et, il te faut un cœur énorme, démesuré, pour m’entendre et me comprendre.

Le mot est cette ficelle sans fin où j’inscris de mes fondations, les signes les plus lointains et les plus incompréhensibles.

Dans l’étincelle. A l’abolition de la langue, le mot est une boussole.

Miroir de dire et d’ombres à la dérobée de toutes les errances, j’irai marcher dans le vent. J’irai grimper à l’arabesque de la fureur humaine qui souffle sur les braises de la révolte à vaincre la déchéance des espaces endormis de l’oubli.

Langue amnésique où le rêve te parle en morse. Legs d’identités à l’étroitesse de l’intime. Le silence est l’exil farouche où se miment les yeux retournés du monde.

Orphelin de tous les silences complices, j’escalade le jour comme une cime infinie et me voilà aux pieds du murmure de la parole de marbre où se rejoignent les indicibles de l’impossible.

Quatre points cardinaux encerclent non plus la peur d’être ce que je suis mais bien la peur de mes désirs à être. Héritier des grimaces du réel, mon fantasme est le masque de mon inexactitude. L’hypothèse comme une foudre, l’artifice est mon paratonnerre.

Tu m’accompagnes. Ce qui ne peut s’extraire des bouches et qui va s’écraser au fond de la gorge, ce qui invisible fouette le cœur comme un vent déchaîné, tout s’en va gueuler solitaire dans le brouillard lapant des terres incultivées. Il faut être nomade pour envisager de fouler cet inconnu. Sans pays aucun. Vierge de charité. Livré à une éternité paraissant immobile d’où coule la fierté des temps souterrains.

La parole vide de pensée, le silence acculé à l’errance des vapeurs traversant les frontières, voilà ce qui n’existe pas prendre la forme d’un étrange désert. Paysage d’extrême aridité remplit d’axiomes perdus, champ de sable conservant en son centre la prière que l’espoir n’a pas su déterrer, que la vie n’a pas bâillonné mais qu’elle n’a pas, non plus, encerclé de tout son désir. Miettes d’échos ruisselants comme une pluie fine qui vomi le laissé pour compte, l’anonyme et l’orphelin.

Rien ne me conserve mieux que tes yeux qui m’ont recueilli à la perte. Rien ne voile aussi expressément et aussi voluptueusement que cette mer de ouate que tu as répandue sur toute l’étendue de ma déchéance. Un drap fin que transperce ta lumière. Tout est si proche et si lointain, le cœur dans ses morts passagères et le corps fendu de ses déboires à se lier au partage de ses émotions.

J’écoute battre mon sang auprès de ton feu et ta lumière me retient comme un enfant sauvé de la noyade.

Débord. Ce n’est pas le langage qui débusque dans l’inconscient la parole primitive, c’est la voix qui transporte l’enfoui jusqu’à nos lèvres.

C’est dans l’absence évanouie que j’ai trouvé la plus merveilleuse incision au seuil de l’intime.

Là où, il n’y a rien, tout se bouscule à être.

La fracture laisse l’émotion au repos, nue et insaturée, comme une cassure vierge, nette et sans bavure. La fente ressemble aux lèvres qui sourient lorsqu’un étonnement nous transporte à la beauté.

Quand tu auras désappris à la marche qui déserte les heures où s’attarde l’attente, le pas conquérant des certitudes qui avancent, quand la mesure du probable sonne au tocsin et que la lumière s’agenouille comme une prière entre les ombres. Nous irons.

On marche tant pour n’aller nulle part. On foule tant la détresse qui ne nous appartient pas à vouloir la faire sienne.

Inattendue se montre l’aube que nous pensons éternelle. C’est dans la pitié de nos carapaces que le jour se lève.

Vois la fumée qui remonte, elle fuit et nous ride du brouillard d’avant l’orage qui défigure.

Il pleut et nous habitons la goutte qui sèche au soleil. Crois-tu que nous puissions impunément creuser nos tombes sans que le vide vertigineux nous condamne à trouver la survie des équilibres précaires ?

Dans les brancards de l’amour, nos tâches rouges s’essuient aux vertus des herbes folles où se décimentent nos enfances qui somnolent.

Non, on ne boite pas, on tremble.

Cachés dans l’horizon de ronces et d’orties, nous mangeons des groseilles et des mûres. Et nous écoutons s’égoutter les nuages dans le calme des douceurs gourmandes.

Le silence déborde scandé par la danse qui vrille à l’escorte de nos plaisirs et de nos confusions.

Ecoute la chute du ciel, il tombe dans nos bras !

Déborder à l’insu. Doucement, tout doucement, je m’avance. Déjà la voix roule sous le bégaiement des hésitations. Quitter l’approximative de ce que l’on sait revient à s’interpréter dans une gorge nouvelle. La parole n’y a plus son écho d’habitudes, les vibrations lèchent les parois où le dire va cogner avant de devenir une musique qui s’évade de la pierre à aiguiser logée au fond du ventre.

Doucement, tout doucement, l’inconnu tisse sa trame comme un navire quittant le port et laisse derrière lui un filet d’eau qui s’efface peu à peu. La parole est une réponse, une écumoire où se filtre la giclure qui remonte du profond pour y chasser l’apnée qui s’étouffe d’une carence trop lourde à porter. Le à dire contraint le corps à des rétractations et des grimaces qui le transforment en caisse de résonance. Une grande cave à vins dont chaque bouteille retient en elle une part du message de la vendange complète. La friction du verre ajoute aux parfums de marc et de terre, une étrange sensation de tintamarre insolite brisant le monochrome d’une existence rythmée à coups de responsabilités inhérentes à la prière intérieure qui réclame le droit d’exister, aussi.

L’essentiel est alors, sans doute, plus à la sensation qu’à l’idée que les mots transportent d’étages en étages défiant la réalité dont on ne voit qu’une lueur parmi l’immense brouillard environnant. Irréductibles songes envoûtant la cohérence démunie d’elle-même. Sursaut vertigineux des jaillissements des ombres rampant jusqu’à la lumière. Soliloques clandestins venus de l’ailleurs restés immesurable.

Alors, oui, je voudrai dire, je voudrai te dire. Mais la confusion l’emporte sur la compréhension démunie de son solvable compréhensible. Et malgré tous mes efforts à essayer de traduire le nu qui m’étreint, je ne sais que balbutier quelques murmures dont seule la mélodie peut éventuellement être comprise, entendue.

Il me faudrait apprendre à chanter ou plus sûrement laisser chanter librement le jaillissement indubitable de mon profond pour envisager un possible partage.

Dans le transfert de tes yeux, le choc du monde berce ta flamme.

Si, j’étais en même temps, la flamme et la bougie, le ciel et la terre, ce qui est toi et ce qui est moi et les milliers d’autres, alors seulement arriverai-je à exclamer cette parole d’outre-tombe qui réveille en moi l’appartenance à une civilisation dont j’ignore toujours si celui qui a découvert le feu s’est brûlé. Dont j’ignore la sensation de celui qui n’est pas dans mon corps, dont je ne connais que les fantômes qui hantent mes prérogatives, mon libre-arbitre, mon choix, ma liberté et mon nantissement.

Etre et non-être s’entrecoupent à l’artifice de l’imminence. La tentation comme la privation rejoignent le colossal de mon ignorance. Je ne sais pas sentir autrement que par des sens dressés et formatés. Je me souviens de mes goûts d’enfants qui ont baptisés mon palais pour toujours vouloir s’y référer.

Je voyage au carburant de l’imagination et mon imaginaire prend source au vouloir qui l’accompagne. Je n’habite bien que la fatalité et le chaos, partout ailleurs n’est qu’un insipide qui voudrait me faire croire. L’arbitraire et l’abstraction sont un rêve domestiqué, mon acuité un combat.

Saillir la pensée, elle demeure ; tout comme on ne change pas ou plutôt on change là où l’on se renouvelle dans la destruction de soi permanente.

D’autres vies que la miennes vivent également dans la précarité, le vulnérable, la soif du feu, enchaîné à l’exégétique vétille inéluctable du monde, à d’erratiques rémissions de soufre.

Ma nuit dort sur le bord du monde.

« Nous demeurons la mémoire que nous avons choisi d’habiter… » Peut-être, je me livre du mot que je ne suis pas, que je ne suis plus. J’écris ma voix dans les gorges du silence.

La vie, ma vie est ce poème illisible dont je feuillette néanmoins chaque page pour que le sommeil vienne. Un poème tragique certes mais un poème d’amour inconsolable.

Insomnie. Une voix humaine, chaude et compréhensive… Si… si seulement si… tes lèvres gourmandes aux vertus sans pitié s’alignaient au carnage des hommes sans scrupules.

Une voix humaine, si humaine qu’elle fait vaciller, si chaude qu’elle accompagne le fruit, l’arbre et la rosée ; une voix unanime aux parfums des corps qui s’agitent comme de frêles ombres juchées dans les yeux du monde.

Voix de certitude comme fidèle, voix de croyances infaillibles comme une solitude semblable couchée avec une autre solitude semblable dans le haïssement des doutes, dans l’éboulement infini des paroles sans cordes. Prêtresse qui trempe sa langue dans l’assurance de la glue des jours qui sombrent les uns après les autres comme des châteaux de cartes s’effondrent de la brise velue qui chasse la lumière pour l’avaler du noir ténébreux des fonds de puits.

Une voix humaine, presque audible dans le murmure des refrains où se dépapillote le sommeil de l’éternité. Une voix qui parle d’Hélène et de son ouvrage de laine, qui parle d’Ulysse et de ses combats glorieux et qui dit : je reviendrai rompre vos hésitations, vos soliloques indéterminés, vos indécisions rédhibitoires et vos méfiances aux déserts de mots fiables.

Une voix humaine que les oiseaux comprennent et qu’à ton gré berce le ciel comme le berceau muet des comptines que tu n’atteints plus toi-même.

Broder la parole d’un silence. La blessure que nous portons en nous comme une cicatrice irrémédiable est cet inachevé que nous parcourons sans relâche et que nous savons interminable.

Peut-on sauver la mort qui nous attend en ressuscitant de nos failles indubitables le serment d’amour initial ? En ce monde, aimer n’est-ce point notre seule gloire et notre seule défaite ?

En naissant, on quitte l’origine pour convoler vers l’absurde auquel il faut donner un nom pour accoutrer le réel d’une part de vérité. Mais dans la parenthèse du temps demeure une émotion plus vive que toutes les autres, plus teigneuse et plus avide : délétère. Une émotion notre seul souffle.

L’évitement occupe le dérisoire qui nous agresse et nous oblige bien souvent à manigancer avec la chirurgie imparfaite de nos consolations.

Murmures anesthésiés de nos mémoires… Soudain la vie nous manque dans sa violence à être, dans sa colère à se manifester. Et nous sommes dépourvus, au pied d’un mur immense, immesurable et impossible à escalader, par trop glissant.

Mon corps se régénère à la lumière de tes yeux, à la vision aveugle où le senti trace ses spirales. A trop sucer de sève dans tes globes, ce sont les miens qui ne tournent plus ronds.

Les exégètes et petits rodomonts qui récitent l’Alphabet dans un ordre glacial s’enveloppent des habits qu’ils ont déposés sur nos bouches. L’existence prétexte à l’orgasme se rue aux clous qui retiennent aux portes des jouissances. Foudroyé d’inconstance, le reliquat traîne la patte. Trop de fantômes dans ma nuit qui gesticulent, qui dansent sans que je puisse les toucher, les corrompre à l’apaisement. L’eau et puis le lacet de gouttes qui viennent inonder le sommeil de cauchemars talentueux à nous parler une langue étrangère que nos peaux interprètent dans les frissons grumeleux où sursaute la caresse de l’heure qui s’écoule à l’océan où se cumulent les cernes du temps, où s’accroche le feu sans flamme qui perce l’union du jour et de la nuit. Césures inoculées à l’horizon comme une trombe d’eau inexplicable rugissant sur des terres incultivées, vierges d’amour et de désir, des terres sans mottes, sans herbe et sans tombes creusées.

Dans le noir a germé le chaos, dans la raclure des ombres, dans l’oisiveté purulente des sans abris, au linceul des gouttes d’acide qui trouent nos élans et nous laissent transpercés par les vents et les tornades.

Univers, je me couds à toi comme un tissu de peau, comme une cicatrice glauque, un déchirement qui défait les points de suture dans un va et vient où le fil cède.

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